Concours, La Scène, Musique symphonique

Douze candidats pour une reine

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Bruxelles. 23 et 28-V-2005. Finales du Concours Reine Elisabeth Finalistes : Alena Baeva [Russie], Yossif Ivanov [Belgique], Sophia Jaffe [Allemagne], Andreas Janke [Allemagne], Sergey Khachatryan [Arménie], Hyuk Yoo Kwun [Corée], Saeka Matsuyama [Japon], Keisuke Okazaki [Japon], Mikhail Ovrutsky [USA], Antal Szalai [Hongrie], Kyoko Yonemoto [Japon], Dan Zhu [Chine].

Finale Reine Elisabeth

A l'occasion de la dernière ligne droite du Concours Reine Elisabeth, un public, très varié et souvent peu habitué aux concerts, s'est réuni afin d'apprécier les prestations des douze candidats, issus de toutes les nationalités. Outre l'intérêt musical de ce prestigieux Concours, la salle Henry Le Bœuf du Bozar (surnom du Palais des Beaux-Arts, ndr) se transforme, le temps d'une semaine, en un lieu de mondanités et devient l'apanage des cadres d'entreprise, madame-chapeau en tout genre, jeunes étudiants de conservatoire en admiration face à ces prodiges, et musicologues du dimanche. La Reine Fabiola, fidèle depuis de nombreuses années, marque par sa présence son grand intérêt, et soutient ainsi avec cœur le concours.

Lors de cette dernière soirée de finales, la fièvre est palpable et de nombreux pronostics fusent dans les couloirs, où certains noms reviennent systématiquement. C'est vers 1 heure du matin que le jury rend son verdict, et confirme les pronostics de la presse et du public : remporte le 1er prix du Concours Reine Elisabethsuivi de Yossif Ivanof et de Sophia Jaffé – même si elle n'était pas vraiment attendue dans le trio de tête – , déjà pressenti depuis le début des épreuves comme le candidat phare du Concours, ajoute ce prix prestigieux à son palmarès déjà impressionnant. Au cours des cinq dernières années, il a remporté de nombreux prix lors de concours internationaux, parmi lesquels le Premier Prix du « Concours Jean Sibelius » d'Helsinki en 2000. Il a déjà réalisé deux enregistrements chez EMI, comportant des pièces pour violon et piano, issues du répertoire qu'il a interprété en demi-finale, ainsi que les concertos de Sibelius et Khatchatourian chez Naive.

Un autre candidat « coup de cœur » est le Belge , cadet du concours. Le public belge, fier d'avoir un compatriote en finale, le soutient avec ferveur depuis le début de ces épreuves. Yossif n'en est pas à son coup d'essai, il est, comme la plupart des finalistes, lauréat de plusieurs concourset s'est vu attribuer en 2003 le premier Prix au Concours de Montréal. Pur produit de l'enseignement musical belge, il étudie actuellement auprès d' à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth. Il faut noter par ailleurs que le petit nombre de musiciens belges représentés lors des précédentes finales du Concours, rappelle aux autorités les lacunes de l'enseignement musical en Belgique : Avec les nouvelles réformes du système, il est impossible de rentrer au conservatoire avant 18 ans et sans diplôme de l'enseignement secondaire supérieur. La Chapelle Musicale comble ces lacunes, et donne la possibilité à un petit nombre de futurs génies de suivre l'enseignement de grands professeurs, tels que , , et l'Artemis Quartet.

Au programme de ces soirées, chaque candidat nous présente une sonate, l'œuvre imposée Obscuro Etiamtum Lumine, et un concerto au choix. L'imposé de cette année est l'œuvre du compositeur mexicain , choisie à l'unanimité parmi les cinq meilleures des 118 partitions présentées, lors du Concours international de Composition en 2004. Obscuro Etiamtum Lumine est un cocktail bruyant, réunissant toutes les techniques et toutes les innovations de la musique contemporaine. Cette œuvre concertante pour violon tente d'évoquer des ambiances lumineuses ou de décrire une quelconque aurore boréale. Mais le résultat n'emporte pas l'adhésion du public. Avec un peu d'imagination, on peut y entendre une série de bruitages pour un film d'horreur de seconde zone. Une douzaine de minutes de grincements, effets stéréophoniques approximatifs, gloussements de cor anglais et pets de cuivres viennent inonder la salle de cette masse sonore désagréable. Si l'étude de cette œuvre, très difficile, a causé des cauchemars aux finalistes, de nombreux appareils auditifs ont également grincé et la vente de Panadol a connu une croissance importante durant ces finales.

Voici une petite rétrospective des finalistes :

: Son Schubert est plat et pas assez aéré ; il manque de cette frivolité que Keisuke Okazaki avait pu créer. On sous-estime très souvent Schubert ; mais il s'avère aussi redoutable que Mozart. Le Chostakovitch d' n'a pas non plus été une révélation ; un manque de conviction dans son premier mouvement et un archet beaucoup trop lourd. Par ailleurs, elle nous livre une Passacaille indigeste et un troisième mouvement peu intéressant,

 : Candidat belge de dix-huit ans, très attendu par le public belge qui n'a pas l'occasion de voir régulièrement un compatriote tenir le haut de l'affiche lors du concours. Du haut de ses 18 ans, et avec une attitude un peu gauche, il démontre une très grande aptitude musicale et une maturité musicale impressionnante ; élève d' àla Chapelle Royale musicale, Yossif a été nommé « Rising Star » par la Société Philharmonique de Bruxelles pour la saison 2005/2006. Il joue actuellement sur le « Piatti » un Stradivarius de 1717.

