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Michelle Boudreau. Ma magie, héréticlip tiré de les grimaces . 1 CD 4’24 (2002) Musiques itinérantes. réf : MBMM 1. Des passages de Charnière et autres pièces. Danièle Forget, soprano. Karen Gerbrecht, violoniste. Merrie Klazek, trompettiste. Richard Moore, percusionniste. Marc Courroux, pianiste. Isabelle Labrecque, soprano. Geneviève Beaudry, violoniste. Michelle Boudreau, parleuse. Pascal Desgranges, comédien. Silvia Mondolini, violoniste. Émilie Laforest, soprano. Catherine Perron, Molly Read, Benjamin Sutton, Katerina Juraskova, violoncellistes. Takane Funatsu, violoniste. Musiques itinérantes. Ref : MBMM 2 CD. 55’(2004).
Musiques itinérantesMichelle Boudreau, née en Saskatchewan en 1956, (province de l’ouest canadien) est compositrice, parleuse, ainsi que fondatrice et directrice artistique de Musiques Itinérantes. En composition, ses recherches se concentrent sur la structure, la matière, le geste, l’intégration théâtrale et visuelle. Elle considère les moyens électroacoustiques, la conscience et l’appréhension des diverses traditions musicales du monde, la connaissance de la culture et de la société en général, essentiels à l’émancipation du langage musical. L’opéra, le théâtre musical, la musique pour orchestre, la musique de chambre, la vidéo, le dessin, l’écriture sont ses intérêts, et il y en a d’autres. Voilà ce que nous apprend le site consacré à Michelle Boudreau. Elle s’explique plus précisément dans le livret du CD qui accompagne la première pièce présentée ici : Ma magie. Cette musique s’inspire, nous dit-elle, « d’un rite de carnaval romain : les moccoli (Gœthe, Voyage en Italie). La chandelle était au centre de cette fête conçue par l’artiste Luc Bourbonnais où l’on célébrait l’espace par la lumière et le son. » De plus, « l’héréticlip ma magie se veut un geste de renaissance. » Cela provient d’une déformation du mot hérésie : idée, théorie, pratique qui heurte les opinions considérées comme justes et raisonnables, accolé à clip, comme dans vidéo-clip. Cette pièce, c’est-à-dire, tout le CD dure 4’24. Il est vrai qu’en art le temps ne compte pas et souvent la concision est la plus grande qualité. Un début de grimaces sonores, des craquements suivent et autres bruits aussi rugueux que poreux complètent le tableau. La moustiquaire devient, dit-on, matrice et matière, par « certaines parties impudiquement mises à nu et décharnées ». L’auditeur peut résister sans crainte à la grande tentatrice érotomane de la moustiquaire. S’il lui arrive de vibrer, au sens premier du terme, c’est beaucoup plus à l’agacement sonore qu’à la volupté du frottement. Ainsi la morale est sauve. Le mot « moccoli » aux oreilles du mélomane, s’associe à une tout autre musique, celle que Berlioz composa pour son opéra Benvenuto Cellini, ces petites bougies placées au cœur même du Carnaval romain. À chacun sa renaissance.
Le deuxième CD est plus consistant. Les sept pièces font près d’une heure. Des grincements, des bruits incongrus, certes, mais à travers ce fracas de vaisselle cassée, – ce tas de miroirs brisés (pour l’amour d’Orphée) – n’entend-on pas aussi le chant d’oiseaux non identifiés ? Cela rappelle étrangement la musique de Sonde, un groupe expérimental issu de la Faculté de musique de Mc Gill et qui remonte à plus de trente ans. Les membres du groupe fabriquaient eux-mêmes leurs instruments, ainsi un sahabi (It’s a hobby) avait été conçu – c’est le cas de le dire – à partir du sommier d’un lit, devenu instrument à cordes métalliques, grinçant, tout à fait pour ce genre de musique que l’on qualifie assez souvent, faute de mots, de sculpturale, d’espace sonore. Le vocabulaire était déjà en place. Toujours étrange, un arbre musical – si l’interprète jouait faux, l’arbre lui était vrai – agrémentait la place publique d’un collège. Mais l’époque était à ces groupes expérimentaux qui duraient le temps d’une soirée. On imagine sans mal le temps de gloire de la musique iconoclaste, médiane entre la contre-culture et du Living Theater. Tous s’abreuvaient aux mêmes sources, des lectures de Wilhem Reich aux théories de Herbert Marcuse, mêlant liberté et libération sexuelle.
