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Luigi Vecchioni, le talentueux et sympathique – toujours souriant – second violon du Quatuor Manfred a répondu aux questions de ResMusica au moment où les Manfred s'apprêtent à célébrer leurs vingt ans de carrière.
« Manfred ? Il s'agit d'un emprunt à un personnage de Byron, et donc éminemment romantique. »
Resmusica : Luigi Vecchioni, vous appartenez au quatuor Manfred depuis ses origines (1986), voulez-vous nous rappeler les circonstances de sa création ?
Luigi Vecchioni : Eh bien, en 1986, nous venions d'horizons différents. Marie (Béreau-Wolf, premier violon ; NDLR) et Christian (Wolf, violoncelle : NDLR) avaient été formés à Strasbourg, puis étaient passés ensuite par la Juilliard School de New-York, Alain Pélissier (alto), qui nous a quittés depuis 2003, parce qu'il avait d'autres projets, et qui, comme vous le savez, a été remplacé par Vincianne Béranger. Alain donc, arrivait du Sud et moi-même de Genève. Nous jouions alors en orchestre, et c'est un ami commun qui nous a rapprochés et incités à constituer un quatuor. Il faut dire que le quatuor à cordes, à cette époque, commençait à connaître sinon un regain de popularité, du moins un engouement qu'il avait un peu perdu (en tout cas, en France) dans les années 60 / 70. Et puis assez vite, nous nous sommes sentis en phase, nous avons pris de l'assurance…suffisamment pour tenter les concours.
RM : Justement, à ce sujet, au terme de ces vingt premières années d'existence, durant lesquelles vous avez eu l'occasion de vous produire un peu partout dans le monde, et sur le plan du bilan, on imagine que ces concours prestigieux, qui auront grandement contribué à votre lancement, font partie des événements qui auront marqué la vie du quatuor ?
LV : Naturellement ; les « événements », ce furent d'abord ces fameux concours de Banff, au Canada, puis d'Evian, pour lesquels nous avons remporté le grand prix. Je me souviens de ce bonheur – inespéré – que nous avions éprouvé déjà à la seule nouvelle de notre sélection à concourir pour Banff (et pour laquelle nous avions envoyé une cassette de présentation, ainsi qu'il était de règle). Alors, vous pensez bien, le fait de remporter le premier prix ! Et puis, par la suite, les moments les plus « forts », ce sont certains concerts donnés en compagnie de personnalités musicales de premier plan, qu'elles soient de notre génération ou non ; ainsi ce concert donné en l'abbaye de Fontenay lors des manifestations qui ont entouré le 900e anniversaire de la création de Citeaux, concert donné avec Rostropovitch à nos côtés.
RM : Vous empruntez votre nom « Manfred » à un héros romantique qui a inspiré, entre autres, Schumann et Tchaikovski. Est-ce à dire que c'est là, chez les romantiques, qu'est votre répertoire de prédilection ?
LV : Manfred ? Oui, c'est un fait. Il s'agit d'un emprunt à un personnage de Byron, et donc éminemment romantique, et qui nous a semblé bien convenir pour nous représenter, plutôt que le nom d'un compositeur ou d'un interprète du passé, hypothèse jugée trop dangereuse à nos yeux (mimique expressive…). Pour autant, non, cela ne nous cantonne pas spécialement dans le répertoire romantique, que nous fréquentons cependant volontiers. Notre tout premier enregistrement était d'ailleurs consacré à Schœnberg.
RM : On vous rencontre (en Bourgogne, en tout cas), sous trois appellations différentes : Quatuor Manfred, bien sûr, mais aussi : « Quatre Archets pour Dijon » et… Musique en Voûtes. Qu'est-ce qui motive et caractérise ces différentes « identités » ?
