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On en vendrait son âme au diable

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Metz. Arsenal. 18. VI. 2006. Hector Berlioz (1803-1869) : La Damnation de Faust, légende dramatique en quatre parties sur un poème de Hector Berlioz et Almire Gandonnière. Avec : Jean-Luc Viala, Faust ; Laurent Naouri, Méphistophélès ; Nora Gubisch, Marguerite ; Benoît Arnould, Brander ; Brighton Festival Chorus (chef de chœur : James Morgan). Orchestre National de Lorraine, direction Jacques Mercier

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Le programme indique « Concert prestige », ce qui d'emblée, une fois franchies les portes de cette magnifique salle qu'est l'Arsenal, laisse le spectateur en droit de s'attendre à une soirée exceptionnelle. Et ce soir-là, personne ne sera floué ni déçu.

Dès les premiers accords de l'introduction, on se laisse happer par l'étrange beauté de cette musique, elle-même magnifiée par l'extraordinaire acoustique de la salle, acoustique parfaite qui laisse à chaque instrument le temps de s'épanouir afin d'être perçu de tous. Enfin les cordes peuvent briller de tout leur éclat et les vents sonner sans écraser le reste de l'orchestre !

Faust ouvre la bouche, et le drame peut commencer : , en grande forme, mit du temps à s'échauffer, mais compensa ce manque de volume en début de concert par une musicalité sans faille et un engagement dramatique impressionnant. Une fois retrouvées toutes les couleurs et la puissance de son instrument, il laissa s'écouler sa voix, nous gratifiant même de superbes passages en demi-teintes et en voix mixte. Méphistophélès trouve en un interprète idéal, à la fois drôle et sarcastique, doté d'un jeu scénique confondant de naturel et d'une présence écrasante. Le moindre mot est coloré, la plus petite inflexion de la voix justifiée. Voilà un interprète intelligent, dont on sent que l'incarnation diabolique a été mûrement réfléchie. Vocalement, bien que peu séduisante et malgré quelques aigus forcés, sa voix très étendue lui permet mille et une nuances du plus bel effet. , quant à elle, est une superbe Marguerite, capables d'impalpables pianissimi suspendus dans les airs à fleur de lèvres, quelques aigus émis en force n'altérant en rien la beauté de son chant. On regrette alors que Berlioz n'ait pas donné une place plus importante à son personnage, à l'instar de Gounod. En Brander, offre sa belle voix de baryton-basse, un peu grossie et engorgée cependant, ce qui a pour conséquence fâcheuse qu'il passe mal l'orchestre lorsque celui-ci, très fourni, donne de la puissance.

On ne pouvait pas parler de cette Damnation sans mentionner l' qui, depuis la rentrée 2005, est en progrès constants. Mais le niveau que ce National de Lorraine a atteint ce soir-là était tout simplement époustouflant : superlatif, déchaîné comme jamais, d'une beauté de son, d'une précision et d'un lyrisme à faire pâlir les plus grandes phalanges françaises et européennes, l'ONL s'est hissé en une soirée à la hauteur du Philharmonia Orchestra ou de l'Orchestre National de France. De plus, à chaque fois que l'ONL se déchaîne ainsi, c'est lorsque est au pupitre, ce qui tend à donner raison aux critiques qui font de lui l'un des meilleurs chefs français et européens de sa génération. Ce soir-là, le beau aura donné une grande leçon de direction. Rarement chef aura été aussi passionné et engagé corps et âme dans la musique qu'il dirige. Sa force a été telle qu'il a mis le public messin à genoux. Un public qui, les dernières notes achevées, ne voulait plus le laisser partir.

Cette Damnation en aura bien été une, car, pour ensorceler ainsi un orchestre, des solistes et un public, il faut être le diable en personne. Ou, au moins, son meilleur élève. Ou, tout simplement, il suffit d'être un magicien de la musique…

Crédit photographique : © Philippe Grunchec

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