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Haydn-Scherchen, une rencontre nécessaire

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Joseph Haydn. Symphonies « Londoniennes » (93 à 104). Symphonies : « Funèbre » (44), « Les Adieux » (45). « La Passione » (49), « Schulmeister » (55), 80, 88 et « Oxford » (92). Orchestre de l’Opéra d’Etat de Vienne. Orchestre Symphonique de Vienne. Direction : Hermann Scherchen. Coffret de 6 CD (DGG). Durée : 6 h 45’.

 
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Haydn-Scherchen, une rencontre nécessaireN'ayons pas peur des mots. La parution en CD de 19 symphonies de , enregistrées par dans les années 50 pour le label Westminster, est un véritable événement discographique et musical.

(1891-1966), qui fut aussi pédagogue et compositeur, est sans conteste un des plus grands chefs d'orchestre de tous les temps. L'étendue de son répertoire, qui ne peut que laisser admiratif, va de Geminiani et Vivaldi à ses contemporains comme Schöenberg en passant par Jean-Sébastien Bach (dont les interprétations restent un modèle), ainsi que Beethoven ou Rimsky-Korsakov. S'il ne fallait donner qu'une seule caractéristique de l'art d', ce serait la clarté de ses lectures, caractéristique qui s'affirme aussi bien dans ses lectures de Bach (horizontales) que de Haydn (verticales).

La conception que Scherchen a de la musique de Haydn ne peut que frapper tant il a su en dégager la grandeur insoupçonnée et lui donner un souffle extraordinaire. Son interprétation des œuvres du protégé des Esterházy résonne comme un coup de tonnerre dans la discographie dudit compositeur et bat en brèche les versions étriquées tellement en vogue de nos jours. Si quelques choix faits par Scherchen, qu'il s'agisse de tempo, phrasé ou dynamique, peuvent déconcerter de prime abord, leur écoute attentive met en évidence leur logique musicale. C'est Scherchen qui est novateur et visionnaire, même si cela peut paraître paradoxal, vue la date des enregistrements.

Nous allons tout d'abord nous attarder sur les « Londoniennes », cycle de douze symphonies, même s'il serait plus juste de parler de deux cycles de six, étant donné que Haydn les a composées en deux temps. Parmi tous les chefs qui s'y sont attelés, Hermann Scherchen demeure le seul à avoir réussi à donner à chacune d'entre elles sa caractéristique propre.

Le cadre de cette chronique ne nous permet pas de nous attarder sur chacune d'elles, mais nous pouvons toutefois donner quelques éléments fondamentaux de l'interprétation de ce cycle par Scherchen.

Les Premiers Mouvements

L'Adagio introductif, auquel Haydn donnera ses lettres de noblesse, prend avec Scherchen, grâce à un tempo très lent et à l'intensité qu'il donne à chaque note, la dimension d'un mouvement en lui même. Nous retrouvons cette constante qu'il s'agisse d'un début majestueux (premières notes des symphonies 93 ou 104) ou bien d'un début plus méditatif (symphonie 102). Le génie d'un chef d'orchestre se remarque aux petits détails qui seront déterminants pour l'interprétation. La façon dont Scherchen fait débuter l'Allegro qui suit l'Adagio introductif en est un bel exemple. Le léger ritenuto sur la première note ou la première mesure de l'Allegro, avant qu'il ne prenne son envol, fait office de transition. Tout à fait nécessaire après l'imposante introduction (ex 99, 101, 102). Une remarque particulière est nécessaire pour la symphonie 95. Elle est la seule à ne pas avoir d'Adagio introductif, et c'est en donnant une grande force dramatique aux cinq premières notes que Scherchen en fait une sorte d'introduction.

Les Deuxièmes Mouvements

Les mouvements lents, au tempo très retenu, dégagent toujours une grande noblesse quelque soit leur caractère : méditatif (93), élégant (97) ou religieux (98). Tout particulièrement déroutant est le tempo du deuxième mouvement de la 93, pris deux fois plus lentement que ce que nous avons l'habitude d'entendre.

Les Menuets

Les Menuets, si souvent joués selon un schéma préétabli, prennent avec Scherchen une vie inattendue, en marquant très fort leur inspiration : paysanne (93), sombre (95) ou courtoise (98).

Les Finale

Les Finale, toujours si vivants chez Haydn, peuvent se classifier en deux sortes : concis (93 ou 97) ou plus amples (95 ou 103). Scherchen tire le plus grand parti de ces deux types de finale si différents. Dans les premiers, une articulation implacable et une force inouïe mènent la symphonie à sa conclusion. Dans le deuxième cas, le démarrage du mouvement se fait de manière plus retenue et c'est peu à peu qu'il prend son envol.

Si les « Londoniennes » forment l'essentiel de ce coffret, les sept autres symphonies qui le complètent nous permettent d'entendre l'évolution du Haydn symphoniste. Chacune comporte des pages d'une grande inspiration. Comme toujours, la « touche Scherchen » est présente : écoutez le final des « Adieux » où chaque musicien dit « Auf Wiedersehen » en prenant congé, ou encore le deuxième mouvement, si particulier, de la symphonie « Der Schulmeister ». Toutefois, s'il ne fallait qu'un seul exemple pour appréhender ce que Scherchen réalise dans ces symphonies, le doute n'est pas permis : ce serait « La Passione », une des plus sombres de Haydn. Du premier au dernier mouvement, Scherchen nous donne l'exemple de ce qu'un chef hors norme peut extraire d'une musique, si simple en apparence dans son écriture mais si riche de contenu.

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