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Caluire-et-Cuire. École de Musique. 22-IV-2005. Master-Class dans le cadre de « Caluire & Cuivres », VIe stage Cor – Tuba – Trompette – Trombone. Nicolas Folmer : trompette.
Nicolas Folmer, pas encore trentenaire, est un trompettiste… à l'ancienne? Son bagage technique conséquent est bien celui des jazzmen des générations récentes, mais voilà un « souffleur » amoureux de la brillance, de la flamboyance, qui parfois s'estompent dans le jazz actuel au profit d'autres lumières (souvent magnifiques). Il est ainsi le remarqué fondateur du Paris Jazz Big Band, et a été volontiers appelé dans des formules plus ou moins « jazzy », auprès d'Henri Salvador, Aznavour, Nougaro, et de Dee Dee Bridgewater, Diana Krall, Natalie Cole. L'émotion, plutôt que l'introspection, personnelle ou musicale. Après qu'il ait quitté l'Orchestre National de Jazz, on aura pu l'entendre au côté de Wynton Marsalis, André Ceccarelli, Sylvain Beuf, Stéphane Huchard, Pierre de Bethman. Avec cette carte de visite bien achalandée (et provisoire!), Nicolas Folmer s'est présenté à Caluire-et-Cuire, cité posée sur le plateau entre Rhône et Saône en haut des pentes de la Croix-Rousse qui dominent Lyon, pour une Master Class, deux jours phares du sixième stage « CALUIRE & CUIVRES » organisé par l'École de Musique.
Caluire & Cuivres, c'est un stage, une série de concerts, des conférences ou du cinéma grand public, cette année une exposition d'instruments anciens à la bibliothèque, qui pour l'occasion mettait en avant son fonds « cuivres ». Côté prestige, après Stéphane Belmondo l'an dernier, Nicolas Folmer aujourd'hui : que la série continue! Au matin de cette seconde journée de la Master Class, la complicité est manifeste. Échange de « tuyaux », de petites infos sur tel logiciel. On papote technique, et on se réclame des clés. Non, ni clés d'ouverture, ni clés de sol ou d'ut troisième, pas non plus clés de sax ou clarinette (nous sommes ici entre cuivres – pistons et coulisses!), mais des clés… USB. Pour se transmettre des repiquages de solos de Parker par exemple.
« Bien, on va commencer ». A l'évidence, on aurait aimé plus d'élèves réactifs, qui ne laissent pas passer leur chance d'avoir un « maître » à leur service, comme l'a bien compris par exemple ce « trompette-3 » de big-band affamé parce que selon ses mots « venu sur le tard à la trompette ». C'est à lui que s'adresse d'abord Nicolas Folmer, « Tu ne dois pas t'échauffer de cette manière, tu t'épuises. Moi, je ne tiendrais pas une heure après ça ». Et d'expliquer qu'à l'instar d'un sportif qui ne cherche pas déjà ses limites lors d'un échauffement, il faut au contraire ménager les muscles qui entourent les lèvres, muqueuse fragile. Et commence… un cours de « chauffe »!
Chauffe rapide quand on n'a pas le choix, ou chauffe plus soignée : ouvrir la gorge en chantant en même temps qu'on fait vibrer la colonne d'air dans la trompette, tenir les lèvres, jusqu'à ce qu'un début de picotement annonce l'afflux de sang dans ces précieuses muqueuses. Nicolas Folmer capable de donner le très basique d'un prof'd'école de musique face à un débutant, joliment orné d'un « Travaille ça : moi, ça m'a changé la vie!La tessiture, le son, la puissance (et la gloire – sourire -), ça viendra après ». Et bien sûr capable de donner un point de vue plus pointu par exemple sur la façon particulière des notes pédales. Il titille aussi son auditoire, dans ses derniers retranchements : « Quel son tu veux? ». Difficile de le définir avec des mots. « Oui, mais quel son tu veux? ». Parce qu'il faut avoir beaucoup réfléchi à son idéal sonore pour travailler dans la bonne direction. Et prétendre disposer de plusieurs sons selon les circonstances demandent une énorme force psychologique : c'est pour cela que bien peu de musiciens portent une personnalité solide à la fois en classique et en jazz. Encore des « trucs », des sensations à chercher, la meilleure position du corps, le meilleur port de tête pour ouvrir la gorge, à étudier aussi devant le miroir. Et Nicolas Folmer lance une adresse inattendue : « Là tu vois, ce que tu as fait, c'est le son que tu veux avoir! ». Le tromboniste ainsi salué n'avait pourtant pas su dire tout à l'heure quel son il rêvait…
Après la pause, on traîne au soleil… Et on surprend Nicolas Folmer, jazzman, et Luc Delbart, trompettiste de l'Orchestre de l'Opéra de Lyon et l'un des organisateurs de ce Caluire & Cuivres, échangeant des références d'outils de travail, des commentaires sur telle ou telle pratique d'exercices, « ah oui vous aussi ; nous c'est pareil, on a la même chose pour les big-bands ».
Retour en salle. Le jeune bopper qui montre ce qu'il sait faire, attend visiblement beaucoup des commentaires de Nicolas Folmer. « Tu joues trop physique, tu es en avance sur le temps, mais non ce n'est pas trop rapide pour toi. Tu soutiens bien le son, mais concentre-toi aussi sur la rythmique, marque les 2ème et 4ème temps avec le pied… ; tu sens que tu avances trop? ». Et Nicolas Folmer saisit sa trompette, et double la phrase du fougueux comme s'il lui tenait la main pour le rattraper s'il trébuche dans sa course. « Tu sens que tu accélères, que tu es en avant? ». Pour lui faire entendre, l'ordinateur portable enregistrera le set, avant une écoute commentée. Transmettre, sans imposer ses choix personnels. Aider, dans le respect de la personnalité propre de chacun. Donner une direction, en précisant « Réfléchis à toi ». Il ne suffit pas d'être un « maître » pour animer une Master Class… Pour nous, simples oreilles, notons bien que Nicolas Folmer sera au Club de Minuit des 25 ans de Jazz à Vienne, le 29 juin 2005.
A écouter en attendant : I comme Icare / Nicolas Folmer Quartet. – Cristal Records CRCD 0409. Enregistré à New York en 2004.
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Caluire-et-Cuire. École de Musique. 22-IV-2005. Master-Class dans le cadre de « Caluire & Cuivres », VIe stage Cor – Tuba – Trompette – Trombone. Nicolas Folmer : trompette.