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Eschenbach et Michaela Kaune grimpent au ciel

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Paris. Théâtre Mogador. 25-III-2004. Karol Szymanowski : Stabat Mater op. 53, Gustav Mahler, Symphonie n° 4 en sol majeur. Michaela Kaune, soprano. Patricia Bardon, contralto. Stephen Salters, baryton. Orchestre de Paris (Roland Daugareil, violon solo). Chœur de l’Orchestre de Paris, chefs de chœur : Didier Bouture et Geoffroy Jourdain. Direction : Christoph Eschenbach.

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La Quatrième Symphonie de (1860-1911) était pour le compositeur un « tableau primitif sur fond d'or », qui tranchait avec l'ambition philosophique et les dimensions de ses deux immenses symphonies précédentes. Il confiait avoir essayé de peindre dans toute l'œuvre le « bleu uniforme du ciel ». Un quart de siècle plus tard, en 1925, (1882-1937) poursuivait ce même idéal de simplicité, renonçant à la sensualité raffinée de sa période orientale pour composer le Stabat Mater, œuvre de maturité intimiste, nourrie par la musique sacrée polonaise du 16ème siècle. Un programme en vérité difficile en ce qu'il exigeait des interprètes qu'ils ne recourent qu'au seul naturel de l'interprétation, excluant tout « effet » interprétatif.

On ne peut que se réjouir de voir les œuvres subtiles et envoûtantes de Szymanowski désormais programmées de manière régulière en France (on pense par exemple au Roi Roger l'an dernier au Châtelet), après avoir été consciencieusement sous-estimées voire ignorées dans notre pays durant cinquante ans. Le Stabat Mater rayonne par son austérité et sa dimension contemplative, deux composantes bien difficiles à exalter dans un début de concert. On assista en effet à un Stabat massif, aux couleurs franches, occasionnellement confus (O Vierge, illustre entre les vierges) et au lyrisme envahissant. C'est ainsi que les superbes interventions de Stephen Salters furent couvertes par les emportements du Chœur de l'. Szymanowski n'est pas Verdi ; c'est dans le frémissement, l'interrogation introvertie qu'il trouve sa vérité.

, compositeur autrement énergique et conquérant, ne pouvait que mieux résister au traitement qui avait été accordé au Stabat Mater, même si les indications de tempo de la Quatrième Symphonie (1. Circonspect, sans presser. 2. Dans un mouvement modéré. Sans hâte. 3. Tranquille. 4. Très plaisant) exigent elles aussi de maîtriser les demi-teintes. Le complexe premier mouvement fut splendide, révélant la richesse inouïe de la composition dans une orchestration claire et transparente. Mais le tempo fut en vérité hâtif, et les élans initiaux des cordes sont d'une flamme toute berliozienne qui manquait singulièrement de « circonspection ». Dans le Scherzo, suivit le tempo modéré qui était requis, et si cela permit de bien suivre isolément les multiples interventions des différents pupitres, on perdit en chemin le fil conducteur du mouvement. Avec l'Adagio vint prendre place sur scène et ainsi se profila le lied conclusif. Composé huit ans avant la symphonie, soit dès 1892, il constitue le sommet et la justification de la symphonie. Eschenbach allégea à juste titre les cordes, luttant avec force contre le pathos et le tragique dont on pourrait bien facilement surcharger les superbes envolées mélodiques, et puis, presque par surprise, s'ouvrit le mouvement final « La Vie céleste ». Avec une diction nette et une grande sûreté technique , transcendée, nous parla du ciel, tandis que le chef et l'orchestre en osmose composèrent pour elle, par leur précision et leur panache rêveur, le fond d'or évoqué par Mahler. La musique épuisée s'évanouit soudain, et le temps d'un long, d'un rare silence suspendu, nous étions tous encore au ciel.

Le concert, qui fêtait l'anniversaire de Carlo-Marlo Giulini, a été diffusé en direct sur Radio-Classique.

Crédit photographique : (c) Monika Ritterhaus, Berlin.

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Paris. Théâtre Mogador. 25-III-2004. Karol Szymanowski : Stabat Mater op. 53, Gustav Mahler, Symphonie n° 4 en sol majeur. Michaela Kaune, soprano. Patricia Bardon, contralto. Stephen Salters, baryton. Orchestre de Paris (Roland Daugareil, violon solo). Chœur de l’Orchestre de Paris, chefs de chœur : Didier Bouture et Geoffroy Jourdain. Direction : Christoph Eschenbach.

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