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Petites histoires du violon : du son au sens

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Les organologues sont assez d’accords sur les faits suivants : le violon ou son prototype apparaît au début du XVIe siècle et est utilisé presque uniquement par les pauvres, les plus aisés jouant eux sur des instruments à cordes tels que les violes ou le luth. Cela soulève une question importante : pourquoi au début du XVIe siècle, le violon, invention su géniale autant sur le plan scientifique que musical, est si mal considéré et doit attendre un siècle pour être enfin utilisé en musique savante ? Pour accéder au dossier complet : Petites histoires du violon

 

Ferdinand de Saussure, au XIXe siècle, définit « le signe – en l’occurrence le mot – comme une entité à deux faces : la face signifiante est la suite phonique qui constitue sa réalité physique. La face signifiée, c’est à dire l’idée, est le concept que ce signifiant évoque » De nombreux chercheurs ont appliqués les théories de la linguistique aux arts en général, à la musique en l’occurrence. On parle ainsi de langage musical, de ses phrases, de ses codes (par exemple la tonalité), de sa syntaxe. (André Boucourechliev in le Langage Musical, collection « les Chemins de la Musique », Paris, Fayard, 1993).

Mais l’instrument de musique a cela de particulier qu’il est à la fois outils pour produire du signifiant (le son) et signifiant lui même. Le son est un matériau tant qu’on l’analyse en laboratoire. A partir du moment où un individu joue sur un instrument, il lui donne du sens, il produit un signifié. « L’objet-instrument de musique » évoque un son, mais il est en général suffisamment inscrit dans notre culture pour être un symbole autonome, apte à être apprécié pour lui-même (forme, aspect, analogie avec le corps humain, rôle social, prix, etc.). Il est à la fois référentiel et auto-réferentiel. Ces considérations d’ordre général sont inscrites dans notre inconscient, elles sont pré-supposées. Mais quand nous sommes appelés à faire un choix, achat, réglage fabrication), nous sommes en face d’une réalité. Cet instrument, nous pouvons le voir, le toucher, l’essayer. Nous n’agissons pas dans l’absolu, mais dans le relatif. Nous instaurons des comparaisons d’une part avec les autres instruments soumis à notre appréciation, mais aussi, et particulièrement pour le violon, par rapport à une référence très encrée dans notre culture classique, en l’occurrence le violon italien ancien. Or Stradivarius est perçu par beaucoup de gens plus comme une marque, un concept, que comme l’individu qui a fabriqué ces instruments. Il s’agit d’un phénomène qui tient autant du mythe que du marketing et ce depuis deux siècles.

Néanmoins, un phénomène nouveau apparaît depuis quelques années. Le mythe est plus que jamais d’actualité en ce qui concerne les instruments de prix. Mais il tend à s’effriter pour les instruments d’étude, c’est à dire la majorité. L’arrivé sur le marché de violons asiatiques de très bonne qualité/prix, est en train de remettre en question notre référence, à savoir, un instrument occidental ancien et d’autant meilleur qu’il est cher. Ce peut-être en soi une bonne chose que le violon soit plus accessible financièrement et que nous soyons plus objectifs dans notre appréciation de l’objet du son. Mais le risque est que perdant son schéma signifiant/signifié référent traditionnel, le violon ne devienne qu’un produit de consommation. Facile à acheter, il n’en restera pas moins difficile à jouer. A chacun alors de lui donner un sens, un signifié.

Sources Alice au pays du langage : pour comprendre la linguistique, Marina Yaguello.

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Les organologues sont assez d’accords sur les faits suivants : le violon ou son prototype apparaît au début du XVIe siècle et est utilisé presque uniquement par les pauvres, les plus aisés jouant eux sur des instruments à cordes tels que les violes ou le luth. Cela soulève une question importante : pourquoi au début du XVIe siècle, le violon, invention su géniale autant sur le plan scientifique que musical, est si mal considéré et doit attendre un siècle pour être enfin utilisé en musique savante ? Pour accéder au dossier complet : Petites histoires du violon

 
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