Une bien jolie Traviata avec Eva Mei

Au visionnage de ce DVD, présenté dans un joli coffret, on ne peut que partager l'avis enthousiaste de notre collègue Bernard Halter qui a assisté au spectacle d'origine.

Certes, tout n'est pas parfait, les décors en dominante noire sont indigents et la direction d'acteurs inexistante, l'ensemble est ultra-classique, et plus que statique, mais tout du moins ne souffrons nous pas d'une impossible mise en scène « décalée » comme on les affectionne tant du coté est de nos frontières, et puis les costumes, intemporels, ou plutôt XXe siècle, sont assez jolis (tout particulièrement la seyante robe de fête de Violetta dans l'acte II) et ces manques sont largement compensés par une excellente distribution.

Eva Mei fut dans les années 90 une charmante Norina ou une piquante héroïne des opéras de jeunesse de Rossini. Bien qu'elle dise dans sa biographie chanter Violetta depuis l'âge de 23 ans, il semble cependant que sa carrière ait pris un nouveau tournant depuis peu, avec en particulier une Thaïs marquante en 2002 à la Fenice de Venise, et des prises de rôle plus lourds. On s'attendait donc plus ou moins à un gentillet rossignol mécanique assez loin des exigences du rôle, mais pas du tout! Son timbre plein et sans un brin d'acidité, son legato infini, ses aigus cristallins, sa science des piani et des messa di voce dessinent au premier acte une Traviata fondante comme un bonbon, juste par moments un peu trop lisse et pas assez souffrante, au deuxième une femme déterminée, de chair et de sang, et son troisième acte, là où on l'attendait le moins, nous arrache les larmes. Une grande performance, d'autant plus que l'actrice est habile, sur un plateau où les protagonistes sont plus ou moins abandonnés à eux-mêmes.

Même constat du coté de son Alfredo. Piotr Beczala chante le rôle avec une évidente facilité, le timbre est beau, les aigus faciles, et s'il se montre pataud et légèrement impersonnel au tout début, l'âme se réveille dès le premier tiers du deuxième acte.

Thomas Hampson, loin des maniérismes dont il nous gratifie parfois, ne fait bien entendu qu'une bouchée du rôle de Germont, dessinant de façon très inhabituelle un père aimant, maladroit, et complètement dépassé par les évènements.

Les seconds rôles sont anecdotiques, ni bons, ni mauvais, juste ce qu'il faut.

L'orchestre de l'opéra de Zurich, sous la direction nerveuse de Franz Welser-Möst, est à l'avenant : joli et sans aspérités. On ne dira pas autant de bien du chœur, débraillé, désordonné et souvent en décalage.

En résumé, ce DVD, s'il n'est pas forcément une référence historique, sera pour tout opéraphile un fond de vidéothèque incontournable.