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Grenoble. MC2. 19-XI-2004. Œuvres de Georg Friedrich Haendel (1685-1759). Cecilia Bartoli, mezzo-soprano. Les Musiciens du Louvre. Direction : Marc Minkowski.

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« It don't mean a thing, if you ain't got that swing » clamait Duke Ellington. Pensait-il alors que le swing déborderait la musique de jazz, pour s'affirmer comme l'essence de toutes musiques? Il n'est de bonnes musiques folkloriques (qu'on appelle aujourd'hui étrangement « musiques du monde ») sans swing. Assimiler la musique baroque à une musique folklorique d'un temps passé, attachée une contrée définie n'est pas en soi une totale hérésie. Dès lors pourquoi ne pas la swinguer, pourquoi n'en point faire une musique de divertissement, de joie, de rythme voire de danses? Inavoué dans le mot, mais appliqué dans les faits, c'est probablement le secret du succès populaire des orchestres baroques actuels au premier rang desquels a porté à l'excellence.

Au chapitre des apparences, l'observation de l'Ensemble de est aussi symptomatique de l'évolution actuelle de cette musique. Finis les musiciens coincés dans le sérieux « classique » de leur partition. Aujourd'hui, la musique vit à travers le musicien. Il sourit, glisse des œillades à son voisin de pupitre, observe le soliste, ferme les yeux à l'écoute d'un son qui le touche. Le musicien est vivant! Le spectacle entre dans l'orchestre. Celui des Musiciens du Louvre révèle l'une de ses plus grandes qualités : l'enthousiasme! Un enthousiasme naissant de quelques catalyseurs à l'image de la formidable Ada Pesch, première violoniste suscitant l'émerveillement ou du talentueux flûtiste Sébastien Marq, superbe improvisateur.

Et quand la soirée s'appuie sur une époustouflante, Haendel est aux anges! On a tout dit sur la mezzo-soprano romaine. Encensée, on a chanté son talent, on a loué sa présence scénique, son charisme, sa sympathie, sa voix, sa technique au point que le vocabulaire est orphelin des dithyrambes qu'elle mérite. Elle enflamme les foules

A Grenoble, dans un programme entièrement dédié à George Frideric Händel, elle a touché au génie. Son « Lascia la spina » de Il Trionfo del Tempo et del Disinganno HWV 46a, (qu'elle a aussi chanté sous le titre de « Lascia ch'io pianga » du Rinaldo HWV 7a), entendu des dizaines de fois, s'est retrouvé comme totalement rénové. L'air est connu, chacun attend le plaisir de réentendre la superbe mélodie de Haendel. Et tout à coup, tout bascule. , les yeux fermés, la tête renversée s'emplit des premiers accords de l'orchestre. Puis la voix s'élève, aérienne, éthérée, comme exhalée des nimbes. Dans cette courte strophe, tout l'art de la mezzo. Avec le velours d'une tendresse vocale, elle « laisse l'épine, cueille la rose » et quand, dans la reprise, elle récite « La blanche rosée à peine effleurée, se répandra lors que le cœur ne le croira pas », sa voix devient si ténue, le pianissimo si fragile, le souffle si intime que les mille personnes de l'auditoire ne respirent plus de peur de troubler l'air que Bartoli comble de son chant. Rien d'immuable dans ses prestations, elle réinvente sa musique. A chaque air, une autre histoire, un autre discours, d'autres couleurs. C'est un autre soleil, un autre amour, une autre colère, une autre jalousie.

Au triomphe que lui réserve un public sous le charme, répond avec un superbe « Ombra mai fu » de Serse HWV 40. Portée par Cecilia Bartoli, cette sublime musique est habitée du divin. L'évidence devient palpable.

Courrez! Courrez! Courrez à Francfort ( le 3 décembre ) ou à Vienne ( le 10 décembre ) pour assister à l'une des deux répliques du concert de Grenoble de Cecilia Bartoli, avec et . C'est du bonheur en or massif!

Crédit photographique : © DR

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