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Nantes. Théâtre Graslin. 06-X-2004. Suzanne Giraud. Opéra Le vase de parfums, création mondiale. Livret et mise en scène Olivier Py. Décors et costumes Pierre-André Weitz. Avec Sandrine Sutter/ Marie (Madeleine) ; Jean-Paul Bonnevalle/ l’Ange et l’esprit ; Sébastien Lagrave/ l’Homme du siècle et l’Esprit ; Mary de Saint Palais/ la Mourante ; Stephan Imboden/ le Mendiant et l’esprit. Chanteurs de l’Ensemble Vocal A Sei Voci, direction Bernard Fabre Garrus. Ensemble Orchestral Contemporain, direction Daniel Kawka.
Mené de front avec une série d'autres opus depuis presque quatre ans, Le Vase de parfums, opéra en douze scènes et un prologue de Suzanne Giraud sur un livret d'Olivier Py vient d'être donné en création mondiale, ce mercredi 6 octobre, sur la scène lyrique du théâtre Graslin de Nantes.
Fruit d'une rencontre entre deux artistes nourris tous deux de spiritualité chrétienne, l'œuvre, centrée sur le personnage de Marie Madeleine, la prostituée qui baigna les pieds endoloris du Christ, est une méditation poétique sur le sens de l'existence humaine lorsque tout espoir semble avoir disparu de la surface de la terre. Le Vase de parfums, deuxième ouvrage lyrique de la compositrice, est une relecture de la nuit du Vendredi saint, « celle-là même après la mort du Christ, ou bien l'une de ces nuits du siècle où la foi n'est plus ». Aux côtés de Marie Madeleine que les évangiles apocryphes ont appelé le treizième apôtre, plusieurs figures, plus que des personnages : sa sœur Marthe, « la Mourante », l'Homme du siècle, aveugle à toute forme d'amour divin et chargé de montrer la misère du monde – celle du mendiant qui ne sait que chanter sa misère –, l'Ange, « chef d'orchestre, qui veille sur la mesure, afin que l'homme ne soit pas éprouvé au-delà de l'humain » et l'Esprit, incarné tour à tour par plusieurs de ces figures et qui dialogue avec Marie. C'est de cette chambre où l'agonie parle que la foi de Marie est mise à l'épreuve et que s'affrontent l'Homme du siècle et la Femme libre à qui il appartient « d'éteindre ou de proclamer la Lumière ». Lumière tout à la fois faite d'amour, de beauté, du pouvoir ou de l'impuissance des mots, de musique et de silence, se fondant en une étrange et inquiétante incandescence.
Pour son premier livret d'opéra – paru aux éditions Actes Sud-Papiers – dont il signe également la mise en scène, Olivier Py donne libre cours à une sorte de délire maîtrisé, lyrique et peut-être un peu bavard, renouant, comme il le reconnaît lui-même, avec des thèmes/ obsessions récurrents : lit, servante, croix tracée sur le mur, épée, leitmotive plastiques et rébus mystiques plantant ici un décor minimal aux dominantes de rouge et de noir.
Hissés au plus haut sur des échelles lumineuses, les vingt musiciens de l'Ensemble Orchestral Contemporain contemplent scène et salle depuis leurs escaliers géants figurant l'auditorium des hauteurs d'où s'élève « le concert des Anges » – que Suzanne Giraud dit collectionner depuis très longtemps- et qu'il était important de faire voir. C'est d'ailleurs au cœur du public, disséminés par couples, que ces mêmes instrumentistes fond résonner l'Intrada, sorte de fanfare d'ouverture comme on la pratiquait à la cour de Mantoue. Rappelons que c'est au modèle monteverdien que se réfère Suzanne Giraud ainsi qu'aux représentations purement plastiques des grandes fresques bibliques du Seicento italien.
Côté jardin, en phase directe avec le plateau, Daniel Kawka dirige l'ensemble avec une sobriété et une précision de geste qui viennent parfaire cette belle ordonnance. Opéra pour la voix comme il l'est chez Monteverdi dès le Couronnement de Poppée, Le Vase de Parfums met le chant au premier plan, n'accordant que très peu de répit à La Femme du siècle qui va tenir la scène durant les quelques 90 minutes de l'ouvrage. Saluons d'entrée la prestation remarquable de la mezzo Sandrine Sutter dont les qualités de comédienne et de chanteuse vont servir sans faillir l'exaltation tendue, la force revendicatrice et la conviction inaltérable du personnage de Marie. Imprégnée de l'esprit du « recitar cantando » monteverdien, l'écriture vocale chez Suzanne Giraud s'inscrit souplement dans une ligne fluide collant au plus près de la vérité dramatique sans exclure les détours ornementaux qui laissent subitement s'épanouir la phrase en une efflorescence vocalistique du plus bel effet.
Sébastien Lagrave/ l'Homme du siècle exploite à bon escient l'éclat parfois violent de son timbre de ténor pour se faire l'avocat du diable tandis que Stephan Imboden/ le Mendiant roucoule les miasmes d'une misère professionnelle presque aussi réussie que celle des gueux de Notre-Dame de Paris. Pour l'Ange, la voix de contre-ténor de Jean-Paul Bonnevalle n'a pas toujours la fluidité requise, abordant certains registres un peu tendus qui parfois dénaturent la couleur recherchée. Quant à Mary Saint-Palais(soprano), elle donne au personnage de la Mourante une dimension à la fois mystique et fantomatique dont les stigmates, par contraste, ravivent l'élan vital de Marie.
L'orchestre, qu'on aimerait parfois plus présent, commente mezza-voce et prolonge en écho les interventions de la voix, inscrit la dramaturgie dans le décor chatoyant et subtil d'une polyphonie microtonale soulignant les ruptures de ton, soutenant les échappées mystiques et donnant à entendre une lisibilité parfaite des trajectoires sonores. Le rôle parfois trop discret que lui réserve Suzanne Giraud tout au long de l'ouvrage nous prive cependant d'une entrée plus en profondeur dans des textures finement ciselées dont on aimerait davantage goûter les saveurs…et les parfums : comme lors de cet étonnant instant où, répondant à l'appel de l'Esprit, les instrumentistes se mettent à chanter, tissant un voile léger de résonances « qui parfume le silence » : une musique toute de flamme et d'éloquence, traversée par cette vibration spirituelle que nous communique la profondeur d'un tel livret.
Crédit photographique : © Vincent Jacques
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Nantes. Théâtre Graslin. 06-X-2004. Suzanne Giraud. Opéra Le vase de parfums, création mondiale. Livret et mise en scène Olivier Py. Décors et costumes Pierre-André Weitz. Avec Sandrine Sutter/ Marie (Madeleine) ; Jean-Paul Bonnevalle/ l’Ange et l’esprit ; Sébastien Lagrave/ l’Homme du siècle et l’Esprit ; Mary de Saint Palais/ la Mourante ; Stephan Imboden/ le Mendiant et l’esprit. Chanteurs de l’Ensemble Vocal A Sei Voci, direction Bernard Fabre Garrus. Ensemble Orchestral Contemporain, direction Daniel Kawka.