Aller + loin, Histoire de la Musique

Voir le jazz, avec… l’œil !!

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Il faut se convaincre, si ce n’est déjà fait, qu’en matière de musique, l’œil est l’allié majeur de l’oreille. On trouvera certes des exceptions : la musique d’orgue évidemment. Ou la musique acousmatique, la bien nommée, qui a détournée en son temps trop de mélomanes des musiques contemporaines (constat n’est pas jugement). Peut-être parce qu’il n’y avait rien à VOIR ?

 

Il faut se convaincre, si ce n’est déjà fait, qu’en matière de musique, l’œil est l’allié majeur de l’oreille. On trouvera certes des exceptions : la musique d’orgue évidemment. Ou la musique acousmatique, la bien nommée, qui a détournée en son temps trop de mélomanes des musiques contemporaines (constat n’est pas jugement). Peut-être parce qu’il n’y avait rien à VOIR ?

Le geste producteur du son est fascinant. Même au piano, l’un des quelques instruments dont la production sonore est indirecte (le geste musical du pianiste ne fait pas vibrer la corde, mais enclenche un mécanisme de hautes précision et sensibilité, qui la fera vibrer). L’étagement, l’enchaînement, la progression des plans sonores est plus facile à entendre quand on voit – ou quand on a appris à visualiser – les musiciens d’un petit ou grand ensemble se passer la main, se croiser, s’échapper et se laisser rattraper, échanger,… Le tout dans un cadre très strict, éblouissant de contrôle, d’intelligence, de maîtrise, d’astuce, d’architecture (à ce stade de notre réflexion, les chefs des ventes rendent leurs tabliers… ; bien, nous pouvons continuer donc à parler musique).

Avec cette approche visuelle de la musique en scène, proposons une clef d’écoute du jazz, dans sa dimension d’exercice risqué, équilibriste, parfois aléatoire, chercheur parfois en vain : gloire et vicissitudes de l’improvisation, totale ou contrôlée…

Il s’agit d’imaginer une table, ornée d’une belle nappe colorée, de motifs plus ou moins géométriques. Le jeu de nos musiciens consisterait à poser soigneusement sur cette nappe des formes, des couleurs, en rapport avec les motifs originaux, mais sans les imiter servilement : décalages, chevauchements, associations, complémentarités, juxtapositions,… Et on empile les couches, équilibres et déséquilibres savants, vides contrôlés, certaines pièces sont plus épaisses que d’autres. L’air circule dans la construction, la pression varie, on en explore les cheminements possibles. Avant l’écroulement fatal, le plus tard possible, on jette délibérément tout à bas, pour pouvoir recommencer. Enrichi de l’expérience d’avoir constaté (ou non !) que les pièces éparpillées de façon aléatoire sur le sol produisent une nouvelle… beauté ? Parce que peut-être, on trouvera aussi sous la table un lien intellectuel, esthétique, technique, poétique, avec ce qui avait été construit sur la table. Sinon, tant pis, on balaie le tout, on le jette en vrac dans un sac pour la prochaine fois, on se remet à table pour ré-exposer le thème (lisser la nappe), et clore le set (plier la nappe) !

Cette imagerie d’un moment de jazz est de « création » toute personnelle. C’est pourquoi j’ai ressenti un choc à Martigny (Fondation Gianadda, Suisse) en septembre dernier, en découvrant Le Chemin de la Citadelle de Paul Klee (coll. Phillips, le tableau est désormais et définitivement exposé à Washington…). Mon âme de jazzeux y a vu une résonance – de hasard, je n’ai pas l’outrecuidance de prétendre « cousiner » avec Paul Klee ! –. Résonance appuyée de ces flèches (regardez attentivement la reproduction ci-dessus) que les musiciens vous révèleront peut-être, ou l’ami qui vous accompagne au concert ce jour-là… (longue conversation d’après concert en perspective).

Quelqu’ai été son projet pour ce tableau – c’est un autre sujet, que nous ne développerons pas ici –, rappelons-nous, troublés, que Klee était imprégné de musique…

Dans l’idée de la nappe colorée, quelques pistes d’écoutes (liste de circonstance, subjective et incomplète, forcément incomplète) :

 

  • Köln Concert, ou Facing you / Keith Jarrett (la forme générale de l’édifice est longue à apparaître, mais d’autant plus belle ?).

 

 

  • Tout ou presque John Coltrane (il y a un avant JC et un après JC…). Attention : il y a « plusieurs » John Coltrane…

 

 

  • Kühn-Humair-JennyClarke : trio sans leader, fusionnel.

 

 

  • Ahmad Jamal Trio : trio avec leader (en concert : la force du regard….).

 

 

  • Les Correspondances / Christophe Marguet Trio + Bertrand Denzler , un sax ténor s’invite contre, « tout contre… », un trio déjà établi.

 

 

  • Visit / The Recyclers : tout s’est écroulé, et pourtant, sous la table…

 

 

  • Resistance is futile / Steve Coleman Five Elements : architecture difficile à visiter, mais lumineuse sur scène.

 

 

  • N’importe quel Louis Sclavis (tous les Sclavis, à condition de ne pas commencer par « Les Violences de Rameau », pour mieux en saisir ensuite l’univers !)

 

 

  • Et une nouveauté : Jungle Magic / Craig Taborn (peut-être enfin LA voie vers la maîtrise des programmations électroniques, seul instrument créé au XXème siècle – avec les steel-drums !)

 

Et tout ceux dont l’oubli ici choquera (Albert Ayler ? lui montait sur la table…) et tout ceux que vous nous ferez découvrir (Se rappelant que le projet n’est pas celui d’une « discothèque idéale », juste une illustration de la nappe colorée !).

Crédit photographique : (c) DR

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Il faut se convaincre, si ce n’est déjà fait, qu’en matière de musique, l’œil est l’allié majeur de l’oreille. On trouvera certes des exceptions : la musique d’orgue évidemment. Ou la musique acousmatique, la bien nommée, qui a détournée en son temps trop de mélomanes des musiques contemporaines (constat n’est pas jugement). Peut-être parce qu’il n’y avait rien à VOIR ?

 

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