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Toulouse les Orgues, un festival qui joue sur tous les registres

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On pourrait presque reprendre, à propos de cette manifestation, le célèbre slogan d’un magasin en voie de disparition économique : « On trouve tout au Festival Toulouse les Orgues »

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On pourrait presque reprendre, à propos de cette manifestation, le célèbre slogan d'un magasin en voie de disparition économique : « On trouve tout au Festival  ». On ne va pas entonner l'air du catalogue pour vous conter l'éclectisme de sa programmation – quarante-quatre manifestations auxquelles s'ajoutent journées en région, expositions et autres à-côtés – ni vous faire une conférence avec projection de diapositives en couleurs pour vous convaincre de l'importance et de la richesse du patrimoine organistique de la région toulousaine. Mais on va tout de même rappeler que, même si vous pensez ne pas aimer l'orgue, vous trouverez forcément ici quelque chose qui vous intéressera et, peut-être, vous fera changer d'avis.

Le parti pris du festival est en effet clair, amener à l'orgue un nouveau public, trouver dans toutes les déclinaisons possibles de l'instrument de quoi satisfaire tous les goûts : récitals d'orgue pour les déjà convaincus ; orgue et voix ; orgue et orchestre ; orgue jazz ; danse et orgue ; orgue et cinéma ; conférences ; exposition photo… Et pour cette dixième édition, le succès public semble acquis, montrant qu'il existe un intérêt réel pour ce domaine a priori « pointu ».

Quelques concerts étaient ainsi emblématiques de cette volonté d'ouvrir l'orgue à de nouveaux spectateurs. Le plus spectaculaire, sans doute, était le concert symphonique donné par Mathieu Freyburger et l'Orchestre du Capitole dirigé par . En effet, alors que le public et l'orchestre étaient à la Halle aux Grains, l'organiste lui, à quelques centaines de mètres de là, touchait l'instrument de la cathédrale Saint-Etienne retransmis par liaison audio et vidéo. On pouvait ainsi entendre et surtout voir l'organiste jouer sur grand écran, au-dessus de l'orchestre, dans la Symphonie n°1 pour orgue et orchestre et la Marche élégiaque d'. Effet étonnant et spectacle assez réussi que de voir enfin l'organiste d'habitude invisible. Il faut également saluer l'exploit technique : captées de très près, les orgues de Saint-Etienne sonnaient sans hiatus sonore dans l'acoustique nettement plus sèche de la Halle aux Grains. La réalisation vidéo, classique mais fonctionnelle, évitait les trop longs plans fixes sur un organiste visiblement très à l'étroit dans sa tribune envahie par le matériel technique! Chose étonnante, la coordination orchestre/orgue paraissait nettement meilleure que lors de précédents concerts donnés dans l'acoustique impossible de la cathédrale elle-même, dont l'importante réverbération rend de surcroît les contours de l'orchestre bien flous. dirige avec beaucoup de fougue cette musique bien écrite mais épigonale, où se sent l'influence de Franck. En seconde partie, Daphnis et Chloé de Ravel en version intégrale, montrait d'ailleurs la distance qui sépare le génie d'un honnête talent de compositeur. Si le tempérament du jeune chef ne fait aucun doute, ni sa maîtrise technique, on pouvait tout de même imaginer lecture plus fine de cette délicate partition. Sa fougue écrasait quelque peu certaines lignes, comme une volonté que l'on pourrait presque qualifier de pédagogique de tout faire entendre aux dépens des jeux de timbres et de couleurs ; d'où quelques chutes de tension dans la première partie.

À quelques jours de là, sur le Cavaillé-Coll de la basilique Saint-Sernin, accompagnait The Phantom of the Opera, film mythique de 1925 avec Lon Chaney en épouvantable fantôme grimaçant, projeté sur grand écran. Si cette première adaptation du roman de Gaston Leroux présente un intérêt historique certain, les improvisations d'Escaich, privilégiant les atmosphères évocatrices à une simple illustration synchrone, donnaient une énergie et un rythme nouveaux à un film tout de même décousu et parfois lent. À tel point qu'une spectatrice, prise dans l'atmosphère du moment, confiait à la sortie, qu'elle avait fini par croire un instant que le Fantôme lui-même jouait! Très joli compliment qui en dit long sur la parfaite adéquation entre musique et film.

Ces deux manifestations, par leur aspect spectaculaire mais aussi leur réelle qualité musicale, étaient en tout cas les plus à même de convertir le plus allergique des contempteurs de l'orgue. L'expérience sera sans aucun doute répétée lors de la prochaine édition : tout à fait conseillé pour initier un néophyte à la musique!

Après dix ans, c'est devenu une véritable tradition : le festival se terminait par un « week-end Bach » avec en vedettes deux concerts… sans orgue! D'abord l'ensemble montalbanais dans un programme « Bach et l'Italie » avec les Concerti BWV 1052 et 1058 de Bach par , excellent claveciniste pourtant, mais adoptant des tempi bousculés au point de perdre tout rebond de la phrase. Plus concluants, une Sonate à tre op. 4 N° 1 de Corelli, le Concerto pour flûte à bec et deux violons et les Variations sur la Follia de Vivaldi respiraient davantage et mettaient surtout en vedette le virtuose premier violon de l'ensemble, .

Enfin, on peut parler d'événement à propos de l'interprétation de la Messe en si BWV 232 de Bach par , dirigeant son Chœur de chambre Les Elémens, auquel s'étaient adjoints pour l'occasion l' côté vocal et l'Ensemble côté instrumental. C'est vrai, avouons, confessons une faiblesse coupable pour , excellent chef de chœur, musicien modeste et sincère. Et ces qualités sont exactement celles qui font le prix de sa vision de la Messe en si : des chœurs transparents, qui rendent avec clarté les frottements harmoniques du « Et incarnatus est », parfaitement équilibrés entre les pupitres comme dans l'entrée du « Crucifixus » (enfin un chœur où l'on entend clairement les voix intermédiaires) et, au-delà d'un travail au soin irréprochable, une intériorité recueillie très prenante, pleine d'élan grâce à des tempos prestes mais parfaitement équilibrés et naturels : irrésistibleCum Sancto Spiritu conclusif du Gloria par exemple. L'ensemble Café Zimmerman offre un soutien complice et attentif, malgré une homogénéité sonore pas toujours impeccable aux cordes et un cor naturel incroyablement faux dans leQuoniam tu solus Sanctus. Une version pleine de ferveur, avant tout chorale, ce que souligne un plateau soliste modeste et sans rayonnement particulier, mais avec tout de même un bel Agnus Dei du contre-ténor Martin Wölfel. Ce concert plein de chaleur et d'humanité sera redonné dans différentes villes de France, surveillez les agendas des concerts…

Alors, et surtout si vous pensez ne pas aimer l'orgue, rendez-vous à l'automne prochain pour un nouveau festival!

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