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Bruxelles. Palais des Beaux-Arts. 10-V-2005. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : 32 Variations sur un thème original, WoO 80 ; Sonate pour piano n° 28, op. 101 ; Alban Berg (1885-1935) : Sonate pour piano, op. 1 ; Claude Debussy (1862-1918) : Préludes (Livre I). Radu Lupu : Piano.
Chaque apparition de Radu Lupu est un moment rare et très prisé par le public ; celui-ci ne manque jamais à l'appel et lui rend hommage à chaque fois très chaleureusement.
Ce grand pianiste, musicien authentique, est toujours à la recherche du sens profond de la musique et évite toute démonstration inutile ou effet virtuose inapproprié. Malgré le déroulement d'un autre événement musical majeur qu'est le Concours Reine Elisabeth, le concert attire une foule dense, ainsi qu'une affluence inhabituelle de dernière minute, qui entraîne un léger retard du concert. La scène, éclairée par une lumière tamisée, nous fait penser aux récitals de Richter ; celui-ci aimait se plonger dans l'obscurité afin que le public se concentre sur la musique et l'émotion, et non sur ses mouvements de doigts ou les expressions de son visage. Radu Lupu, par le biais d'un présentateur de fortune, nous demande de ne pas applaudir entre les 32 variations de Beethoven et la sonate d'Alban Berg. On comprend vite que l'artiste attache la plus haute importance à la musique et veut nous faire découvrir, par comparaison, l'évolution du répertoire sur un siècle. Dès les premières notes, l'artiste enivre et captive son auditorat comme par enchantement.
Beethoven est l'auteur d'une abondante production pianistique, dont une vingtaine de cahiers, consacrés au genre de la variation. Il nous démontre dans ces pages sa capacité de pouvoir tirer à partir d'un petit motif, une pléthore de combinaisons d'écriture et d'inventions musicales. A l'époque où Alban Berg était encore élève de Schönberg, il composa cette sonate, qui inaugure le catalogue officiel de ses œuvres. Cette sonate en un mouvement unique est encore empreinte du langage tonal. C'est une œuvre à la structure rigoureuse, romantique et dense. Pour terminer la première partie du concert, nous revenons à Beethoven avec la sonate N° 28. Cette œuvre composée après une déception sentimentale laissa Beethoven dans une période de doutes tant pour l'homme que pour le musicien. Durant cette période de remise en question, Beethoven composa également le cycle de mélodies An die ferne Geliebte (À la bien-aimée lointaine). Dans ces œuvres, il s'appropria les techniques rigides du contrepoint et de la fugue afin d'extérioriser son intérieur mystérieux et angoissé. L'écriture témoigne de nombreuses recherches sonores, et allie des mélodies pures à des accompagnements d'une simplicité étonnante. Un tout autre style se propose à nous avec le premier livre de Préludes de Debussy, petites esquisses impressionnistes qui exploitent toutes les possibilités de l'instrument et les oppositions d'effets pianistiques, dans des pages d'une grande fluidité. L'influence des traditions exotiques est considérable, par l'utilisation de gammes pentatoniques ou par tons entiers.
Le pianiste roumain est un artiste incomparable. Son allure austère, son visage toujours absent de la moindre expression de sourire ou de chaleur peuvent parfois nous mettre mal à l'aise, mais dès que les premières notes sont jouées, on oublie très rapidement sa froideur pour se laisser guider, tout naturellement, par la musique. Radu Lupu nous prouve encore une fois ses talents de coloriste, sa maîtrise pianistique et sa palette de nuances rare. La rêverie qu'il nous suggère est malheureusement trop souvent perturbée par des quintes de toux incessantes et autres portables qui irritent autant le musicien que le public. On se demande comment faire comprendre à toutes ces personnes impolies, qui laissent leur portable allumé, qu'un Prélude de Debussy supporte encore moins que toute autre œuvre une sonnerie de gsm. Espérons qu'un jour, les artistes auront l'audace, comme certains le font déjà, de s'arrêter et de prier les pollueurs de se diriger vers la sortie.
Crédit photographique : © DR
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Bruxelles. Palais des Beaux-Arts. 10-V-2005. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : 32 Variations sur un thème original, WoO 80 ; Sonate pour piano n° 28, op. 101 ; Alban Berg (1885-1935) : Sonate pour piano, op. 1 ; Claude Debussy (1862-1918) : Préludes (Livre I). Radu Lupu : Piano.