Divas, la force d’un destin…et la jouissance de l’eau de rose !
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Divas, la force d’un destin. Pierre Miscevic. Hachette Littératures. 307 pages. 20. 90€. ISBN 2-01-235604-4. Février 2006.
Que voici un adorable livre! L'ouvrage d'un fan, d'un de ces amoureux des voix, et plus que de celles-ci, des divas et du glamour qui s'y rattache.
L'auteur, Pierre Miscevic, ne peut être qu'une de ces personnes capables de commencer une file d'attente au petit jour pour entendre la voix chérie, de sillonner la terre entière pour une interprétation, collectionneur des pirates les plus improbables obtenus dans des circonstances rocambolesques, bref, un fou d'opéra comme on les affectionne tant.
Celui-ci choisit de nous raconter les vies de six divas adulées, trois du XIXe siècle, Isabella Colbran, Maria Malibran et Cornélie Falcon, trois du XXe siècle, Maria Callas, Anita Cerquetti et Denise Duval. Pourquoi celles-ci et pas d'autres? Là est justement la gourmandise de la chose : choix illogique de fan absolu, d'amoureux transi.
Nous voici donc embarqués dans une espèce de roman acidulé en six parties, on aurait envie de dire un roman « Harlequin » si le terme n'était péjoratif, décrivant d'une plume alerte amours, haines, rivalités et déchéances de six destins de cantatrices. On lit ça d'une traite, sans reprendre son souffle, sans lever les yeux, en n'ayant qu'une envie : connaître la suite! Et cela, même si on la sait déjà : Cerquetti réduite au silence, Colbran abandonnée par Rossini, Callas par Onassis … L'effet « roman de gare », le style et l'érudition en plus.
En effet, l'apparence est mélodramatique à souhait :
« Le soir de la deuxième, le 6 mars, deux heures avant la représentation, Nourritt frappe à la porte de Cornélie :
– Il faut que je vous annonce une mauvaise nouvelle : c'est décidé, je quitte l'opéra à la fin de cette saison.
– Mais c'est impossible, que vais-je devenir, toute seule?
– Vous n'avez plus besoin de moi, je vous ai donné tout ce que je pouvais vous donner. Je ne peux plus rester. Vous savez que Duponchel favorise outrageusement Gilbert Duprez, ce nouveau venu qui veut ma place.
Désespérée, la vestale lâche la vérité que Nourritt ne soupçonne que trop :
– Mais je vous aime!
– Je suis marié.
Et le ténor disparaît pour aller se préparer. Cornélie entre en scène, bouleversée par la nouvelle qui ruine tous ses rêves. »
Le parti-pris est revendiqué : Renata Tebaldi, ignoble et basse rivale de la divine, Renata Scotto, petite voix bourrée d'ambition, Gioacchino Rossini, infâme salaud abandonnant la Colbran aux mains de son ignoble père pour filer le parfait amour avec Olympe Pélissier…même si l'on sait que la cantatrice n'était pas de caractère facile… Certaines situations sont difficilement situables : comment l'auteur peut-il savoir par exemple que « Isabella, qui entend demeurer fidèle à son public, a pour toujours renoncé à l'idée d'être mère, et fait pour cela le nécessaire »? Existe-t-il un témoignage de la faiseuse d'anges? Mais ce livre est attachant justement à cause de tout cela. Pas de langue de bois, de savoir complaisamment étalé, de dates et de faits arides, simplement un véritable amour de la voix et une érudition à toute épreuve : aucune approximation, aucune erreur, aucun emportement déplacé ne l'entachent…raison de plus pour se laisser enlever sans suspicion par ces histoires romantiques et colorées!
En complément, un lexique des termes musicologiques employés, et une surprenante petite discographie ne citant pas que des enregistrements « autorisés », et renvoyant à des sites Internet l'étant encore moins!
A mettre entre toutes les mains des mélomanes qui se sentent encore un peu midinettes…ils sont légions!
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Divas, la force d’un destin. Pierre Miscevic. Hachette Littératures. 307 pages. 20. 90€. ISBN 2-01-235604-4. Février 2006.
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