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Morton Feldman, musique de bas voltage

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Paris. Festival d’Automne, Auditorium du Musée d’Orsay. 17-XI-2004. Morton Feldman (1926-1987) : Intermission I, III, V, VI, Three Pieces for piano, Nature Pieces, Variations, Extensions 3, Piano Piece, Palais de Mari, For Bunita Markus. Markus Hinterhaüser, piano

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Festival d'Automne 2004

Contre épreuve de l'expérience Webernienne qui, mardi dernier à la Cité de la Musique et la semaine dernière en tournée en France, sous la baguette de Pierre Boulez, nous initiait à la brièveté de la petite forme — tout un roman dans un soupir — la musique pour piano de allait, le lendemain, nous faire traverser le temps dans une exploration beaucoup plus conséquente de la durée, un roman à part entière ; Avec la même économie de moyen que le compositeur autrichien mais en substituant la notion de forme à celle du temps, il souhaite, comme il le dit lui-même, que « ses œuvres ne soient plus perçues comme des objets mais comme des phénomènes en évolution ».

Compositeur américain né en 1926 à New York et mort à Buffalo en 1987 des suites d'une longue maladie, suivra tout au long de son travail de composition une voie singulière, dans le sillage de John Cage qu'il rencontre en 1949 et dont il retient la leçon essentielle : « laissons les sons être ce qu'ils sont », à savoir des individualités propres au sein du silence qui les entourent. Comme Cage, il abandonne pour un temps la notation traditionnelle pour l'écriture graphique, laissant à l'interprète une part active dans la réalisation finale de l'œuvre. Aucune de ces partitions ne figurera dans le programme de cette soirée entièrement consacrée à la musique de piano du maître américain, , interviewé par Jean-Yves Bosseur en avant concert, émettant des doutes quant à ses propres qualités de concepteur en matière d'œuvre aléatoire. C'est donc un répertoire écrit — souvent d'une extrême précision — qu'aborde le pianiste autrichien, avec une qualité de jeu et une concentration qui finit par imposer un vrai silence parmi l'auditoire, celui qu'exige cet univers sonore aux dynamiques très faibles et aux résonances très longues, jouant sur les infimes nuances de la couleur. Pianiste lui-même, Feldman avait un toucher très particulier, « infiniment délicat » précise Jean-Yves Bosseur dans son article de présentation. Cette musique de bas voltage, fonctionnant sur des principes d'organisation des sons en motifs, réclame de l'interprète une intense activité intérieure et, paradoxalement, la plus grande détente extérieure.

Les pièces de courte durée jouées en début de première partie — elles datent des années 50 à 53 — proposaient une grande variété de gestes compositionnels conçus dans un espace temporel ici bien défini : une initiation « en douceur » à l'expérience auditive des deux dernières œuvres du programme, Palais de Mari (vint cinq minutes) et For Bunita Marcus (soixante quinze minutes), datant respectivement de 1986 et 1985. Certaines pièces de cette époque peuvent être encore beaucoup plus longues : une heure trente pour neuf d'entres elles. Rappelons que le Festival d'Automne vient de programmer le deuxième quatuor du compositeur américain d'une durée de cinq heures trente (sans entracte évidemment), le plus long de toute l'histoire de la musique !

Les deux dernières œuvres de la soirée nous conviaient donc à une écoute des plus fascinantes, celle qui réclame une immersion totale dans le son, une véritable méditation auditive. Dans cet espace idéal qu'est l'auditorium du musée d'Orsay, tant par ses qualités acoustiques que par la convivialité du lieu, l'auditoire averti — car les réfractaires eurent tôt fait de quitter la salle — s'est laissé embarquer sur ce long fleuve tranquille, porté par une musique en constant devenir qui est oubli du temps et concentration sur le moment présent.

Crédit photographique : © DR

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Paris. Festival d’Automne, Auditorium du Musée d’Orsay. 17-XI-2004. Morton Feldman (1926-1987) : Intermission I, III, V, VI, Three Pieces for piano, Nature Pieces, Variations, Extensions 3, Piano Piece, Palais de Mari, For Bunita Markus. Markus Hinterhaüser, piano

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