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Tourcoing. Théâtre Municipal. 09-X-2005. Georg Friedrich Haendel : (1685-1759) Rinaldo, opera seria en 3 actes sur un livret d’Aaron Hill, traduit en italien par Giacomo Rossi. Avec : Christophe Dumaux, Rinaldo ; Delphine Gillot, Armida ; Ingrid Perruche, Almirena ; Nigel Smith, Argante ; Thierry Grégoire, Eustazio ; Dominique Visse, Goffredo. La Grande Ecurie et la Chambre du Roy, direction : Jean-Claude Malgoire.
C'était le coup d'envoi ce dimanche dans le vieillot mais confortable Théâtre municipal de la saison de l'Atelier lyrique de Tourcoing. Pour cette saison anniversaire, les versions de concert d'opéras marquants dans la carrière de Jean-Claude Malgoire vont se succéder (voir la présentation de la saison ici), en commençant par Rinaldo de Haendel.
Ce Rinaldo faisait figure d'événement car il devait marquer les débuts dans le rôle-titre de la star des contre-ténors, Philippe Jaroussky, un chanteur habitué à fouler les planches tourquennoises depuis son fulgurant début de carrière. Cette prise de rôle a malheureusement été retardée, Philippe Jaroussky ayant déclaré forfait pour ce premier concert, remplacé au débotté par un autre contre-ténor français, le jeune Christophe Dumaux, habitué comme Jaroussky à chanter Eustazio, et qui eut ainsi l'occasion inopinée de se mesurer au rôle principal. Il se sort de cette situation risquée avec tous les honneurs, et ce qu'on perd avec cet alto en virtuosité et en aigus stratosphériques par rapport à ce qu'aurait donné le sopraniste Jaroussky, on le récupère en virilité, en vérité dramatique et en équilibre de la distribution, les interprètes d'Eustazio et Goffredo étant des contre-ténors à la voix plutôt aiguë. Christophe Dumaux est un chanteur au timbre attachant, sombre et velouté, qui vocalise avec aisance, et est très attentif à ses partenaires : ses duos avec Almirena et Armida sont très réussis. Il est un peu sur la réserve dans la première partie : Cara sposa et Cor ingrato sont chantés avec pudeur mais sans beaucoup de relief, mais il est ensuite bien plus impliqué : Un incendio fra due venti chaleureux et engagé, un Venti turbini virtuose et déchaîné et un Or la tromba dans lequel il prend le dessus sur la trompette.
Ingrid Perruche est en passe de devenir une excellente chanteuse. Son timbre sombre et sensuel, sa ligne de chant déliée, sa projection, sa puissance et sa noblesse de ton en font une très belle Almirena, piquante et espiègle dans Combatti da forte, tendre dans Augelleti che cantate, noble et touchante dans Lascia ch'io pianga. Cette prestation très prometteuse de la jeune soprano est seulement troublée par une vocalisation parfois laborieuse et un aigu manquant un peu d'éclat. En Armida, Delphine Gillot fait valoir l'étendue d'une voix riche et pleine et un tempérament éruptif, quoiqu'un peu excessif, ce qui fait de sa magicienne, qui est pourtant aussi une amoureuse et une séductrice, un personnage de furie véhémente, sans ambiguïtés ni finesse. Nigel Smith est un Argante de toute beauté, à la voix de baryton riche et souple, capable de graves impressionnants, mais aussi d'aigus et de nuances belcantistes remarquables. Les deux contre-ténors restants viennent malheureusement plomber un plateau qui aurait pu être inoubliable. Dominique Visse miaule ses airs d'une voix d'une laideur caricaturale, donnant le mal de mer quand il vocalise, et criant des aigus râpeux. Avec une voix en lambeaux, la maîtrise du style ne vaut plus grand-chose, et on ne peut croire une seconde qu'il interprète un guerrier de la trempe de Godefroi de Bouillon. Thierry Grégoire est un chanteur attachant, aux intentions louables, mais à la voix blanche et privée d'aigus, ce qui fait de ses airs une longue pénitence. Dommage car sa noblesse de ton le rend très bon dans les récitatifs. Dans cette version de concert, les petits rôles ont été omis (le mage, les sirènes… ) mais sans que la dramaturgie, assez sommaire encore dans cet opéra qui est plutôt une succession d'airs fameux, en souffre.
Direction fine, dansante et subtile de Jean-Claude Malgoire, très attentif au confort de ses chanteurs. Le chef doit composer avec une Grande Ecurie impliquée et enthousiaste, mais à la sonorité agressive, à la cohésion précaire et dont certains solistes n'arrivent pas à cacher les limites de leur virtuosité.
Philippe Jaroussky a repris sa place lors du second concert programmé à Tourcoing le 11 octobre, ainsi que le 14 au Théâtre des Champs-Élysées de Paris.
Crédit photographique : © David Bachmann
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Tourcoing. Théâtre Municipal. 09-X-2005. Georg Friedrich Haendel : (1685-1759) Rinaldo, opera seria en 3 actes sur un livret d’Aaron Hill, traduit en italien par Giacomo Rossi. Avec : Christophe Dumaux, Rinaldo ; Delphine Gillot, Armida ; Ingrid Perruche, Almirena ; Nigel Smith, Argante ; Thierry Grégoire, Eustazio ; Dominique Visse, Goffredo. La Grande Ecurie et la Chambre du Roy, direction : Jean-Claude Malgoire.