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Ludmila Berlinskaïa, rencontre pianistique

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ResMusica:  , je suis très heureux de vous rencontrer car j'ai eu le plaisir d'assister au concert que vous avez donné le 24 mars dernier et je dois vous avouer que j'ai été très impressionné par la façon dont vous avez interprété Beethoven. Afin que le public français vous connaisse mieux, la première question que je voulais vous poser était tout simplement la suivante. Pouvez-vous, brièvement, nous présenter votre parcours ?

Charlotte DEFARGES : J'habite en France depuis 15 ans environ. Jusque là toute ma vie s'est passée à Moscou, où je suis née et où j'ai fait mes études. D'ailleurs je n'ai pas complètement quitté cette ville.

RM : Votre père, qui est violoncelliste et un des fondateurs du , vous a-t-il influencé pour l'étude du piano ?

LB : Oui, bien sûr, mais l'entourage familial aussi. Ma grande-mère paternelle était une grande contralto qui a chanté à l'Opéra. Quelque part, ma famille ne m'a pas posé la question, tout est venu naturellement. J'ai eu la chance d'être entourée par de grands musiciens. En quelque sorte, c'était un cheminement naturel.

RM : Votre concert du 24 mars était divisé en deux parties bien distinctes. Dans la première vous étiez toute seule et dans la deuxième deux partenaires vous ont rejoint pour jouer un trio. Pour vous, mener en parallèle une carrière de soliste et de chambriste est aussi important?

LB : Bien sûr. Mais je suis consciente qu'être soliste et chambriste ce n'est pas la même chose. J'ai parfois l'impression que la musique de chambre est plus difficile car il ne faut pas seulement être attentif à soi même mais aussi aux autres. Je dois avouer que la musique de chambre est venue aussi naturellement car j'ai vécu dans son atmosphère et plus particulièrement dans celle du quatuor à cordes qui est pour moi la formation idéale pour la musique.

RM : Lors de votre concert vous avez joué deux sonates de Beethoven, quels autres compositeurs sont à votre répertoire ?

LB : En ce qui concerne Beethoven, ce n'est qu'un début. Depuis longtemps j'avais envie de le jouer mais il me faisait peur. Je pensais qu'il me fallait attendre. Je crois que maintenant le moment est arrivé donc je commence les premières « touches » ! Jusqu'à maintenant j'ai beaucoup joué la musique russe surtout depuis que je suis en France, car heureusement ou malheureusement pour moi, on pensait que, étant une pianiste russe, je devais jouer de la musique russe. Cependant je pouvais choisir les compositeurs et les oeuvres à jouer. De ce fait j'ai joué Scriabine, Medtner (peu connu en France) et Tchaïkovsky. J'ai essayé d'interpréter des œuvres hors du répertoire de bon nombre de pianistes. Par exemple, à ce jour je n'ai pas joué Rachmaninoff, dont les préludes sont une merveille. J'ai par contre beaucoup joué Glinka, Balakiriev ou Anton Rubinstein. Evidemment, les goûts changent chez chacun. Parmi les compositeurs non russes, j'aime beaucoup Schumann, qui est un de mes préférés. Parmi les compositeurs français il me faut citer Ravel. Mais, comme je vous ai dit avec le temps et l'âge les goûts peuvent changer.

RM : Pour revenir à Beethoven. Envisagez-vous de jouer d'autres sonates en récital ?

LB : Oui, en octobre je ferai, à Moscou, un récital consacré à Beethoven où en plus des sonates 30 et 31, que j'ai jouées le 24 mars, il y aura la quatrième sonate et les Bagatelles.

RM : J'ai appris que vous avez joué à quatre mains avec . A ce sujet, je voulais donc vous poser une question toute simple : quel souvenir gardez vous de la rencontre avec un des monstres sacrés du piano ?