LV : Quatuor Manfred, c'est notre appellation courante, et particulièrement partout hors Bourgogne. Les « Quatre Archets », soutenus par la ville de Dijon c'est en quelque sorte notre raison sociale spécifiquement dijonnaise. Quant à « Musique en Voûtes », association créée en 1994, qui bénéficie du soutien de la région Bourgogne, de la DRAC et des quatre départements, c'est un festival annuel de fin d'été, itinérant, qui exploite le patrimoine architectural, essentiellement roman – et si riche – de la Bourgogne. Cela représente quelque huit journées « patrimoniales » et musicales (en fait, deux par département), avec conférences, visites guidées et concerts ; ce qui permet de valoriser les lieux en même temps que de diffuser la musique de chambre en milieu rural, avec cette particularité que chacun des concerts de notre quatuor est précédé d'un « moment musical » assuré par de jeunes musiciens en passe de tenter l'aventure professionnelle.
RM : Vous partagez, semble-t-il, avec le quatuor Ysaÿe, le mérite de l'initiative pionnière de la création d'une classe de quatuor au sein d'un conservatoire ; qu'en est-il exactement ?
LV : En effet, il se trouve que la chance qui nous été donnée d'occuper tout de suite un poste d'enseignement dans le même conservatoire (en l'occurrence, le C. N. R. de Dijon), nous a facilité les choses. Et même si l'un ou l'autre est également occupé par ailleurs (Marie, à Paris ; Christian, à Lyon ; Vinciane, à Nancy ; NDLR), nous pouvons, ici, travailler dans de bonnes conditions.
RM : On assiste actuellement à l'émergence d'un bon nombre de jeunes quatuors – et de grande qualité – formés dans ces classes. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
LV : C'est le but recherché ; attirer de jeunes musiciens talentueux vers la pratique de la musique de chambre, et particulièrement, la discipline du quatuor à cordes ; Quand ces jeunes musiciens arrivent ainsi sur le devant de la scène, nous ne pouvons que nous en réjouir ; mais nous recevons aussi épisodiquement, pour des stages organisés, la visite de quatuors professionnels déjà formés.
RM : Vous allez, le 16 juin prochain, au cours d'une soirée « prolongée » très particulière, concrétiser l'anniversaire de ces vingt ans de quatuor. Voulez-vous bien nous en dire quelques mots ?
LV : Cette soirée du 16 juin, en tant que soirée-anniversaire, sera naturellement fêtée en musique, dans un esprit récréatif. On y entendra du quatuor, bien sûr, avec ou sans piano ; mais pas seulement. D'autres instruments seront également présents. Ce sera une sorte de schubertiade, agrémentée de petites collations. Nos amis musiciens y seront conviés et, bien entendu, notre fidèle public.
RM : Quand on est second violon, au sein d'un quatuor, Luigi Vecchioni, n'éprouve-t-on jamais, un tant soit peu, la tentation d'Iznogood ? (…parlez librement ; on ne dira rien à Marie Béreau !)
LV : Ah… ! C'est là une question bien personnelle ; Mais qui ne me dérange aucunement, dans la mesure où, entre Marie et moi, il n'y a aucune tension. Nous nous connaissons de longue date et d'un regard, d'un geste, en concert, nous nous comprenons parfaitement. Je vais vous dire … Je ne me considère pas comme « subalterne », ni comme « secondaire » ; J'ai le sentiment (même si ce que je vais dire là peut paraître prétentieux) de constituer une sorte d'épice, d'ingrédient indispensable à la confection d'un mets qui sans cela pourrait manquer de … Saveur ! Mais…Oui, bien sûr, certaines œuvres, particulièrement chantantes au premier violon (Ah ! tiens, l'Andante de Souvenir de Florence, par exemple), des thèmes comme celui-là font qu'il m'arrive parfois d'envier ma partenaire, mais à côté de cela, que de satisfaction dans le simple fait d'apporter sa pierre à l'édifice harmonique et contrapunctique d'une foultitude de partitions !
RM : Avez-vous quelque projet personnel (ou collectif) pour la prochaine saison, ou bien est-il encore trop tôt pour en parler ?
LV : Mes projets personnels se confondent avec ceux du quatuor. Nous reviendrons à Mozart avant la fin de l'année (civile) ; cette année Mozart est loin d'être achevée et puis … La formule va peut-être changer, au lieu de six concerts tels que ceux de cette saison autour d'un seul thème (cf. Destins Croisés), il se peut qu'il n'y en ait que trois, autour de thèmes différents, pas encore bien définis.