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Une VIIIe de Bruckner aux sommets !

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Dijon. Auditorium. 10-X-2004. W.A. Mozart (1756-1791) : Symphonie en Ut M N° 34 KV 338. Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie N° 8 en Ut m (version 1890, Edition Haas). Deutsche Radio Philharmonie Saarbrücken Kaiserslautern ; direction : Stanislaw Skrowaczewski.

skrowaczewski-300x233R.S.O. Sarrebrück et Skrowaczewski

Pour le mélomane du cru, la venue à Dijon d'un orchestre allemand est dorénavant attendue, de tradition, comme un gage de bonheur. Et le R.S.O. de Sarrebrück ne va pas faire exception : ce concert du 10 octobre nous a comblés au-delà des espérances. Mieux : ce n'est sans doute pas prendre un grand risque que de pressentir, en ce concert-là, le sommet symphonique de la saison 2004/2005. La présence à la tête de cette phalange, de , l'un des tout derniers grands chefs du XXe siècle (81 ans !), n'est certes pas étranger à cette exceptionnelle prestation. Après avoir (depuis 1946) dirigé bien des orchestres de par le monde, et parmi les plus prestigieux (Cleveland, Pittsburgh, Minneapolis, Concertgebouw, Opéra de Vienne, ou Met de New-York, etc.), aujourd'hui principal chef invité du RSO Sarrebrück (et depuis 2002, chef principal résident de l'orchestre symphonique National de la radio polonaise à Katowice), cet époustouflant meneur d'orchestre aura littéralement ébloui le public de l'Auditorium, par une direction des plus inspirées et à laquelle on est communément loin de s'attendre de la part d'un octogénaire…

Bonne surprise aussi que cette symphonie 34 de Mozart, en première partie de programme, si rarement jouée, plutôt que l'une de l'inévitable hit-parade « titré » : Haffner, Linz, Jupiter ou l'incontournable 40. Il s'agit de la dernière symphonie « salzbourgeoise » (1780), dans sa version originale en trois mouvements ; c'est-à-dire sans le Menuet K 409 (et son Trio) viennois, ajouté ultérieurement. Le temps de ces trois courts mouvements, pour cet orchestre mené de mains de (grand) Maître, on ne le dira jamais assez, et l'on sera déjà fixé sur ses exceptionnelles qualités : homogénéité et malléabilité remarquables, et un son (les Cordes !) d'une « rondeur » rarement entendue ici. (Les yeux fermés, vous songez aux prestigieux « Wiener ») ; Et les Vents et Percussions n'étant pas en reste, nous assistons à une véritable leçon de style, dont bien des orchestres plus ou moins réputés et familiers du répertoire devraient bien s'inspirer…

On sait ici « faire dans la dentelle » comme dans la « fanfare », et toujours avec la plus exquise musicalité.

Cette première partie prometteuse aura mis en appétit un public maintenant impatient d'assister à l'événement que constitue toujours l'exécution de la « symphonie des symphonies » : la 8e d'. D'autant qu'on sait tenir, là, des interprètes de référence. L'Intégrale des onze symphonies de Bruckner, avec l'Orchestre de la Radio Sarroise dirigé par Skrowaczewski (intégrale éditée par Arte Nova) n'a-t-elle pas obtenu, en 2002, le Prix du meilleur enregistrement orchestral pour la musique symphonique des XVIIIe et XIXe siècles ? (Award for best orchestral recording of 18th / 19th Century Orchestral Work).

L'orchestre s'est donc, pour la circonstance, considérablement étoffé et présente maintenant un effectif qui dépasse les quatre-vingt dix exécutants. C'est alors que, quatre-vingt cinq minutes durant, il va nous être donné d'entendre une de ces miraculeuses lectures de l'œuvre, comme on n'en entend pas deux dans une vie de mélomane (et l'auteur de cette chronique a déjà bien vécu). Une lecture qui, si l'on veut une comparaison, allie la puissance et la profondeur d'un Jochum à la poésie d'un Giulini des grandes occasions, mais dans des Tempi ici idéaux et avec des sonorités orchestrales absolument somptueuses ! (Mais soulignons encore, au passage, les exceptionnelles qualités acoustiques de l'Auditorium de Dijon ; particulièrement dans les répertoires symphoniques). Ne soyons cependant pas naïfs : l'acoustique n'explique pas tout ; et l'on ne sait ce qu'il faut louer le plus, de ces parfaits musiciens, de leur chef sidérant de maîtrise, d'inspiration et…de mémoire (de partition : point ; et tous les départs seront infailliblement donnés !), ou de…la partition du compositeur, justement, tellement riche d'idées, de trouvailles : du germe minuscule (sous forme de trémolos de cordes, par exemple) d'où naissent de merveilleux ensembles, ces cascades perlées de Harpes sur les tenues en accord descendants des cordes (crépusculaire Adagio), ces déchirantes fanfares de cuivres qui, plus d'une fois, nous rappellent l'homme de Bayreuth, cette grandiose attaque du Finale et son développement quasi « parsifalien » , laissant la place à un étonnant fugato aux cordes avant l'imposante coda. Cette œuvre magistrale conjugue grandeur, spiritualité et émotion. Trois « points » infiniment présents dans cette (que l'on n'y voie pas un vain mot) sublime interprétation. Et pour ce qui est de l'émotion, oui, on aura vu des larmes parmi l'auditoire ou entendu l'aveu, après le concert, qu'ici ou là, eh bien…on avait pleuré ; de bonheur, bien sûr, d'un pur bonheur musical.

Ovation prolongée et amplement méritée pour le R.S.O. de Sarrebrück et .

Pour qui voudrait se faire une idée plus « concrète » de ce concert : il a été enregistré par Radio France et promis à la rediffusion ; mais nous n'en connaissons pas encore la date…

Crédit photographique : (c) DR

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Dijon. Auditorium. 10-X-2004. W.A. Mozart (1756-1791) : Symphonie en Ut M N° 34 KV 338. Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie N° 8 en Ut m (version 1890, Edition Haas). Deutsche Radio Philharmonie Saarbrücken Kaiserslautern ; direction : Stanislaw Skrowaczewski.

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