Sophia Jaffé : Dès les premières notes de la sonate de Beethoven, le public est captivé par l'énergie et la fraîcheur de la jeune Allemande. Toute la sonate est contrastée et dégage une musicalité naturelle. Son archet un peu lourd servira bien mieux Chostakovitch, dont elle a fait une des interprétations les plus mémorables de ce concours. Malgré quelques problèmes de justesse et parfois, quelques faiblesses techniques, l'ambiance dégagée dans le troisième mouvement émeut. Pour notre plus grand plaisir, elle prend tous les risques pour servir la musique et, même si ces tentatives honorables ne réussissent pas tout le temps, le jury ne lui en a pas tenu rigueur.

Andreas Janke : Ce musicien allemand nous propose une version sobre, intériorisée mais très aboutie de la sonate de Brahms. Jamais il ne prend de risques incontrôlés dans ses tempi, mais il connaît quelquefois de très légers problèmes de justesse. Ce fut une prestation un peu froide de ce musicien, qui a encore toute la vie devant lui pour arriver à s'épanouir musicalement.

 : Sa version endiablée de la Fantaisie sur des thèmes de Carmen de Waxman lors des demi-finales restera un grand moment. Sa très jolie version de la 3e sonate de Brahms en finale est la meilleure démonstration de sa musicalité à fleur de peau et de son désir de laisser la musique faire son effet, sans lui ajouter quelque esbroufe. Accompagné au piano par sa sœur, il restera imperturbable aux quelques accrocs pianistiques qui auraient pu lui coûter cher. Sa version du concerto de Chostakovitch était à la hauteur des attentes du public sans pour autant atteindre l'intensité et la présence de Mikhail Ovrutsky.

Hyuk Yoo Kwun : Avant-dernier candidat de ces finales, nous offre un Ravel dans lequel il n'arrive pas à s'épanouir vraiment, et choisit des tempi un peu mous. Son engagement dans Chostakovitch est maximal, il nous propose une version aboutie, mais sans rivaliser avec Jaffé ou Khachatryan.

Saeka Matsuyama : Son exécution de la sonate de Beethoven est sobre, les accentuations sont précises et le son de belle qualité. Par cette interprétation, elle nous démontre ses qualités de chambriste et de violoniste raffinée, mais sans arriver à nous émouvoir. Elle s'impose avec aisance dans le concerto de Brahms et nous en offre une version de belle qualité.

Keisuke Okazaki : Ce musicien nous propose une version pétillante du Grand duo de Schubert. Le son fin et raffiné de son Stradivarius convient à merveille pour la musique de chambre. Il crée une belle synergie avec Tobias Koch qui l'accompagne au piano avec brio. Après une très belle introduction inspirée et mystérieuse dans son concerto de Sibelius, les choses se compliquent, les traits savonnés se multiplient et la faiblesse se fait sentir jusqu'à la fin.

Mikhail Ovrutsky : Déjà lauréat en 2001, il s'est représenté à nouveau afin d'améliorer son résultat précédent. Bouleversant et déchirant, son Chostakovitch est sans équivoque le plus inspiré et le plus sonore de toutes les autres versions. En demi-finales, il nous avait proposé une Fantaisie de Schubert, fragile et assez moyenne, et il n'était pas parvenu à créer l'ambiance de plénitude qu'une telle œuvre requiert. Heureusement, sa prestation en finale rattrape ce souvenir en demi-teinte, et Ovrutsky s'impose comme un candidat redoutable pour la première place.

Antal Szalai : Quel dommage que ce candidat n'ait pas été retenu parmi les six premiers finalistes! Tout au long de ses prestations, la qualité de ses exécutionsest constante ; un phrasé délicat, un très beau son soigné. Tout est sous contrôle … mais peut-être trop sous contrôle : on aurait apprécié que le Hongrois se laisse aller un peu plus musicalement.

Kyoko Yonemoto : Elle allie une bonne justesse et une bonne technique, bien nécessaires à l'exécution du concerto de Paganini. Ses nuances forte sont brutales dans le Ravel et sa performance reste musicalement aseptisée.

 : Premier candidat de ces finales, le Chinois a la lourde tâche de présenter l'imposé au public, et d'inaugurer la session. Son Ravel est très sensuel : le son est joli et très soigné. Il mais manque cruellement de puissance, ce que l'on a très clairement ressenti dans son concerto de Tchaïkovski. A plusieurs fois, s'emballe et frise la catastrophe dans le finale de son concerto.

Résultats

 

 

 

 

 

  • 3e prix : Sophia JAFFÉ

 

 

  • 4e prix : Saeka MATSUYAMA

 

 

  • 5e prix : Mikhail OVRUTSKY

 

 

  • 6e prix : Hyuk Joo KWUN

 

 

  • Lauréats : , Andreas JANKE, Keisuke OKAZAKI, Antal SZALAI, Kyoko YONEMOTO, Dan ZHU

 

Autres articles concernant le concours :

Demi-finales : Le marathon Mozart

Présentation : L'année des violonistes

Redécouvrez les prestations des candidats depuis les demi-finales sur http://kew.canvas.be (en néerlandais)

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