LB : C'est un grand sujet ! Pour moi c'est plus qu'une simple rencontre car j'ai vécu pendant quelques années à coté de Richter et ça c'est une chance unique et cela dès l'âge de seize ans. Donc je suis entré dans son « cercle » très jeune.

RM : Avez-vous pris des cours avec lui ?

LB : Non, il n'avait pas d'élèves ! Il n'a donc pas crée son « école » tel qu'on l'entend. Mais pour moi, beaucoup de musiciens, pianistes hors du fait d'avoir joué avec lui, sont indirectement des élèves de Richter. Je pourrais citer Natacha Gutmann, Youri Bashmet ou Oleg Kagan. Spirituellement, oui, il a crée son école. Donc comme je vous disais je n'ai jamais pris un cours avec lui mais j'ai eu la chance d'être à ses côtés lors des concerts car je tournais les pages. Lors des dernières années de sa vie, il donnait ses récitals avec partition, ce qui me permettait d'observer tous les détails. En ce qui concerne notre « quatre mains », nous avons fait quatre concerts.

RM : Avez-vous pu le voir travailler ?

LB : Pas vraiment. Quand il travaillait, et cela se comprend, il préférait être seul. Mais on se débrouillait pour entendre derrière la porte ! Bien sûr, quand il s'agissait de répéter un trio ou quintette c'était différent. En tout cas, je peux vous le dire, il travaillait énormément. Comme tous les grands artistes, il a eu des périodes difficiles pendant lesquelles il a arrêté de jouer et c'était peut-être nécessaire pour reprendre des forces. Mais quand il était en « forme » il travaillait toute la journée, nuit incluse. Il avait aussi des habitudes particulières. Par exemple, après un concert il ne recevait personne et partait tout de suite. Et cela pour reprendre le travail ! Car pour lui, et c'est quelque chose que j'ai retenue, c'était le meilleur moment pour faire d'éventuels changements.

RM : Quels autres grands musiciens avez-vous eu l'occasion de rencontrer ?

LB : Il y a eu, bien sûr, Rostropovitch. Avec lui j'ai eu aussi la chance de jouer et il m'a beaucoup appris. Même au piano ! Car il ne faut pas oublier qu'il est aussi un grand pianiste. Je ne peux pas ne pas parler de Nina Dorliac, grande cantatrice, et qui était l'épouse de Richter. J'ai travaillé le chant avec elle pendant deux ans. Mais j'ai dû abandonner le chant car je ne pouvais pas assumer le chant et le piano. Et bien sûr il y a eu le

RM : Dans le monde entier, et grâce à des Rostropovitch, Oïstrakh ou Richter l'École russe est célèbre. Parler de technique ou de son russe est logique. Je voulais vous poser la question suivante : Maintenant que les échanges sont plus faciles entre l'Occident et la Russie, est-ce que l'école russe sera influencée par d'autres écoles ou gardera-t-elle malgré tout sa « pureté »?

LB : Je pense que oui, il y aura des influences qui commencent d'ailleurs à se manifester. Les échanges sont toujours positifs. Si nous regardons l'histoire de l'école russe de piano, nous commençons par Glinka. Nous pouvons observer les influences de Field ou de Liszt, ce qui veut dire qu'à cette époque-là, la Russie a été sensible aux influences. Contrairement à la période soviétique. Nous pouvons parler aussi de Guilels ou de Richter et même de Neuhaus, son maître qui était très influencé par l'école de Liszt. Donc, il y avait déjà des mélanges.

RM : Une dernière question : quels sont vos projets à brève échéance ou à plus long terme ?

LB : Il y a déjà le concert Beethoven dont je vous ai déjà parlé et aussi un disque. Mais un des plus importants parmi mes projets est le Festival de la Roque d'Anthéron, de l'année prochaine qui sera dedié à . J'espère apporter ma modeste contribution et faire vivre les idées du maestro. C'est pour moi un projet très important !

Crédits photographiques : © Charlotte Defarges

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