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Excellence et émotion avec le Quatuor Pražák et Evgueni Koroliov

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Dijon. Auditorium. 7-XII-2005. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Quatuor à cordes en Fa Majeur n° 1 opus 18, Quatuor à cordes en La mineur n° 15 opus 132. Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Quintette pour piano et cordes en Sol mineur opus 57 (1940). Evgueni Koroliov, piano. Quatuor Pražák : Václav Remeš, violon 1 ; Vlatismil Holek, violon 2 ; Josef Kluson, alto ; Michal Kanka, violoncelle.

La notoriété des Pražák est aujourd'hui à ce point établie qu'ils s'annonceraient pour jouer tels quatuors de Tartempion, ils seraient assurés de « faire une salle ». Alors, pensez! Quand ils mettent Beethoven et Chostakovitch (respectivement, les quatuors n° 1 de l'op. 18 et n° 15 op. 132 ; et le quintette pour piano et cordes op. 57) à leur programme, on y accourt…et comme on a raison!

Car c'est aussi l'occasion de rencontrer le pianiste Evgueni Koroliov, qu'on connaît surtout pour de mémorables concerts – et enregistrements – de J. S. Bach (parmi lesquels des Variations Goldberg qui, en terme de réussite globale le disputeraient presque à Gould!) et n'est-ce pas qui, évoquant ce pianiste et sa version de L'Art de la Fugue, en faisait son disque « de chevet » et affirmait pouvoir l'écouter sans relâche, jusqu'à son dernier souffle…?

Et puis aussi, curiosité oblige, on s'interroge sur l'opportunité de cette association : avec des personnalités aussi marquées (qu'on nous pardonne la prosaïque métaphore), la mayonnaise va-t-elle prendre…. ?

Les Pražák attaquent par le quatuor n° 1 de l'opus 18 (en fait le second dans l'ordre de composition puisque le souci de perfection du compositeur l'a conduit à repousser d'un an sa remise à l'éditeur de la partition remaniée). Forts d'une récente intégrale Beethoven très remarquée et légitimement louangée, nos musiciens sont ici à leur affaire, pour le plus grand bonheur du public. Un public littéralement charmé, subjugué par le jeu profondément inspiré des musiciens tchèques (les toux, rares et discrètes, opportunément « libérées » entre les mouvements sont un signe qui ne trompe pas). Ce Beethoven « première époque » constitue une mise en oreille des plus séduisantes ; et après un brillant Allegro encore bien ancré dans la tradition des illustres aînés viennois, c'est, tout particulièrement, le splendide Adagio déjà spécifiquement beethovénien que nous retiendrons : une page pour laquelle le compositeur aurait songé à la scène du tombeau de Roméo et Juliette (les adieux de deux êtres qui s'aiment). Admirablement est rendu ici l'affetuoso ed appassionato requis par la partition.

De même, en seconde partie de programme (réservée au quatuor n° 15 en La mineur) se dégagera de l'étrange et fascinant Adagio (modal) une intense émotion. L'ample respiration, l'absolue justesse, la sûreté d'archet, la beauté du son – magistralement nuancé – et la « mise en scène » quasi chorégraphique (le jeu plus « physique » du premier violon et du violoncelliste s'opposant à la « gentleman-attitude » du second violon et de l'altiste ou la gracieuse envolée simultanée des quatre archets sur un accord final), tout cela concourt à faire de ces Beethoven en concert une totale réussite et un « plus » appréciable par rapport à la simple écoute discographique aussi huppée soit-elle dans nos souvenirs (Berg, Italiano ou autres Juilliard…).

Quant au Beethoven du XXe siècle (puisque c'est ainsi qu'est parfois désigné Chostakovitch), son quintette pour piano et cordes, commandé au compositeur en 1938 par le Quatuor…Beethoven, achève la première partie de programme.

Dès les premières mesures, on reconnaît des partenaires « en phase ». Les qualités chambristes de l'un et des autres s'imposent dans cette œuvre singulière qui allie et alterne austère rigueur (Lento initial) et fantaisie (Scherzo débridé dans l'esprit de la Jazz-Suite), méditation grave (superbe Adagio fugué) ou sereine (Intermezzo). L'Allegretto final réalisant une manière de synthèse tant des thèmes que des formes exposés. Le jeu de Koroliov, admirable de précision rythmique, de finesse, de variété de toucher et de coloris est à la hauteur de celui des cordes, hyper-concentrées, généreuses ou retenues, judicieusement hargneuses ou délicieusement lyriques selon les besoins : cinq musiciens de bout en bout en parfaite connivence et intelligence.

De quoi combler un auditoire visiblement conquis et qui le fait savoir…avec une insistance qui lui vaudra de réentendre l'allègre et plaisant Scherzo aux accents populaires.

Crédit photographique : © DR

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Dijon. Auditorium. 7-XII-2005. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Quatuor à cordes en Fa Majeur n° 1 opus 18, Quatuor à cordes en La mineur n° 15 opus 132. Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Quintette pour piano et cordes en Sol mineur opus 57 (1940). Evgueni Koroliov, piano. Quatuor Pražák : Václav Remeš, violon 1 ; Vlatismil Holek, violon 2 ; Josef Kluson, alto ; Michal Kanka, violoncelle.

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