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Bruckner, la Troisième Symphonie ou l’éternel débat

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Anton Bruckner. Troisième Symphonie(première version). Direction: Kent Nagano. Deutsches Symphonie-Orchester Berlin. Harmonia Mundi, Durée : 68’42’’. 2004

 
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Bruckner, La Troisième Symphonie ou l'éternel débatDès qu'il est question des symphonies de Bruckner, un bref historique sur les éditions s'impose. C'est un fait connu que plusieurs de ses symphonies ont subi toutes sortes de révisions donnant lieu, par là-même, à plusieurs versions pour la même œuvre. Nous pouvons en isoler trois cas.

En premier lieu, les révisions faites à l'initiative du compositeur lui-même, comme par exemple pour la Huitième Symphonie. En étant dans ce cas précis, face à deux versions que nous pouvons appeler « authentiques ». En second, les révisions effectuées sous la pression plus ou moins insistante d'amis ou d'élèves, comme pour une des versions de la Troisième (nous y reviendrons). En dernier, les versions faites, tout simplement, sans le consentement de l'auteur. Pour exemple : La «version» tronquée de la Cinquième Symphonie due aux frères Schalk où la réorchestration de la Neuvième due à Löwe en sont les témoignages les plus scandaleux. Ces versions, qui furent utilisées pendant de longues années, en créant la confusion dans les textes, ont fini par dénaturer la pensée d'. Des travaux remarquables entrepris par Robert Haas et continués par Leopold Nowak, ont réaffirmé des partitions les plus fidèles possibles à la pensée du compositeur, et ont peu à peu remis de l'ordre dans ce véritable chaos.

De nos jours — et nous ne pouvons que nous en féliciter — ces éditions «arrangées» ne sont plus de mise. Cela dit, les chefs d'orchestre ont encore des choix à faire : pour la Première, version Linz ou version Vienne, et pour la Huitième, version Haas ou version Nowak ? De plus le choix est plus problématique en ce qui concerne la Troisième.

Bruckner entama la composition de sa Troisième Symphonie en fin d'année 1872 et l'acheva l'année suivante. En septembre 1873, le compositeur profita d'une visite rendue à Wagner dans la villa Wahnfried pour lui présenté celle en cours ainsi que la précédente. Le désir le plus cher de Bruckner était que l'homme de Bayreuth acceptât la dédicace de cette Troisième Symphonie. Ce que le maître fit, mais en priant Anton de supprimer les nombreuses citations de ses opéras que Bruckner avait incluses dans la partition. Ce fut fait dès l'année suivante, ne laissant que la citation du « Sommeil de Brünnhilde ». En 1876, et pendant un an, Bruckner fera une révision complète de sa symphonie, la raccourcissant considérablement (elle passera de 68' à 57' environ).

Entre 1888 et 1889, Bruckner fera une nouvelle rédaction de sa symphonie ( quatrième rédaction!). Cette dernière version, même si c'est la plus jouée de nos jours, pose plus de problèmes qu'elle n'en résout. Tout d'abord, cette modification coïncide avec la révision que Bruckner avait entrepris de sa Huitième Symphonie. Son langage musical avait considérablement évolué, ne pouvant a priori ne pas influencer les correctifs en cours de la Troisième. Par ailleurs, et c'est un fait certain, pour cette nouvelle écriture Bruckner céda aux demandes des frères Schalk qui réussirent à imposer des modifications et même des coupures. Nous ne pouvons donc pas être certains de ce que Bruckner avait personnellement l'intention de faire comme changements dans cette dernière correction.

Le présent enregistrement est intéressant à plusieurs titres. En présentant la première rédaction de l'œuvre, il relance le débat en ce qui concerne la version à choisir et permet à tous les « brucknériens » de s'immerger dans les prémices de cette œuvre. D'autre part, il nous fait découvrir les premiers pas d'un chef dans l'univers — ô combien complexe ! — des Symphonies de Bruckner. Les qualités de l'interprétation de l'emportent sur les quelques réserves que nous pouvons faire ici où là dans chacun des mouvements. La première qualité de cet enregistrement est la beauté et la rondeur de la sonorité de l'orchestre, qui est en fait une des caractéristiques du style de ce chef. Il a su en outre trouver le tempo approprié pour chaque mouvement et a réussi à offrir, à quelques exceptions près, ce souffle si inhérent à la musique de Bruckner. Ceci est spécialement perceptible dans les moments culminants des premiers et deuxièmes mouvements. Tous les connaisseurs de l'œuvre du grand compositeur savent que maintenir le souffle est une des plus grandes difficultés de cette musique. Nous ne boudons pas pour autant le plaisir que nous donne ce disque, qui est un des plus intéressants de tous ceux consacrés dernièrement à un des plus grands symphonistes, et nous ne pouvons qu'émettre le souhait que persévère dans la voie qu'il a entrepris.

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