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Anvers. Bourlaschouwburg. 09-VII-2005. Gioachino Rossini : (1792-1868) Il Barbiere di Siviglia, Opera Buffa en 2 actes sur un livret de Cesare Sterbini d’après la pièce de Beaumarchais. Mise en scène : Guy Joosten, Scénographie : Luc Joosten, Costumes et décors : Johannes Leiacker, Lumières : Davy Cunningham. Rosine : Stephanie Houtzeel. Le comte d’Almaviva : Iain Paton. Don Bartolo : Urban Malmberg. Figaro : Lionel Lhote. Basilio : Alexander Vinogradov. Berta : Anja Van Engeland. Ambrogio : Michael Autenrieth, Fiorello : Benoît De Leersnyder, un notaio : Giuseppe Grisorio, un ufficiale : Patrick Cromheeke. Koor van de Vlaamse Opera (chef des chœurs Kurt Bikkembergs), Symfonisch Orkest van de Vlaamse Opera, direction musicale : Ivan Törzs.
L'Opéra d'Anvers étant en travaux, c'est le charmant Bourlaschouwburg, petit théâtre confortable et à l'acoustique excellente qui a accueilli ce Barbier de Séville, dernière production de la saison du Vlaamse Opera.
Parler d'échec en évoquant ce spectacle est un euphémisme, et nous utiliserons plutôt le mot désastre, tant cette production sur le plan scénique comme sur le plan musical s'est révélée indigne d'une maison de la réputation de l'Opéra flamand. Première cause du naufrage : la mise en scène signée Guy Joosten. Le metteur en scène anversois, fidèle à son obsession de la transposition, situe l'action dans une Italie années 1950 caricaturale, avec ses mafiosi en costumes cintrés, ses carabinieri maladroits et ses vespa. Dans le salon de coiffure servant de décor, des pantins sans âme et sans chair gesticulent dans une agitation stérile. Figaro est un coiffeur homosexuel, Almaviva un crooner en costume de maquereau, et Rosine une shampouineuse nymphomane, qui pour punir son amant avant le mariage va mettre sa panoplie en latex de dominatrice à cravache puis s'enfile quelques lignes de coke avec Figaro et Almaviva. Les incohérences ne manquent pas : Bartolo est coiffeur mais il se promène avec un stéthoscope, il y a un réverbère au milieu du salon, le notaire est un mafioso et se fait arrêter par la police… Au point qu'on finit très vite par n'y plus rien comprendre. Incompréhensible, la mise en scène est également anti-musicale, imposant une agitation permanente lors de chaque air ou ensemble, et même lors de l'ouverture, perturbée par une pantomime grotesque. Si au moins c'était drôle, on pourrait pardonner, mais les gags sont éculés, dignes de films de série C style bidasses, et n'arrachent au mieux qu'un sourire. Il n'y a qu'une scène un peu drôle, mais navrante, car elle révèle le mépris porté à la musique de Rossini, c'est la sérénade « Se il mio nome saper voi bramate », arrangée façon disco, préenregistrée, et mimée en playback par le crooner Almaviva. Première, mais pas dernière fois, nous le craignons, que nous avons droit à de l'« opéra-karaoke ». La seconde cause du désastre est musicale, car à part Figaro, Basilio et Bartolo, il n'y a pas grand chose à sauver de cette représentation qui fut d'un niveau très faible. C'est Michel Tilkin qui aurait dû assurer la direction musicale de l'ensemble, mais il a quitté le navire juste avant la générale. Son remplaçant est le directeur musical maison, Ivan Törzs, chef peu susceptible de galvaniser ses troupes quand elles sont en difficulté. Il signe une direction flasque, imprécise et lourde, privée d'accents et de nerfs, ne connaît qu'un nuance : forte, et réussit le douteux exploit de rendre la musique de Rossini ennuyeuse. L'orchestre, qui peut être si enthousiasmant sous la baguette inspirée d'un Silvio Varviso ou d'un Andreas Spering, se montre très médiocre, avec ses violons poussifs et à la sonorité ingrate, et ses vents aigres, imprécis et sans cohésion.
Lionel Lhote en Figaro domine sans discussion la distribution, dans un rôle que le chanteur connaît par cœur, puisqu'il l'a interprété à Erfurt, à Massy, au Théâtre Royal de Mons, et la saison prochaine à Avignon. On le devine fatigué, c'est la onzième représentation en un mois, mais il réussit à imposer son mordant, la richesse de son timbre et une émission impressionnante. Son rôle d'homosexuel à rouflaquettes le conduit malheureusement à forcer le trait, et à aboyer quelque fois. Il était meilleur, plus sobre, dans la jolie production qui mêlait chanteurs professionnels et amateurs en début de saison à Mons, et à laquelle nous avions eu le plaisir d'assister. Alexander Vinogradov en Basilio et Urban Malmberg en Bartolo font bonne figure, sans défaut majeur si ce n'est un certain manque de personnalité. Le reste de la distribution étant affligeant, nous serons brefs : Iain Paton, Almaviva, est un ténor sans aigus, incapable de vocaliser, Anja Van Engeland a un timbre d'aluminium et campe une Bertha vulgaire et sans malice. Quant à Stéphanie Houtzeel, elle a des jambes magnifiques, mais chante Rosina avec la finesse d'un bûcheron. Le public auquel on a infligé ce spectacle est gentil, il a même applaudi très mollement, réservant son enthousiasme à l'excellent Lionel Lhote.
Ce désastreux Barbier de Séville ternit le bilan d'une saison de bon niveau au Vlaamse Opera : superbes reprises de Jenufa et de Salomé, versions de concert convaincantes d'Ariane et Barbe-Bleue, et de Giovanna d'Arco, Rinaldo à la scénographie contestable mais musicalement excellent, une Carmen mise en scène par Calixto Bieito qui fit l'événement malgré une réalisation musicale assez moyenne, et la création généralement très appréciée de Richard III de Giorgio Battistelli.
Une prière pour terminer : messieurs les directeurs, si vous voulez programmer du Rossini, pensez à d'autres opéras qu'à ce pauvre Barbier de Séville qu'on adapte à toutes les sauces, et faites preuve d'originalité, il en a composé tant d'autres.
Crédit photographique : © Annemie Augustijns
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Anvers. Bourlaschouwburg. 09-VII-2005. Gioachino Rossini : (1792-1868) Il Barbiere di Siviglia, Opera Buffa en 2 actes sur un livret de Cesare Sterbini d’après la pièce de Beaumarchais. Mise en scène : Guy Joosten, Scénographie : Luc Joosten, Costumes et décors : Johannes Leiacker, Lumières : Davy Cunningham. Rosine : Stephanie Houtzeel. Le comte d’Almaviva : Iain Paton. Don Bartolo : Urban Malmberg. Figaro : Lionel Lhote. Basilio : Alexander Vinogradov. Berta : Anja Van Engeland. Ambrogio : Michael Autenrieth, Fiorello : Benoît De Leersnyder, un notaio : Giuseppe Grisorio, un ufficiale : Patrick Cromheeke. Koor van de Vlaamse Opera (chef des chœurs Kurt Bikkembergs), Symfonisch Orkest van de Vlaamse Opera, direction musicale : Ivan Törzs.