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Toulouse. Halle aux Grains. 27-04-2006. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : La Consécration de la maison, ouverture op. 124 ; Symphonie n°6 « Pastorale » op. 68 ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concerto pour violon n°5 K219. Janine Jansen, violon. Orchestre National du Capitole, direction : Philippe Herreweghe.
Philippe Herreweghe et le Capitole dans Beethoven
Les concerts de violon ressemblent de plus en plus à des auditions pour le concours « Jeune et jolie ». Notre nouvelle concurrente se prénomme Janine, elle vient de Hollande, elle est ravissante, elle a joué avec les plus grands chefs (Chailly, Gergiev, Askhenazy, Norrington…), on l'applaudit bien fort ! Et Mozart ? On en trouve parfois un peu, ici ou là, tout rose bonbon, porcelaine de Saxe, bibelot rococo. Il est étonnant d'entendre d'un côté un orchestre « musicologiquement informé », et de l'autre ce Mozart standard des grands conservatoires internationaux : phrasés longs, notes tenues et vibrées dès l'attaque – alors qu'elles sont courtes et sans vibrato à l'orchestre – quelques petits chichis en guise d'interprétation ; bref le néant stylistique. Mais quelles poses ! Tout dans l'aguichant : mines de petite fille appliquée et coquine, puis grands mouvements de chevelure ondoyante sur épaules nues, un look sexy de poupée maniérée et friponne. On sait que la demoiselle a été remarquée par Decca ; ils ont raison, elle fait très bien sur les photos, à peine dévêtue, le sein légèrement entrevue, dans des poses languides. Mais on ne peut s'empêcher de penser que Josef Suk, immense mozartien, n'a plus enregistré pour cette même marque depuis des lustres. Ah oui, mais il est vraiment laid ! – argument artistique imparable. On se demande si, aujourd'hui, Johanna Martzy, Erica Morini ou Ida Haendel arriveraient à faire carrière…
Malgré tout le respect qu'inspire Philippe Herreweghe, immense interprète de Bach, on reste dubitatif devant son approche de Beethoven. D'abord, la technique de direction surprend, avec une gestique se situant quelque part entre le combat de boxe catégorie poids-plume et la danse du hibou éveillé en sursaut, ce qui vaut quelques passages un peu embrouillés. Et si l'on n'est plus guère surpris maintenant d'entendre les préceptes baroques appliqués à de la musique qui n'en demande pas nécessairement autant – absence de vibrato, notes longues systématiquement abrégées, tempos rapides, cors cuivrés – on s'étonne par contre de les trouver ici associés à des éléments hérités de la tradition et communément abandonnés, comme le ralentissement sur la première phrase du premier mouvement de la Pastorale, avant l'arrêt sur le point d'orgue. On a ainsi l'impression que le chef s'est limité à une sorte de lifting cosmétique sur les seuls paramètres sonores, sans remettre en cause de façon profonde la lecture de l'œuvre. Tout cela n'est pas désagréable, la musique file relativement droit, avec quelques éléments peu cohérents mais sans se perdre dans la mise en avant du détail comme cela arrive parfois. Mais certains passages s'essoufflent, en partie parce que les cordes, traitées absolument sans vibrato, laissent apercevoir un certain manque d'homogénéité. Il faut tout de même rappeler que cette absence totale de sons vibrés est historiquement discutable et techniquement délicate, alors même qu'il s'agit de l'élément le plus communément accepté comme marque d'un « retour aux sources », car le plus facilement audible. Vaste sujet…
Et puis, cette Pastorale gentiment paysanne tend à ravaler Beethoven au rang de ces compositeurs qui ont alors sévi dans le genre de la symphonie à programme ou descriptive, les Dittersdorf, Gossec et autres. Le débat est de savoir si ce type d'interprétation rend au compositeur sa vraie place ou s'il la minimise. Sans vouloir à toute force remonter au temps des « grands anciens » – Walter, Furtwängler etc. – force est de constater qu'avec des conceptions esthétiques qui étaient celles de leur époque, ils donnaient une vraie leçon d'humanisme musical, vivant en profondeur la partition sans s'arrêter à une simple lecture sonore. Car on peut se demander si cette culture du son – ne s'accompagnant ici d'aucun travail réel, semble-t-il, sur le texte ou les phrasés, contrairement à d'autres « baroqueux » – n'est pas une façon de minimiser l'impact réel de cette musique, d'en mettre à distance l'élément à la fois le plus prenant et le plus exigeant intellectuellement et émotionnellement : l'humain.
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