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Vincent Dumestre et le Poème Harmonique au Festival de Beaune

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Beaune. Collégiale-Basilique Notre-Dame. 09-VII-2004. Andrea Falconieri (début XVIIe) : Battaglia ; Heinrich Albert (1604-1651) : Wie ist der Mensch ; O wie mögen wir unser Leben ; Der Herren Güte ; Ich armer Madensack ; Raffet auch der Todt. Jacobus Gallus (vers 1550-1591) : Mirabile Mysterium ; Heroes, pugnate !. Samuel Scheidt (1587-1654) : Sarabanda e Ciaccona ; Luigi Rossi (1597 ?-1653) : Déploration sur la mort du roi de Suède. Daniel Speer (1636-1707) : Kosaken Ballet ; Guillaume Bouzignac (1587 ?-1643 ?) : In Pace in idipsum. Ensemble « Le Poème Harmonique » Voix : Claire Lefilliâtre, dessus ; Bruno Le Levreur, haute-contre ; Robert Getchell, ténor ; Armand Marzorati, baryton ; Philippe Roche, basse. Instrumental : Kaori Uermura, Sylvia Abramowicz, dessus de viole ; Basse de viole : Isabelle Saint-Yves ; Cornet : Eva Godart ; Sacqueboutes : Stefan Legée, Franck Poitrineau ; Percussions : Sandy Lhaïc ; clavecin et orgue :François Saint-Yves ; Théorbe et Direction : Vincent Dumestre.

poeme_harmonique-362x290Le Festival de Beaune, traditionnellement « de musique ancienne », est devenu, cette année : Festival International d'Opéra Baroque, tout en ménageant cependant quelques concerts (dont celui qui nous occupe), affranchis de tout contexte opératique et donc de toute contrainte scénique.

et son Poème Harmonique ne laissent pas de surprendre et de séduire. Depuis le fameux Belli, Il nuovo Stile de 99 et les Lamentations de Cavalieri (2002), deux enregistrements ALPHA, les succès, tant au disque qu'en concert, ne se comptent plus. Et ce n'est que justice pour ce musicien discret, original (dans ses recherches et ses choix) et raffiné, qui a su s'entourer d'une équipe performante dont le travail, remarquablement soigné et abouti (tant vocal qu'instrumental) touche souvent à la perfection. C'est donc avec un fort sentiment de sympathie, mêlé de curiosité, que se presse, ce vendredi 9 juillet en la basilique Notre-Dame, un auditoire nombreux, tout acquis à la cause de la musique ancienne et particulièrement à celle de ces interprètes attendus comme une promesse de bonheur… . Autant le dire tout de suite, l'attente ne fut pas déçue.

Le thème choisi, celui de musiques – essentiellement allemandes – au temps de la guerre de Trente ans (1618-1648) nous entraîne dans un univers qu'on imagine, picturalement, bien plus proche du Jacques Callot des Misères de la Guerre que du Rambrandt de La Ronde Nuit. Et à cet effet, les textes d'Heinrich Albert (1604-0651), compositeur et poète sont assez significatifs. Ainsi, après une Bataille – aux instrumentsd' (le genre, depuis Janequin et G. Gabrieli, est alors à la mode), pièce haute en couleurs, qui a le mérite de faire « donner » l'ensemble de l'instrumentarium du Poème Harmonique, nous entrons dans le vif du sujet. La pièce « Wie ist der Mensch so bethört », sensiblement plus grave nous plonge au cœur du problème, sa traduction française disant en substance : Ici-bas, soucis, répugnance et misère / Persécution, haine et lamentations / sont notre pain quotidien / et tant d'autres tourments encore. De la même veine sont les autres airs proposés ici, mettant l'accent sur le renoncement forcé aux plaisirs de la vie terrestre et, la menace pressante de la mort aidant, sur la préparation à la vie éternelle : Ich will verlassen / alle Welt, und ihre lüste lassen…/…Da ich meinen Sünden Rath gefunden / Dein Kreuz und Leiden / Führt mich zum Wahren Himmelsfrieden (je veux quitter ce monde et haïr ses plaisirs… Ta croix et Ta souffrance me guident vers les vraies joies célestes). La guerre, avec son lot de souffrances et de désolation, c'est avant tout, comme chacun le sait, l'affaire du soldat. Et celui de la guerre de Trente ans, bien évoqué dans le roman picaresque de Hans Jakob von Grimmelhausen, Les Aventures de Simplicius Simplicissimus, a laissé un persistant souvenir de terreur. Le compositeur Daniel Speer, dans ce « Ballet Cosaque » propose comme un écho à Grimmelhausen en exaltant, sur le mode burlesque, les vertus du « bon soldat » (Avis aux recruteurs), avec force onomatopées imitant le roulement du tambour et d'où il ressort que rêveurs et artistes font naturellement les plus mauvais (soldats)… . Ici se distingue le baryton Armand Marzorati, voix ample et parfait de diction, dont les mimiques expressives et le réel talent de comédien confèrent au personnage une vérité saisissante. De même, le « Heroes, pugnate ! » de Jacobus (Jacob Handl), dont on ne connaît, le plus souvent que le célèbre motet : Ecce quomodo moritur Iustus (voici comment meurt le Juste), incite le chœur d'hommes, dans cette Bataille vocale, à « courir à l'ennemi, avec des lances, avec des glaives, afin de le terrasser et le massacrer ».

