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Né dans une famille de musiciens, il débute jeune le piano qu'il travaille à Bâle avec Hans Huber, puis à Berlin au Conservatoire Stern avec Martin Krause, élève de Liszt qui fut également le professeur de Claudio Arrau. Sitôt ses études achevées, il est engagé comme professeur et rencontre à la même époque le compositeur et pianiste Eugène d'Albert, autre élève de Liszt, qui lui prodigue conseils et appui.
L'enseignement sera une passion pour lui. En 1930 il est le successeur d'Arthur Schnabel à la Hochschule de Berlin en 1930 puis ouvre à Lucerne en 1945 des cours auxquels il consacre l'essentiel de son temps. Ses élèves célèbres sont innombrables : Reine Gianoli, Paul Badura-Skoda, qui devient son assistant, Alfred Brendel….
Très intéressé par la direction d'orchestre, qu'il étudie avec Richard Strauss, il dirige le Musikverein de Lübeck (1926-1928) puis le Bachverein de Munich jusqu'en 1932, avant de fonder son propre orchestre de chambre. Il est ainsi le premier pianiste à renouer avec l'ancienne tradition de diriger l'orchestre depuis le clavier dans les concertos de Bach, Mozart ou Beethoven, qu'il est également parmi les premiers à jouer avec un orchestre de chambre. Mais cela ne l'empêche pas de diriger un large répertoire symphonique, de Haydn à Tchaïkovski en passant par Mozart ou Bruckner.
Très attiré par la musique de chambre, il fonde en 1942 un trio fameux avec le violoniste Georg Kulenkampff, remplacé en 1949 par Wolfgang Schneiderhan, et le violoncelliste Enrico Mainardi.
Son modèle restera toujours le mythique Ferruccio Busoni, qu'il n'entendra jamais mais dont les écrits l'inspirent fortement – ils prônent le retour à un “jeune classicisme”, une rigueur opposée aux excès chers au post-romantisme. Mais ce choix ne procède pas véritablement d'une démarche intellectuelle, au contraire d'un Schnabel, mais plutôt d'une recherche spirituelle de la vérité psychologique et humaine de l'œuvre. Les interprétations d'Edwin Fischer, vivantes, dramatiques et spontanées, quasi improvisées mais toujours respectueuses du texte, sont, selon Alfred Brendel, le reflet d'une personnalité mêlant une joie et un émerveillement presque enfantins devant la musique à la parfaite maîtrise de la forme d'un grand artiste.
On associe couramment Fischer aux compositeurs qu'il a le plus enregistrés : Bach, Mozart, Beethoven, Schubert, Brahms, des compositeurs qu'il a marqué de son style tout à la fois classique et fantasque. Mais ses goûts étaient en fait bien plus éclectiques et sa connaissance de la littérature pianistique très étendue : Debussy, Chopin, Hindemith, Stravinski, Scriabine faisaient aussi partie de son répertoire. Selon son élève Gerald Kingsley il était également capable de jouer au piano le Sacre du printemps en commençant de n'importe quel endroit, et Nikolaï Medtner le considérait comme l'un des meilleurs interprètes de sa Sonate en mi mineur.
Alfred Brendel a écrit à son propos : « Fischer était tout sauf un parfait pianiste au sens académique du terme. Angoisse nerveuse et souffrances physiques ont parfois altéré son jeu. Mais il savait comme personne éviter de tomber dans une fausse sentimentalité. Et il est évident pour l'initié que ce serait une erreur de sous-estimer la technique qui lui permit de jouer avec une si fantastique richesse d'expression. Celle-ci se manifestait surtout dans le son du piano magnifiquement plein et aérien même dans les moments où l'explosion des forces élémentaires atteignait son paroxysme, le son gardait sa rondeur, et son chant se prolongeait dans les pianissimos les plus inouïs. Dans son jeu, sauvagerie et tendresse étaient intimement liées, et la paix intérieure succédait comme par enchantement à des explosions géniales. Ses mouvements lents révélaient un tel oubli de soi, une telle concentration intérieure que, comparé au sien, le jeu de presque tous les autres musiciens semblait académique ou affecté. Avec lui, la musique nous touchait plus directement qu'avec les autres; quand il jouait, il semblait moins dissimuler les mouvements de son âme. Ce sentiment : “Je n'ai plus l'impression que c'est moi qui joue, mais que ça joue”, – quel est le musicien qui a su le faire passer dans la réalité aussi souvent que lui? »