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Le retour de James Conlon à l’Orchestre National de France

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Paris, théâtre des Champs-Élysées. 02-III-2006. Edgard Varèse (1883-1965) : Tuning-up (achevé par Chou Wen-Chung, création française) ; Amériques (version originale de 1921). Igor Stravinsky (1882-1971) : Scherzo fantastique op. 3 ; Concerto pour violon et orchestre. Claude Debussy (1862-1918) : Prélude à l’après-midi d’un faune (arrangement « sous la responsabilité » d’Arnold Schœnberg). Leonidas Kavrakos, violon ; Orchestre National de France, direction : James Conlon

Le public parisien serait-il rancunier ou aurait-il la mémoire courte? Le retour de celui qui fut pendant 9 ans le directeur musical (parfois contesté) de l'Opéra National de Paris sous l'ère Gall (après Myung-Whun Chung) n'a pas attiré les foules au TCE. S'ajoute à cela un programme exclusivement consacré au XXe siècle, qui décidément peine à se faire valoir comme « classique », et pourtant…

Et pourtant a concocté une soirée digne à tous niveaux d'un concert de festival, tant par les œuvres que par la qualité d'exécution. Une contruction en arche, qui s'ouvre et se ferme par du Varèse pour grand orchestre, avec en son centre un Debussy « minimaliste » entouré de deux pièces contrastées de Stravinsky, le tout présenté de manière humoristique par le chef d'orchestre, qui a instamment demandé au public de ne pas applaudir avant la fin de la 1ère partie « s'il le désire ».

Tuning-up, partition achevée par , ancien élève et ardent défenseur de Varèse, n'apporte rien à la gloire de son auteur. Les poncifs du compositeur abondent, de nombreuses citations d'Amériques, Arcana ou Ionisations, entrecoupées d'unissons et de traits aux divers instruments imitant le brouhaha d'un orchestre se préparant au concert. Musique de film pour un projet de documentaire qui ne vit jamais le jour, Tuning-up n'a été complété et révélé au public qu'à la fin des années 90 par l'entremise de Riccardo Chailly alors directeur musical de l'Orchestre du Concertgebow d'Amsterdam. Il est curieux de constater un tel laps de temps entre la création mondiale et celle in loco. Le scandale de Déserts il y a 50 ans a dû encore laisser quelques traces.

Le Scherzo fantastique de Stravinsky est une œuvre de jeunesse, encore empreinte de romantisme, qui convainquit Serge de Diaghilev d'embaucher le jeune compositeur pour l'Oiseau de feu. Partition inventive, dotée d'un langage personnel malgré l'influence forte de Rimsky-Korsakov, elle est admirablement défendue par et l'Orchestre National qui montrent une homogénéité à toute épreuve, d'une qualité constante tout au long du concert. Le curieux arrangement pour 11 instruments du Prélude à l'après-midi d'un faune de Debussy (dû vraisemblablement à Hans Eisler, mais sous la supervision d'Arnold Schœnberg pour sa « Société d'exécutions musicales privées ») terminait intelligemment cette première partie qui, telle la Symphonie « les Adieux » de Haydn voyait se taire peu à peu les instrumentistes de l'orchestre.

Retour à Stravinsky, avec son Concerto pour violon, l'éternel outsider des pièces concertantes de cet instrument au XXe siècle. Quelles que soient les qualités évidentes de sûreté et de finesse du jeu de , cette badinerie baroquisante, ce concerto en presque quatre cadences en lieu de mouvements, tant les interventions de l'orchestre (ou plutôt des vents) sont parcellaires, a bien du mal à s'imposer. La vision des exécutants favorise le coté ludique, presque peu sérieux de la partition, avec une joie communicative. En opposition peut-être avec cet optimisme musical, a régalé le public d'un long bis, l'Andante de la Sonate n°2 de Jean-Sébastien Bach, tout en pudeur et retenue, en se refusant le moindre vibrato.

Après l'aridité orchestrale du Concerto de Stravinsky venait l'opulence de la version originale d'Amériques d'. Un pupitre de cordes fournis, les bois par 6 – dont la rarissime clarinette contrebasse-, plus d'une trentaine de cuivres et pas moins de 20 percussionnistes -dont un dévolu aux indispensables sirènes de pompiers- : c'est à ce genre d'œuvres qu'on mesure l'urgence d'équiper Paris d'un auditorium digne de ce nom. Quoiqu'il en soit, réussit à faire rugir son orchestre sans le bousculer, il privilégie toujours une vision claire et objective, parfaitement lisible. Amériques, plus de 80 ans après sa création, paraît à l'auditeur actuel d'une grande modernité, et pourtant son langage s'est pleinement intégré la culture contemporaine. Une leçon d'histoire de la musique à imposer à tout public.

Crédit photographique : ©Mark Lyons

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