Enfin, pour revenir à Charnière, les pièces sont plus variées. Particulièrement grâce aux voix de Danièle Forget, Isabelle Labrecque, Michelle Boudreau, Pascal Desgranges et Émilie Laforest. Quant à l’invention d’instrument, il ne s’agit plus ici de sahabi, mais du nomosphase (du grec nomos : règle, et phasis : phase) un ensemble de métronomes fixés sur une caisse de résonance et actionnés simultanément par un mécanisme de déclenchement. Mise en garde de l’auditeur : « dans une œuvre eschatologique, le nomosphase s’arrête au temps zéro, le seuil de sa propre mort. » On se demande un peu que viennent faire en parallèle les propos littéraires de Marguerite Yourcenar commentant la mort de Jorge Luis Borgès qu’on entend mal, noyés dans un flot de bruit diffus. Cette prétention littéraire est vide de sens. Mais, il se dégage tout de même un univers poétique, décentré certes, mais qui peut être très prenant par moments. Ce sont des images, fluides, toujours passagères comme dans un rêve, impalpables, fuyantes, sans emprises sur le temps, avec l’empreinte de voix sans pouvoir les fixer à la mémoire comme un lointain écho. Cela est saisissant. Le tout se veut poésie mythologique, d’Orphée à Narcisse. C’est encore le vieux mythe revisité. On peut taxer cette musique d’activités protéiformes ou de bric-à-brac. Bannissons d’avance tout exercice critique pour ces deux CD. Cela ressemble à tout ce qu’on peut imaginer ou à rien du tout. C’est selon. Mais il va sans dire qu’il y a recherche. Luc Bourbonnais, sculpteur, indique son approche cinétique, son intention de créer une œuvre en musique et en arts plastiques, en collaboration avec Michelle Boudreau. « Il y aurait donc correspondance entre l’espace de la sculpture et l’espace du son par une transformation continue, créer un pont et que celui-ci devienne la pièce. Cela a donné le théâtre musical Charnière. » Et de rajouter « Dans cette pièce de musique, son écran médian perforé des signes de la partition est à la fois le parcours et le masque du rituel. » Cette musique prend peut-être son sens quand elle est accompagnée de son totem. À nu, sans l’apport visuel et sans sa charnière, il est difficile de pénétrer dans cet univers qui se veut nomade, sans frontière, libre de toute convention. Cette alliance avec les miroirs brisés, – les miroirs d’Alice ou d’Orphée ou de Narcisse ? – apparaît superfétatoire, peut-être parce que coupée de sa source première.
Aucun critère esthétique n’est envisageable pour décrypter ces pages musicales. Dit-on qu’une autoroute urbaine est confortable ? Qu’une piste d’atterrissage est agréable ? Le beau est laid et le laid ne signifie plus laideur dans ce monde virtuel. Il a droit à sa place. Tout est légitime au royaume des sons. C’est la musique de notre temps, celle qui cultive sa prétention à l’art. C’est une démarche qui piétine depuis l’après-guerre, qui a connu ses cénacles, ses inquisiteurs et ses gourous, ses tyrannies aussi. L’évolution a eu comme conséquence le divorce complet entre « créateurs » et « mélomanes ». Le temps n’est-il pas venu de faire un pas vers la réconciliation ? Le cinéma est sûrement une avenue propice à toutes ces recherches. Le temps présent n’est plus à l’opposition. Au contraire, tout est acceptation, des notes bouillantes à la congélation des sons. Est-ce l’époque à – plat – ventriste, du politically correct qui rend l’auditeur si conciliant ? Parce que cette musique s’adresse directement à qui veut l’entendre, elle est ce que nous sommes. C’est une musique qui reste dans l’ombre du rituel. « Les ombres sont toujours de compagnies, jointes au corps. » Enfin, c’est la musique qui se fait ou se défait…à votre guise.
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Michelle Boudreau. Ma magie, héréticlip tiré de les grimaces . 1 CD 4’24 (2002) Musiques itinérantes. réf : MBMM 1. Des passages de Charnière et autres pièces. Danièle Forget, soprano. Karen Gerbrecht, violoniste. Merrie Klazek, trompettiste. Richard Moore, percusionniste. Marc Courroux, pianiste. Isabelle Labrecque, soprano. Geneviève Beaudry, violoniste. Michelle Boudreau, parleuse. Pascal Desgranges, comédien. Silvia Mondolini, violoniste. Émilie Laforest, soprano. Catherine Perron, Molly Read, Benjamin Sutton, Katerina Juraskova, violoncellistes. Takane Funatsu, violoniste. Musiques itinérantes. Ref : MBMM 2 CD. 55’(2004).
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