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Fribourg, Aula de l’Université. 6-I-2006. Joseph Haydn (1732-1809) : Il mondo della Luna, dramma giocoso en trois actes sur un livret d’après Carlo Goldoni. Mise en scène : Francesco Esposito ; décors : Italo Grassi. Avec : Stefano Benini, Ecclitico ; Marie Kalinine, Ernesto ; Carmine Monaco, Buonafede ; Kelly Hodson, Clarice ; Marie-Bénédicte Souquet, Flaminia ; Patricia Schnell, Lisetta ; Mathias Vidal, Cecco. Chœur de l’Opéra de Fribourg, Orchestre de Besançon/Franche-Comté, direction : Laurent Gendre.
Des opéras de Joseph Haydn, Il Mondo della Luna est certainement le plus populaire. Au-delà de l'intrigue bouffonne, «le rêve d'un hypothétique voyage auquel on aurait pensé, dans la Lune» comme dirait Cyrano de Bergerac, cet opéra porte le public dans le cœur d'un songe éveillé plein de poésie.
Six jeunes gens désireux de s'unir en sont empêchés par un barbon qui sera finalement berné. Cette intrigue somme toute très simple est peut-être la raison du succès populaire de cet opéra. Et c'est tant mieux, parce que la mise en scène ratée de Francesco Esposito n'aura pas réussi à pousser le spectateur dans la réflexion d'un éventuel deuxième degré accolé à l'aventure. En trois heures de spectacle, le metteur en scène réussit l'exploit de montrer tout «ce qu'il ne faut pas faire dans une mise en scène»! À croire qu'il a sciemment recherché le pire pour en démontrer la recette à un cours magistral d'étudiants en mise en scène. Et à force de tout vouloir montrer, il ne raconte rien. Décidément, sa lune ne tourne pas rond! Entre les déménagements continuels d'accessoires et de gadgets inutiles (que vient faire ce canard stylisé et motorisé?), l'agitation parasite des figurants, les tableaux humains incohérents, les explosions diverses, les inutiles changements de costumes sur scène, les fausses sorties, Francesco Esposito fabrique de la confusion au lieu de se concentrer sur la direction d'acteurs dont la relative inexpérience scénique aurait eu le plus grand besoin. Finalement, on entre en scène, on chante son air, puis on ressort.
Aux ordres du metteur en scène, vêtus de très beaux costumes, les protagonistes font de leur mieux pour exploiter l'aspect comique de l'œuvre. Malheureusement, l'acoustique déjà difficile de cette aula d'université transformée en salle d'opéra une fois l'an (à quand un vrai théâtre à Fribourg?) défavorise l'expression vocale des chanteurs à la puissance vocale limitée. De plus, un décor (Italo Grassi) trop haut accentue la dispersion de la voix. À ce jeu-là, seul Carmine Monaco (Buonafede) s'en sort grâce à son expérience de la scène. Dommage, parce que certaines voix s'affirment pour le moins intéressantes. A l'image de celle de la mezzo Marie Kalinine (Ernesto) dont l'étrangeté du timbre lui confère des couleurs particulièrement touchantes. Mieux placée dans le masque, elle jouirait d'une projection palliant son manque actuel de puissance. Les trois autres protagonistes, Kelly Hodson (Clarice), Marie-Bénédicte Souquet (Flaminia), Patricia Schnell (Lisetta) chantent correctement quoique manquant également de puissance et d'unité dans le registre vocal. Artistes pourtant prometteuses, leurs voix se perdent rapidement dans les cintres sans que le spectateur puisse en apprécier le phrasé ou le legato. De son côté, si le ténor Mathias Vidal (Cecco) délivre quelques beaux accents, on attendrait de Stefano Benini (Ecclitico) qu'il soit plus brillant. Personnage central de l'intrigue, instigateur de la farce, le ténor n'a malheureusement pas le charisme nécessaire au rôle. C'est un personnage trop sage et dénué de fantaisie qui ressort de cette voix sans grand relief ni couleurs.
Pourtant, Il Mondo della Luna est un ravissement pour l'oreille. Tant l'ouverture que l'accompagnement des voix et les intermèdes sont d'une qualité musicale exceptionnelle. Balançant au rythme de cette musique, le jeune chef romand Laurent Gendre s'évertue à communiquer son enthousiasme à son orchestre. Malheureusement, l'Orchestre de Besançon/Franche-Comté répond mal aux sollicitations de son chef et fait preuve d'une certaine apathie peu en phase avec le brillant de la musique de Haydn. Laurent Gendre a beau s'essayer, en vain. Le son de l'ensemble français reste prisonnier d'une routine blafarde.
L'impression mitigée laissée par cette production questionne sur le bien fondé de l'Opéra de Fribourg de vouloir promouvoir de jeunes artistes. Si la démarche est louable, elle montre néanmoins rapidement les limites scéniques de ces artistes peu expérimentés. Sans l'assurance d'obtenir le concours de metteurs en scène de haut niveau sachant tirer des chanteurs le meilleur de ce qu'ils sont au lieu de vouloir leur montrer ce qu'ils devraient être, peut-être que l'engagement d'un chanteur d'expérience servirait de catalyseur tant du point de vue de la scène que de celui du chant. Et pour la satisfaction du public.
Crédit photographique : © DR
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Fribourg, Aula de l’Université. 6-I-2006. Joseph Haydn (1732-1809) : Il mondo della Luna, dramma giocoso en trois actes sur un livret d’après Carlo Goldoni. Mise en scène : Francesco Esposito ; décors : Italo Grassi. Avec : Stefano Benini, Ecclitico ; Marie Kalinine, Ernesto ; Carmine Monaco, Buonafede ; Kelly Hodson, Clarice ; Marie-Bénédicte Souquet, Flaminia ; Patricia Schnell, Lisetta ; Mathias Vidal, Cecco. Chœur de l’Opéra de Fribourg, Orchestre de Besançon/Franche-Comté, direction : Laurent Gendre.