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Roland Dyens (né en 1955) : Tango en Skaï ; Triaela ; Songe Capricorne ; Hommage à Villa-Lobos ; Trois pièces Polyglottes ; Lettre Encore… ; Libra Sonatine. Elena Papandreou, guitare. 1 CD BIS Records. Enregistré l’Eglise de Länna (Suède) en janvier 2004. DDD. Notice trilingue (anglais-allemand-français). Durée : 69’14
BIS RecordsUn disque de la guitariste grecque Elena Papandreou est déjà un évènement en soi mais quand il s'agit uniquement d'œuvres du guitariste-compositeur français Roland Dyens on ne peut que se réjouir.
Son style, ou devrions nous dire ses styles, a définitivement marqué le répertoire de cet instrument. Il impressionne tant par son jeu (il fut classé parmi les 100 meilleurs guitaristes en vie tous styles confonduspar le magazine Guitarist !) que par ses compositions. Capable tout autant d'improviser avec brio comme il le fait au début de chaque concert, de jouer en duo avec de prestigieux musiciens comme le guitariste de style manouche Romane. (Cf CD de Romane «Samois-sur-Seine» chez IRIS ref. 3001 809), que d'interpréter les grands classiques du répertoire ou ses propres musiques, c'est toujours un régal que de l'entendre et de le voir. Ce «magicien de la guitare» inspire de plus en plus de talents et dépasse les canons et critères d'aujourd'hui qui ont malheureusement enfermé la guitare dans un monde marginalisé. Ses élèves commencent à faire parler d'eux -comme le jeune Sébastien Vachez- et les guitaristes mettent de plus en plus à leur répertoire les pièces de ce compositeur. Lorsqu'en plus on sait qu'Elena Papandreou, guitariste respectée, détentrice de multiples récompenses prestigieuses est une amie de Roland Dyens, cela ajoute à la curiosité. On en salive déjà.
Si ce n'est la pièce d'ouverture de ce disque, Tango en Skaï, et la pièce de clôture, Libra Sonatine, les œuvres présentes sur cet enregistrement sont peu connues hors du petit monde de la guitare ce qui lui donne d'autant plus de valeur. On peut s'en douter, Tango en Skaï contient l'empreinte d'Astor Piazzolla. Le rythme et la pulsation sont si présents que l'on pourrait danser à son écoute. Une petite pièce qu'il est toujours plaisant d'entendre.
Viens ensuite la première pièce de cet enregistrement dédié à la guitariste qui nous en offre l'exclusivité. En effet, si Dyens a parfois l'occasion de l'interpréter en concert, c'est la première fois que ce triptyque est gravé. Le premier mouvement, Light Motif (Takemitsu au Brésil), est un hommage à Takemitsu et Villa-Lobos. Une rencontre incroyablement douce entre une medhina du brésilien et la musique d'émergence quasi primitive du japonais. Black Horn (When Spain meets Jazz) est le second mouvement de Triaela. Notons une fois de plus le jeu de mot très Dyens : Black pour rappeler le taureau, symbole de l'Espagne et Horn pour figurer le jazz. Une des techniques spécifiques de Dyens est particulièrement présente dans ce second volet, le mélange d'harmoniques et de sons pincés sans oublier les cordes frappées en plein milieu de phrase. Clown Down (Gismonti au cirque) pour finir, est hommage au brésilien Gismonti et spécifiquement à son enregistrement Circense (EMI Brésil). L'utilisation de Gismonti d'une scordatura extrêmement grave est reprise ici avec brio par Dyens qui mélange cordes frappées, slap et percussions. Songe Capricorne est une pièce commandée pour le Concours de Guitare Classique d'Ile de France de 1994. De très belles phrases en harmoniques mariées à des cordes frappées précèdent une mélodie arpégée pleine de nostalgie et d'une grande douceur. L'Hommage à Villa-Lobos est une pièce en 4 mouvements qui aurait très bien pu s'appeler Hommage au Brésil tant il y peu de clin d'œil à Villa-Lobos. A noter un surprenant dernier mouvement Tuhú (surnom de Villa-Lobos donné par sa mère) où les percussions sur les cordes sont exemplaires.
