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Toulouse. Halle aux Grains. 4-XI-2004. Glazounov : Concerto pour violon et orchestre ; Dimitri Chostakovitch : Symphonie N° 13 « Baby Yar » op. 113. Kuba Jakowicz (violon) ; Sergej Aleksashin (basse) ; Orfeón Donostiarra, Orchestre National du Capitole du Toulouse, Pinchas Steinberg (direction).
II y a quelque chose de tristement saisissant, le lendemain des élections américaines et le jour de l'annonce de l'aggravation de l'état de santé de Yasser Arafat, à entendre résonner les vers d'Evgeni Evtouchenko dénonçant les abus et mensonges du pouvoir, la corruption, la barbarie xénophobe.
Car on aurait tort de croire secondaire le message politique de Chostakovitch, ou seulement lié a la terreur stalinienne : tout comme Beethoven a su, au-delà des temps troublés ou des espoirs déçus de l'après révolution française et des guerres napoléoniennes, s'adresser à l'humanité entière, Chostakovitch dépasse dans ses œuvres le désespoir individuel pour atteindre à l'universel. Et l'on est confondu — et hélas! Affligé — de trouver autant d'actualité à un texte écrit il y a plus de quarante ans. C'est que, plus que la force de la poésie, la musique reste chargée d'un impact toujours aussi saisissant qui éveille le même inconfort, la même angoisse, dans l'esprit de l'auditeur de ce début de XXIe siècle.
Dès les premiers accents, Pinchas Steinberg enserre l'œuvre dans un étau étouffant, une atmosphère lourde et oppressante parcourue d'éclats à la violence froide très impressionnante. La précision absolue de ces accents tranchants comme des rasoirs participe de ce climat hautement théâtral. L'orchestre, aux sonorités acérées, épouse parfaitement cette conception, mais le second mouvement semble déjà marquer les limites de cette interprétation démonstrative : l'Humour de Steinberg est en effet plus terrifiant que caustique. Si dans Au magasin, cette violence rentrée et les accents susurrés des chœurs provoquent quelques frissons, la chaleur manque cependant dans cette évocation de l'héroïsme féminin, et les deux derniers mouvements, plus méditatifs que dramatiques, s'enlisent faute d'une véritable sensibilité. Car, malgré la qualité de la mise en place et la conviction des musiciens — mais une basse usée qui menace de sombrer dans Les Terreurs —, on attendait en vain de ce Chostakovitch impeccable et implacable une nuance de chaleur, d'espérance, de vie, d'humanité.
Le Concerto de Glazounov donné en première partie était dans ce contexte un peu comme ces bonbons que l'on recevait, enfant, avant les piqûres — ici plutôt l'électrochoc. C'est petit, vaguement sucré, vaguement insipide. Kuba Jakowicz joue cela sans trop de chantilly et l'orchestre fait très efficacement le peu qu'il a à faire… Mais pourquoi ne pas avoir plutôt choisi l'un des concertos de Chostakovitch ? L'unité et l'intérêt du concert y auraient sans doute plus gagné qu'avec cette œuvre, sans doute charmante, mais à mille lieux du génie et des affres exprimées dans Baby Yar.
Crédit photographique : © DR
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Toulouse. Halle aux Grains. 4-XI-2004. Glazounov : Concerto pour violon et orchestre ; Dimitri Chostakovitch : Symphonie N° 13 « Baby Yar » op. 113. Kuba Jakowicz (violon) ; Sergej Aleksashin (basse) ; Orfeón Donostiarra, Orchestre National du Capitole du Toulouse, Pinchas Steinberg (direction).