Contrastant avec tant de bruit et de fureur, la cantate de (longue plainte de la reine, épouse de Gustave II de Suède, tué au combat en 1632), confiée ici à l'émouvante , superbe de justesse (tant vocale que stylistique) nous prépare à l'admirable pièce de Bouzignac In Pace in Idipsum, opportune aspiration à la paix et bienfaisante douceur dans ce « monde de brutes » et dont l'ineffable sérénité et les délicieuses harmonies nous ravissent l'âme… Oui, madame, « c'est beau ! » … beau à pleurer.

nous offrira en bis un canon de Daniel Speer, de conception didactique, initialement destiné à ses élèves, dont le titre peut se traduire par « Comme nous sommes misérables sur cette pauvre terre ! », faisant intervenir voix et instruments, en imitation ; là encore, une pièce de toute beauté. La répartition (vocal accompagné, vocal a cappella et instrumental) de ce programme nous paraît judicieuse et évite toute monotonie. Des prestations purement instrumentales, nous retiendrons particulièrement la Sarabanda e Ciaccona de (1587-1654) : une pièce représentative des qualités d'éminent contrapuntiste que fut ce musicien, se posant comme l'un des ponts qui peuvent rattacher les œuvres de Sweelink, son maître, à celles de J.S. Bach. Quant aux qualités des interprètes, nous les avons déjà évoquées, elles s'imposent d'évidence. Et tous sont à louer pour leur maîtrise technique, leur sens aigu du phrasé et de la nuance. Et pour ce qui est du quintette vocal, il fait plus que satisfaire dans ce répertoire : il est excellence.

Pas une seconde, au cours de ce concert, l'oreille n'achoppe sur quelque faute de goût, de justesse ou de cohésion. (à la direction si discrète !) et ont, une fois de plus, comblé leur auditoire au-delà des attentes. Grâces leur soient rendues.

credit photographique : (c) Robin Davies

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Beaune. Collégiale-Basilique Notre-Dame. 09-VII-2004. Andrea Falconieri (début XVIIe) : Battaglia ; Heinrich Albert (1604-1651) : Wie ist der Mensch ; O wie mögen wir unser Leben ; Der Herren Güte ; Ich armer Madensack ; Raffet auch der Todt. Jacobus Gallus (vers 1550-1591) : Mirabile Mysterium ; Heroes, pugnate !. Samuel Scheidt (1587-1654) : Sarabanda e Ciaccona ; Luigi Rossi (1597 ?-1653) : Déploration sur la mort du roi de Suède. Daniel Speer (1636-1707) : Kosaken Ballet ; Guillaume Bouzignac (1587 ?-1643 ?) : In Pace in idipsum. Ensemble « Le Poème Harmonique » Voix : Claire Lefilliâtre, dessus ; Bruno Le Levreur, haute-contre ; Robert Getchell, ténor ; Armand Marzorati, baryton ; Philippe Roche, basse. Instrumental : Kaori Uermura, Sylvia Abramowicz, dessus de viole ; Basse de viole : Isabelle Saint-Yves ; Cornet : Eva Godart ; Sacqueboutes : Stefan Legée, Franck Poitrineau ; Percussions : Sandy Lhaïc ; clavecin et orgue :François Saint-Yves ; Théorbe et Direction : Vincent Dumestre.

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