Jacob Obrecht, maître dans l’art de la polyphonie, ou l’invitation à la méditation

Jacob Obrecht, un des plus importants compositeurs néerlandais de la seconde moitié du XVe siècle, a composé une trentaine de messes, motets et chansons. Ses messes sont souvent basées sur le thème d'une chanson populaire et profane ; si cette procédure semble étrange, elle n'était pas irrévérencieuse à l'époque. Bien que reconnu, et bien que son style soit ensuite suivi par Josquin DesPrez, qui aura une approche plus simple et rigoureuse, Obrecht n'a eu finalement que peu d'influence sur les générations futures de compositeurs. Il semble qu'il soit passé en désuétude malgré l'inventivité surabondante démontrée dans ses œuvres et les mouvements multiples de ses messes. Le motif principal est soit repris inlassablement par une des voix, soit mis en fugue comme une suite instrumentale, ornementé, ou même repris en tant que refrain, les voix se mélangeant pour ne pas être forcément dans leurs registres d'origine.

Ce CD est le quatrième d'A. N. S. chorus sur les œuvres d'Obrecht. Intitulé simplement « Missa », il comporte trois messes Missa Fors seulement, Missa De tous biens playne et Missa Cela sans plus.

La Missa Fors seulement est basée sur un rondeau de Johannes Ockeghem dont la partie soprano est reprise comme motif principal dans toute la messe. La symétrie des différentes parties est parfaite. Le même modèle est d'ailleurs utilisé dans les deux autres messes de ce CD. La tête de motif reprise dans le Kyrie Eleisson, Et in terra, Qui tollis, Sanctus et enfin le Hosanna est particulièrement remarquable.

La Missa De tous biens playne s'articule autour d'un rondeau de Hayne van Ghizeghem. Le ténor est le plus présent dans tous les mouvements et notamment le Qui tollis et le troisième Agnus, le soprano se rajoute à ces mouvements à la manière d'un canon. Les voix passent cependant d'un registre à un autre mais la composition de cette messe reste très symétrique entre les différents mouvements.

Enfin, la Missa Cela sans Plus est plus grandiose dans le sens où les accentuations sont plus marquées, avec quatre voix, contrairement aux deux précédentes messes à trois voix, une ornementation enjouée qui lui donne du coup plus de profondeur. Le thème repris dans cette messe se base sur la mélodie de la chanson populaire « Colinet de Lannoy ». A noter, la très belle fugue de la piste 37.

Cette découverte du chœur A. N. S. édité par Hungaroton Classic est à suivre, les voix y sont prenantes, d'une sérénité religieuse. Une très belle polyphonie. La Missa Fors seulement est de loin la plus belle messe de ce CD. On déplorera cependant la traduction approximative de la notice en français.