La Neuvième de Beethoven, de Napoléon à l’Hymne Européen

La musique constitue-t-elle un langage universel ? A la vision de ce documentaire, primé au festival de Hambourg 2005, on sera tenté de répondre par l'affirmative.

Mais on prendra également conscience du fait que l'on peut lui faire tenir bien des propos, même s'ils sont en totale opposition. La neuvième symphonie de Ludwig van Beethoven, depuis sa création en 1824, a ainsi fait l'objet des récupérations politiques les plus incroyables. Beethoven anarchiste pour Bakounine ou marxiste pour les communistes aspirant à une société sans classes ! Alors que les Francs-maçons y reconnaissent une œuvre maçonnique, Hitler la fait jouer à Bayreuth à la gloire du IIIe Reich. A moins que cette musique ne serve en réalité le message de l'Evangile ?

Le réalisateur Pierre-Henry Salfati ne mène pas cette recherche dans le but de poser un verdict. Il nous emmène dans un voyage à travers l'histoire et tend à sonder l'âme humaine par l'ultime symphonie d'un génie. Lors de la première guerre mondiale, Alliés et Allemands se disputent le legs de Beethoven.  » Le son des canons ne l'aurait pas rendu plus sourd « , commente Salfati. Et lorsque l'on voit à quel point il est aisé de s'approprier ce monument de l'histoire de la musique, les vers de Schiller paraissent bien naïfs. Sans doute l'utopie humaniste à laquelle songeait le musicien l'était-elle également. Déjà déçu par Bonaparte auquel il avait dédié son Eroica, il aurait certainement été effrayé de voir quel formidable outil de propagande son œuvre a pu devenir. Mais il aurait sans doute également reconnu le talent d'un Gustav Klimt, qui, à l'écoute de sa musique, a su livrer une de ses fresques les plus admirables.

Ce document, très intelligemment construit, nous fait rencontrer au travers de nombreuses images d'archives les chefs les plus légendaires : Toscanini, Furtwängler, Karajan, Menuhin, Barenboim, Rattle… En replaçant l'œuvre de Beethoven dans un large contexte historique, politique et artistique, il se montre cohérent et mérite certainement d'être visionné par chacun. Notons également que ce DVD est accompagné par un CD : l'enregistrement de la Symphonie n°9 réalisé par Karajan et la philharmonie berlinoise en 1963. Ce disque, sélectionné dans le catalogue de la Deutsche Grammophon, constitue un complément plus que bienvenu à ce documentaire.