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Une Manon sans ses Sources

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Paris. Opéra de Paris-Bastille. 20-VI-2004. Jules Massenet : Manon. Alexia Cousin (Manon), Roberto Alagna (Le Chevalier des Grieux), Franck Ferrari (Lescaut), Alain Vernhes (Le Comte des Grieux), Michel Sénéchal (Guillot de Morfontaine). Chœurs et Orchestre de l’Opéra de Paris, Gary Bertini (direction). Gilbert Deflo (mise en scène).

L'Opéra de Paris vient de reprendre sur sa scène bastillane la belle production de Manon de Massenet signée sous la direction du chef israélien .

Créé en 1997, cette mise en scène fonctionne très bien et rapidement grâce à un système de plateau tournant. Les costumes du XVIIIe siècle de William Orlandi sont de tout premier ordre et c'est un enchantement de voir un opéra-comique français traité dans le style pour lequel il a été composé. La distribution qui, jusqu'à maintenant, comportait dans le rôle-titre les sopranos Renée Fleming et Ruth Ann Swenson et comme Chevalier des Grieux les ténors Richard Leech, puis Marcelo Álvarez, a radicalement changé avec la première Manon d' et le Chevalier de (le ténor mexicain Rolando Villazon — coqueluche du moment — y a même fait une apparition très acclamée comme remplaçant le temps d'une représentation).

Il est dommage que pour un retour tant prometteur pour sa distribution le spectacle soit repris sans que la direction d'acteur n'ait été soignée car nous avons l'impression qu'en dehors d'une sérieuse mise en place des utilités, les titulaires des rôles principaux sont livrés à eux-mêmes sur le vaste plateau. Cela donne au pire une liberté totale et débridée pour Manon, une attitude figée, quasiment « la main sur le cœur » pour des Grieux et pour le meilleur l'expression d'une grande et ancienne expérience du rôle pour l'impayable Guillot de Morfontaine de , exemple de diction et de style. Triste aussi d'en avoir confié la direction à , chef régulièrement invité à l'Opéra et qui y laisse de grands souvenirs dans les productions mémorables de Billy Budd de Britten en 1996 et 2001 et de La Guerre et la Paix de Prokofiev en 2000. Il n'y est pas dans son élément et dirige à un niveau sonore beaucoup trop élevé, de façon plate et sans style.

dont on connaissait l'interprétation par l'enregistrement réalisé en 1999 à Bruxelles par EMI Classics n'aura pas, sur certains plans, déçu les attentes. Magnifique de style, de diction, de phrasé, d'élégance, le ténor franco-sicilien laisse néanmoins, comme dans tout ce qu'il a chanté sur cette vaste scène, le sentiment que son format vocal est un peu insuffisant pour ce théâtre. Si les deux premiers actes conviennent d'écriture parfaitement à son style vocal, on avoue ne pas avoir été totalement convaincu par ses couplets à Saint-Sulpice, dans lesquels il n'a pas la même rigueur de chant. C'est cependant un interprète qui laissera son nom dans l'histoire de l'interprétation de ce rôle complexe. Même sentiment d'insatisfaction pour la Manon d'. Mais dans l'autre sens : ce soprano aux moyens considérables avec un physique idéal pour Manon, a alterné des moments de pure beauté quand elle a daigné chanter piano ou dans le morceau de bravoure qu'est son air d'entrée au Cours-la-Reine. Mais pour ces rares moments, quel chant déplacé quand elle donne à la pauvre Manon — qui n'en demande pas tant — tout le volume de sa voix, au détriment de la justesse et il faut bien le dire des tympans des spectateurs ! Tout au contraire, une interprète à oublier, dans l'état actuel de son interprétation. On ajoutera quelques louanges pour le Lescaut de qui est passé du plus pale rôle de Bretigny à ce personnage parfaitement abject à qui, il donne, toute la noirceur de son timbre. Les chœurs de l'Opéra préparés par Peter Burian étaient aussi un des atouts de ce spectacle.

Crédit photographique : © Eric Mahoudeau

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Paris. Opéra de Paris-Bastille. 20-VI-2004. Jules Massenet : Manon. Alexia Cousin (Manon), Roberto Alagna (Le Chevalier des Grieux), Franck Ferrari (Lescaut), Alain Vernhes (Le Comte des Grieux), Michel Sénéchal (Guillot de Morfontaine). Chœurs et Orchestre de l’Opéra de Paris, Gary Bertini (direction). Gilbert Deflo (mise en scène).

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