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Jean-Frédéric Neuburger, espoir à confirmer

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Paris. Salle Cortot. 30-III-2006. Frédéric Chopin (1810-1849) : Sonate n°3 en si mineur op. 58 ; Introduction et Variations brillantes sur le Rondeau favori « Je vends des scapulaires » op. 12 ; Trois Ecossaises op. 72 ; Trois nouvelles études ; Nocturne posthume en do mineur ; Tarentelle op. 43. Maurice Ravel (1875-1937) : Gaspard de la nuit. Jean-Frédéric Neuburger, piano.

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Il ne sera bientôt plus besoin de présenter qui, à l'âge de 20 ans, commence une carrière fulgurante couronnée par de nombreux succès lors de concours internationaux. A l'occasion de la sortie de son deuxième enregistrement consacré à Chopin, le festival d'Auvers-sur-Oise organisait jeudi 30 mars 2006 un récital du pianiste à but promotionnel.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, Resmusica tient à assurer ses lecteurs qu'aucun de ses rédacteurs ne se permettrait de griffonner intempestivement des notes lors du concert qu'il doit chroniquer. Le public du récital dont il faut faire écho était essentiellement constitué de journalistes, dont certains se sont montrés de grands virtuoses du crayon, perturbant l'écoute et rendant les plus dociles irascibles… Il fallait pourtant faire preuve d'un grand stoïcisme pour ingérer le programme – pantagruélique – qui comprenait ni plus ni moins que la Sonate n°3 de Chopin et le Gaspard de la nuit de Ravel.

Souvent, ce sont les débuts de récital qui sont ratés. L'interprète met un temps plus ou moins long à s'accommoder à son instrument, à la salle et au public. lui, semble immédiatement à l'aise dans une œuvre difficile, à la structure complexe. La Sonate n°3 de Chopin est même de tout le programme l'œuvre dont le pianiste semble avoir cerné l'essentiel. On est surpris par l'unité, l'impeccabilité de la technique ou la grâce arachnéenne du Scherzo. Seulement, dès le mouvement lent, un manque de souplesse, audible notamment dans le finale, dérange quelque peu et laisse pressentir la suite du récital.

A l'instar de Robert Casadesus, des interprètes ont opté pour une approche objective de la musique de Ravel. Neuburger s'engouffre dans cette voie qui, si elle convient au Tombeau de Couperin ou aux Valses nobles et sentimentales (au Ravel le plus « classique »), est plus hasardeuse dans Gaspard de la nuit. Ce triptyque pour piano composé en 1908 s'apparente plus à un grimoire de sorcellerie qu'à un exercice de composition brillamment réussi. Ravel confesse ici ses propres démons, se mettant à nu à travers la fantasmagorie glauque, morbide voire grotesque d'Aloysius Bertrand. Fort de ses images, l'auditeur s'agrippe à son siège, persuadé d'être invité à un parcours ésotérique sensationnel… Très vite il s'ennuie. Parce que l'interprète ne rentre pas dans l'œuvre, parce qu'il se contente de la jouer quand il faudrait la subir, parce qu'il fait montre d'une expérience d'élève surdoué là où il faudrait se servir d'acquis sensitifs personnels, cela reste terne, monocorde. Il fallait un rien, une lecture de la partition plus habitée pour qu'Ondine puisse prendre des allures de nymphe sensuelle voire lascive, pour que la profusion des triples croches ne fassent pas songer au cliquetis d'un dactylographe tachycardique mais plutôt aux liquides palpitations décrites dans le poème de Bertrand, pour que les 153 si bémol du Gibet évoquent le tintement sourd et lointain du glas et non pas l'insignifiante percussion du marteau contre la corde, pour que Scarbo prenne des allures frénétiques, saccadées, violentes et subjugue d'épouvante un public blafard et exsangue. Une machinerie complexe, dont la mécanique était parfaitement huilée ne demandait qu'un coup de baguette magique pour prendre vie.

On ne pourra se taire sur l'inégalité de la deuxième partie du concert, consacrée à des œuvres méconnues de Frédéric Chopin. Celles-ci sont loin d'être du même acabit que la Sonate n°3, et face à de telles œuvres, l'interprète ne doit-il pas jouer de ses talents pour insuffler de l'intérêt à ce qui n'en a que peu ? Là où Arthur Rubinstein eut usé du rubato pour esquisser une joliesse « salonnarde » des plus gracieuses (Introduction et Variations brillantes opus 12, Trois Ecossaises opus 72, Tarentelle), nous avons eu droit a une exécution brillante et rigide. Cependant tout n'est pas glacé dans le jeu de  : l'architecture est privilégiée sans pour autant que les lignes soient systématiquement brisées ou les angles obtus. Les Trois études posthumes ont bénéficié d'une exécution soignée qui laissait deviner un talent expressif dont on a attendu jusqu'au bout qu'il se libère.

Non, non, non, se dit l'auditeur, j'ai du mal écouter… Il est parfois bien difficile d'admettre une déception ! Les reproches énoncés dans cette chronique ne sont en aucun cas destinés à ternir la notoriété déjà grande de Jean-Frédéric Neuburger. Dans la mesure où l'on sait la démesure des capacités du pianiste, on est tout simplement en droit d'attendre de lui l'excellence. La jeune génération ne doit-elle pas assurer et fertiliser le terrain musical futur dont l'incertitude constitue une menace oppressante ? A une époque où les carrières brûlent tel un feu de paille, on ne voudrait pas que s'éteigne de manière impromptue celle du nouveau héraut du piano français.

Crédit photographique : © DR

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