La Scène, Spectacles divers

Les Effarés de Rimbaud chez Chopin par François-René Duchâble et Alain Carré

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Bellerive. Festival de Bellerive. La Ferme de Saint-Maurice, Bellerive (Genève). 8-VII-2005. « Rimbaud, voleur de feu ». François-René Duchâble (piano). Alain Carré (comédien).

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Le succès remporté l'an dernier avec les musiques de Chopin alliées aux paroles épistolaires échangées entre George Sand et Alfred de Musset, ramène le pianiste et le comédien dans l'enceinte du Festival de Bellerive. Alors qu'il récitait encore son piano, le musicien s'est forgé une belle réputation parmi les mélomanes genevois, qui ne manquent donc jamais une occasion d'assister à ses concerts. Aujourd'hui sorti du « pensum du récitaliste », le piano de reste un moment d'intense magie et d'envoûtement.

Reprenant la formule de spectacle poétique et musical avec lequel ils voyagent depuis bientôt trois ans, le pianiste et son complice comédien ont choisi d'illustrer le poète Arthur Rimbaud à l'occasion du 150e anniversaire de sa naissance. Un piano, un diseur, un thème, voilà le décor planté. A peine gravies les marches de la scène, le comédien attaque les premières rimes rimbaldiennes. De sa belle voix, il délimite l'ambiance. Du sans filet. Deux heures de poèmes déferlants de la bouche de l'acteur dans une logorrhée colorée. Empoignant ses textes comme s'il s'agissait d'un même drame, d'un même roman, la perfection des enchaînements, des changements de rythme, la justesse du ton et l'intelligence de la lecture scellent l'admirable métier du comédien savoyard. Qu'ils sont beaux « Les effarés » sous son œil exorbité. Qu'ils sont nobles « Les pauvres à l'église » quand, les deux mains croisées sur le dossier d'une chaise, l'acteur semble en prière. Qu'il est impressionnant ce « Bal des pendus » dit dans le lent balancement d'un corps balayé par le vent. Projetant ses textes dans une langue vivante, fait vivre Rimbaud comme un badaud qui raconte et qui se raconte.

Si l'élocution parfois excessive du comédien convient mieux aux textes du poète maudit que les lettres de Georges Sand, objet du spectacle de l'an dernier, les accompagnements pianistiques de demeurent toujours aussi denses et aussi percutants. Ainsi la Paraphrase d'après le Miserere du Trouvère de Verdi par décore parfaitement la drôlerie de « A la musique » et de « Je devins un opéra fabuleux ». « L'orgie parisienne » colle à la délirante Etude op. 10 n° 12 en ut mineur de Frédéric Chopin, démontrant, si besoin est, que le pianiste français n'a rien perdu de son époustouflante technique pianistique. Puis « Le bateau ivre » est prétexte à un formidable Final de la Sonate « Au clair de lune » op. 27 n° 2 de Beethoven arraché sur l'ultime syllabe du poème. Lancée sans préparation comme l'évidence d'une improvisation née des mains du pianiste, cette page est exécutée avec un rare brio. Un feu d'artifice qui verra son apothéose dans une fantastique Danse du feu de Manuel de Falla cimentant un ultime poème de Rimbaud.

Malgré le tonnerre d'applaudissements couronnant ce spectacle brillant d'authenticité, la frappante complicité des deux interprètes se retrouve parfois atténuée par des choix scéniques et musicaux inégaux. Si la musique de Claude Debussy éclaire « Aube » d'une belle lumière, le compositeur se retrouve bien isolé entre Liszt et Chopin. Peut-être qu'un regard (une oreille ?) extérieur, un metteur en scène, saurait mieux potentialiser leur spectacle vers l'explosion d'un bouquet final.

Crédit photographique : François-René Duchâble – Photo (c) DR

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