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Tannhäuser (version de Paris, 1861) au Châtelet

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Paris. Théâtre du Châtelet. 7-IV-2004. Richard Wagner : Tannhäuser (version de Paris, 1861). Petra Maria Schnitzer (Elisabeth), Ildiko Komlosi (Venus), Peter Seiffert (Tannhäuser), Ludovic Tézier (Wolfram von Eschenbach), Franz-Josef Selig (Hermann). Chœurs et Orchestre Philharmonique de Radio France, Myung-Whun Chung (direction). Andreas Homoki (mise en scène).

C'est à un étrange remaniement de l'esprit de Tannhäuser de que le Châtelet invitait les spectateurs dans cette nouvelle production signée Andreas Homoki pour la mise en scène.

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Le travail de cet allemand sur La Femme sans Ombre de avait eu en 1992 à Genève puis au Châtelet la saison suivante, un certain retentissement. S'agissant d'une fable, un certain degré d'abstraction dans la présentation simplifiait et facilitait la lecture de cet opéra touffu. Il n'en est pas de même avec Tannhäuser qui puise son inspiration dans plusieurs légendes médiévales allemandes et à qui il n'est pas convaincant d'essayer de faire dire autre chose que ce que Wagner a longuement élaboré au cours de plusieurs versions successives, de 1845 (version de Dresde) à 1875 (version de Vienne) en passant par cette version de Paris qui fut si controversée à sa création à l'Académie Impériale de Musique en 1861. Partant du postulat qu'il ne s'agit pas d'un problème d'affrontement entre amour courtois et amour érotique, entre paganisme et chrétienté, mais d'un conflit entre l'artiste et le monde extérieur, il prive l'opéra de son « enrobage historique » le situant à notre époque dans une esthétique ascétique et des costumes (de Wolfgang Gussmann) qui alternent entre les tenues de soirée habillée et la friperie de marché aux puces la plus disgracieuse. Ceci n'est pas sans importance, car plus rien ne permet alors de distinguer les chevaliers du Landgraf ni même les chevaliers entre eux et explique certainement le fait qu'un chanteur comme dans le rôle de Wolfram que l'on a vu il y a trois ans au Capitole de Toulouse, perde toute stature dans le même rôle sur la scène du Châtelet. Disparaît aussi la Bacchanale qui ouvre l'opéra dans la version parisienne et, plus grave parmi les nombreuses « interprétations » qui jalonnent cette mise en scène, Elisabeth, que tout le monde croit morte à la fin de l'opéra (ce à quoi invitent les sous-titres qui eux sont fidèles au livret), part avec Tannhäuser…pour le Venusberg !

Cet opéra, plutôt un des plus joués parmi l'œuvre de Wagner, n'avait pourtant pas été montré à Paris depuis la production de István Szabó et Victor Vasarely au Palais Garnier en 1984. Plusieurs générations de mélomanes parisiens ne l'ont donc jamais vu et l'on se demande avec quelle idée de l'œuvre ils sont sortis de ces représentations du Châtelet dont les seuls éléments de décors étaient un cube évidé pour la salle du Concours, un dôme rouge pour évoquer le Venusberg et un piano noir qui se retrouvait vite sur son flanc, comme la plupart des chanteurs, tic indispensable à toute direction d'acteur qui se pique de modernité. Cela dit, le résultat visuel, quoique décevant, n'est pas totalement inintéressant pour qui connaît bien son « Tannhäuser ». Cependant, modernité pour modernité, on préfère le travail de au Bayerische Staatsoper de Munich en 1995 (la seule version existante de « Tannhäuser » sur DVD européen [ArtHaus Musik]), lecture éminemment politique mais laissant au spectateur quelques clés de lecture du contexte médiéval.

Bien que musicalement très satisfaisant, ce Tannhäuser était dirigé par à un niveau sonore inutilement élevé qui forçait les chanteurs aux limites de leurs voix, principalement dans le premier acte. Si (Tannhäuser) qui a un volume vocal apparemment inépuisable s'en tirait héroïquement, cela forçait Ildiko Komlosi (Venus) à exposer un très vilain vibrato, un legato défaillant et à s'étrangler dans le bas médium. La voix de cette interprète d'origine hongroise qui possède un beau timbre et une véritable présence scénique, ne supportait pas un tel excès sonore. Dommage, car Wagner a mis dans ce premier acte révisé pour Paris, des accents tristanesques qui font de ces duos entre Venus et Tannhäuser des pages intimistes d'une beauté ineffable. Assez plate dans l'ensemble, la direction de Chung à la tête d'un Orchestre Philharmonique de Radio-France assez brouillon était le point faible de la soirée. L'Elisabeth de , très efficace dramatiquement, ne possède cependant pas la luminosité du timbre que l'on attend pour ce rôle. Il fallait attendre le troisième acte et la longue scène du retour de Rome pour apprécier la voix de à son meilleur : superbement timbrée, aux aigus infaillibles, mais ayant aussi la possibilité de chanter avec une transparence et une énergie désespérée ce long monologue sur lequel tant d'interprètes de Tannhäuser échouent. C'est certainement aujourd'hui, pour ce rôle, le meilleur interprète possible. Décevant aussi, on l'a dit, le Wolfram de obligé de chanter sa Romance à l'Étoile sur un plateau vide qui absorbait son timbre vers les cintres sans lui laisser le temps de se projeter vers la salle. On n'en veut pour preuve que les quelques strophes précédant l'air, ce court récitatif cantabile qu'il chante lové dans le flanc du piano renversé sur la scène lui servant de conque acoustique, pendant lequel on retrouvait cette pâte sonore d'une chaleur et poésie inimitables qui avaient tant frappé à Toulouse. Le reste de la distribution, les Chevaliers de la Wartburg, le Landgraf Hermann de et les Chœurs de Radio-France (quand ils ne chantaient pas exagérément fort comme au second acte) méritent que des éloges.

Crédits photographiques : © M.N. Robert

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