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Les Master-Classes d’Ambronay s’échelonnent d’avril à juillet. Nous avons été témoin de la journée du 17 avril 2006, avec Jérôme Corréas, assisté de Béatrice Martin et Barbara Nestola, sur le thème de « La musique religieuse à Rome au XVIIe siècle ».

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Les Master-Classes d'Ambronay s'échelonnent d'avril à juillet. Nous avons été témoin de la journée du 17 avril 2006, avec Jérôme Corréas, assisté de et Barbara Nestola, sur le thème de « La musique religieuse à Rome au XVIIe siècle ».

L'ancienne abbaye d'Ambronay, petit village de l'Ain, haut lieu d'un festival de musique baroque prestigieux, et incontournable par son regard sur les recherches les plus récentes en la matière, accueille en 2006, dans le cadre de son « Centre Culturel de Rencontre », quatre master-classes. La première de cette cuvée réunissait, autour de Jérôme Corréas, « master », une « class » de quatorze jeunes stagiaires, venus de Lyon, Paris, Bâle, Valencia, Sarreburg…, certains en fin d'études, d'autres en début de carrière. Le travail portait sur la prononciation romaine, appliquée aux œuvres que, pendant plus de vingt ans, le musicologue Jean Lionnet a inlassablement étudié, transcrit et recopié, de nombreux manuscrits inédits du XVIIe siècle à la Bibliothèque du Vatican. Ces pièces de musique vocale religieuse constituent un fonds inestimable qui témoigne de l'intense activité musicale qui régnait à Rome dans les années 1630 à 1700, et de l'évolution du style baroque romain entre Carissimi et Haendel.

Un concert des stagiaires est prévu le lendemain soir de notre visite. Il faut définir le programme, et travailler encore les pièces retenues. Chaque proposition des groupes de deux, trois, quatre, cinq amis en voix, commence par une lecture parlée du texte, pour contrôle de la prononciation par Barbara Nestola. Puis Jérôme Corréas demande aux chanteurs une traduction globale, et seulement alors « Musique ! ». Parfois interrompue d'un « Octavi ! » à l'adresse de la basse : « Oui, on ne va pas s'embêter avec une tessiture pas chantante, soyons pragmatique ». L'expérience du Maître…

Ne pas avoir sa langue dans sa poche, et la voir dans un miroir de poche

Les pièces proposées s'enchaînent, certaines peut-être pas indispensables (« C'est bien ? » demande Jérôme Corréas aux chanteurs qui l'ont travaillé hors-cours ? « C'est marrant, oui, mais ça finit en eau de boudin… » « Pas indispensable ? Alors on enlève ! » dixit ), d'autres curieuses (un duo de basses, par exemple), d'autres enfin très belles… Et très bien servies par certaines de ces jeunes voix, qui affichent de surcroît une envie de chanter très convaincante. Motivés à l'instar de ces deux espagnols, venus de loin, et riches de superbes bagages, parfois un peu trop sonores dans cette petite salle de travail. Les personnalités se dévoilent, et pas seulement les personnalités musiciennes : on pressent que face aux « décideurs », celle-là saura s'imposer, que celui-là sera vite crédible.

Image drôle, et forte. Un jeune ténor espagnol ne comprend pas les corrections de timbres que lui propose Jérôme Corréas. Le professeur demande alors à ces dames si l'une d'elle aurait sur elle un miroir de poche. Oui, « Merci, Béatrice »… Il ouvre alors le poudrier aimablement prêté, et le tient face au visage de l'élève. « Regarde ta langue : tu vois, elle est trop en avant ». L'effet souhaité est obtenu immédiatement. « Allez, on la refait, prends le miroir et surveille-toi ». Le duo « Colombella » est cette fois parfaitement chanté, sous le regard très amusé de l'assistance. Jérôme Corréas reprend le miroir, et le tend à l'autre duettiste : « A toi, maintenant ». L'équilibre des sourires un rien moqueur est assuré, et sied bien à cet air aérien.

Miroir rangé, Pièce suivante. On constate que les visages au travail ne sont pas les mêmes que sur une scène. Concentration et réflexion bien sûr, mais aussi, plus fascinant, l'exact visage du bonheur, peut-être même l'extase… Dans les yeux de la chanteuse qui a réussi la coloration qu'elle cherchait, dans les yeux du chanteur qui a la révélation d'un son qu'il ne savait pas posséder (grâce à l'astuce d'un crayon maintenu fermement sous le menton par Jérôme Corréas : « Tu vois, il est beau, là : sans le brillant de la voix, en ouvrant un peu moins la bouche »). Le claveciniste, penché sur son outil, ne retient pas non plus d'immenses sourires sans destinataire.

Des ondes lumineuses que ces artistes sur le chemin de l'accomplissement, verront un jour passer sur les visages du public, comblé…

Stage de chant, mais Jérôme Corréas est très attentif aussi aux musiciens du continuo, autour de , échangeant avec eux des arguments pour telle ou telle ornementation, en réglant les enchaînements pour placer les chanteurs sur la piste d'envol idéale, surtout en saluant leur recherche permanente du toujours mieux, d'un « C'est beau ce que tu as fait là sur le petit clavier ». Grâce au niveau de la plupart des stagiaires, les remarques et corrections purement techniques sont rares (hors prononciation, objet majeur de ce stage), il s'agit ici de travailler l'interprétation. « Il faut que vous vous amusiez plus ». L'interprétation, et aussi l'art du chanter ensemble, « Attention, il y a une surenchère inconsciente en chantant à plusieurs ».

Il n'y a à ce jour à peu près nulle part où écouter l'une ou l'autre de ces pièces, sauf bientôt sur… Radio Roumanie Internationale, qui était là aussi, pour une série d'émissions sur le Centre Culturel de Rencontre d'Ambronay, et sur ce stage. On espère très naturellement, Avec Jérôme Corréas, que le Festival d'Ambronay, défricheur réputé, ouvrira ses programmes à ces romains, fines fleurs de l'art musical du XVIIe siècle, et (presque) oubliés : Mazzocchi, Marazzoli, Lorenzani, Fabri, ou Antonio Maria Abbatini, Giovanni Francesco Anerio, Angelo Berardi, Giovanni Giacomo Branca, Silvestro Durante, Giuseppe Giamberti, Vincenzo Ugolini, …

en complément :

interview de Jérôme Corréas sur ResMusica

Crédit photographique : © DR et Julie Robert

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