Roland Dyens a souvent donné l'origine de ses pièces lors de ses concerts. Et ce dans différentes langues selon le lieu où il se trouvait. C'est ainsi qu'il a réuni trois pièces sous le nom de Trois pièces polyglottes. La première, Sol d'ièze, est aussi la plus ancienne des trois. Composée en 1992, elle a pour origine une interview du compositeur pour Les Cahiers de la Guitare par Danielle Ribouillault (dédicataire de la pièce) qui lui demanda quelle note il préférait. De son propre aveu Dyens répondit Sol dièse sans savoir pourquoi. La fondatrice du magazine le mit donc au défit de composer une pièce sur cette note. Avec humour, Dyens dit qu'on ne l'y reprendra plus et que la prochaine fois, il répondra «La» mais nous sommes ravis qu'il est tenu sa promesse car l'utilisation du sol dièse sous toutes ses formes est particulièrement réussie. La note sert à la fois de pivot à la mélodie mais aussi de basse lancinante et régulière, le tout avec une grande adresse d'écriture. La Valse des Loges qui suit est le fruit d'une habitude de Dyens de taquiner sa guitare un long moment avant ses concerts. Il ne s'agit pas seulement d'échauffement mais surtout d'une vraie préparation à la rencontre avec le public. D'autant que ses concerts commencent généralement par une improvisation. C'est de ces moments que naquirent les premières notes de cette petite valse un soir de mai 98 à Birmingham et que Dyens la peaufina pour enfin l'offrir au public du château de Oiron. Très belle valse lente plus mélodique que dansante, dédiée au guitariste-compositeur Paulo Bellinati. Flying wigs (Perruques volantes) provient d'une histoire comique qui survint à l'un des amis du compositeur qui, lors du freinage brutal du taxi dans lequel il se trouvait, vit, comme au ralenti, la perruque de sa voisine traverser l'intérieur du véhicule. Cette pièce est comme une ballade douce et langoureuse ce qui n'a rien à voir avec ce que l'on pourrait imaginer de saugrenu à la lecture de son titre.
A la demande de ses amis et de ses admirateurs, Dyens composa un recueil de vingt lettres musicales pour guitare dont l'exigence est qu'elles soient techniquement abordables contrairement à l'habitude du compositeur. Non pas qu'il cherche habituellement la complexité mais plutôt qu'il semble refuser les barrières techniques et que le résultat exige souvent de l'interprète une technique à la limite de la virtuosité rendant inabordable son œuvre à bon nombre de guitariste. Ces vingt lettres ont été éditées dans un recueil présenté comme un véritable ouvrage didactique où Dyens dresse un tableau de ses désirs pédagogiques avec force détails et explications. Un ouvrage précieux à bon nombre d'amoureux de la guitare. Lettre Encore… est la dix-septième correspondance, dédiée à Elena Papandreou. C'est donc un juste retour d'hommage que nous fait la guitariste en l'enregistrant, d'autant que la seule gravure connue de ses lettres est celle du compositeur dans un CD livré avec le recueil de partitions. Une très belle samba qui n'est pas sans nous faire penser au grand Baden Powell. Pour finir, une des pièces maîtresse du répertoire de la guitare d'aujourd'hui : la Libra Sonatine. Trois mouvements dont le premier, India, est une forme de longue introduction au magnifique Largo. Le redoutable Fuoco qui clôture cette sonate a découragé bon nombre d'apprentis guitaristes et c'est avec une élégance, une fougue et une puissance qui semblent s'affranchir de la difficulté que notre guitariste grecque nous le livre. Un disque magnifique à mettre dans toute bonne discothèque comme une référence à la guitare d'aujourd'hui tant pour les œuvres de Dyens que pour le jeu exceptionnel d'Elena Papandreou. Une précision de scalpel dans un touché de velours.
A noter : Elena Papandreou sera en concert le vendredi 18 novembre 2005 à la Salle Cortot dans le cadre du IIIe Festival International de Guitare de Paris.
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Roland Dyens (né en 1955) : Tango en Skaï ; Triaela ; Songe Capricorne ; Hommage à Villa-Lobos ; Trois pièces Polyglottes ; Lettre Encore… ; Libra Sonatine. Elena Papandreou, guitare. 1 CD BIS Records. Enregistré l’Eglise de Länna (Suède) en janvier 2004. DDD. Notice trilingue (anglais-allemand-français). Durée : 69’14
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