L’indépendance de Renée Fleming

En ces temps où le répertoire baroque est devenu le domaine quasiment exclusif des spécialistes, Renée Fleming démontre une fois de plus son indépendance.

Le programme est intéressant. Il contient des airs célèbres — « Lascia ch'io pianga » (Rinaldo), « V'adoro pupille » (Giulio Cesare), « Ombra mai fu » (Serse) — mais aussi des extraits d'œuvres peu jouées telles que Semele, Lotario ou Alexander Balus. Deuxième atout : le jeu inspiré et évocateur de l'Orchestra of the Age of Enlightenment sous la baguette à la fois alerte et sensible de Harry Bicket.

Et Fleming ? Certes, la soprano américaine ne possède pas une voix typiquement baroque. Mais elle prouve qu'elle sait se plier aux règles stylistiques requises. Elle réduit considérablement son vibrato et déploie beaucoup moins que d'habitude l'opulence de ses moyens. Les vocalises sont précises, les ornementations montrent du goût. Vocalement il n'y a rien à dire, tout est rien moins que parfait : le contrôle du souffle, l'homogénéité des registres, la facilité de l'aigu, voire du suraigu. Mais Fleming n'utilise nullement ces airs pour exposer sa virtuosité ou la beauté de son timbre. Grâce à une riche palette de nuances et de couleurs, grâce à un contrôle absolu de la dynamique, grâce finalement à une articulation exacte des textes italiens et anglais, la chanteuse nous fait vivre tous les sentiments, toute l'expressivité contenues dans cette musique. Heureuse New York qui, actuellement, voit la Rodelinda de Renée Fleming.