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Flamboyante fin de Ring au Capitole

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Toulouse. Théâtre du Capitole. 15.VI.2003. Richard Wagner : Le Crépuscule des dieux. Alan Woodrow (Siegfried), Janice Baird (Brünnhilde), Kurt Rydl (Hagen), Nancy Weissbach (Gutrune), Claudio Otelli (Gunther), Oskar Hillebrandt (Alberich), Chœurs et Orchestre National du Capitole de Toulouse. Direction : Pinchas Steinberg. Mise en scène : Nicolas Joel. Décors : Ezio Frigerio. Costumes : Franca Squarciapino.

Avec ce Crépuscule des dieux se conclut la première Tétralogie intégrale de au Théâtre du Capitole de Toulouse, vieux rêve que le metteur en scène caressait depuis longtemps et dont l'achèvement marque certainement une date importante pour ce théâtre.

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Il faut dire que, mis à part un Or du Rhin très controversé – et controversable – ce Ring se révèle une réussite certaine, même si sa programmation fractionnée sur plusieurs années n'a pas aidé à y déceler une continuité et un cheminement dramatique qui apparaîtront mieux, sans doute, lors d'une reprise in extenso.

Vision très sombre d'un monde en pleine crise, le Crépuscule de Joël se déroule au bord d'un Rhin industrialisé, une Ruhr guerrière et passablement vert-de-gris. Cela vaut quelques images fortes, des Nornes clochardes soliloquant dans un décor de béton fissuré à la Bilal, un Hagen veillant sur sa lance devant un énorme canon rougeoyant, et d'autres plus convenues, tels des Gibichungen en uniformes allemands. Seule la première scène du troisième acte, avec des Filles du Rhin aux gestes patauds engoncées dans des tutus façon algues, paraît moins réussie, presque maladroite. Mais la scène ultime restera dans les mémoires, l'immolation de Brünnhilde se déroulant devant un mur nu, lézardé, qui peu à peu s'embrase et s'irise de teintes incandescentes. Alors, descendant d'une passerelle évoquant quelque vaisseau spatial, les dieux morts apparaissent devant les Gibichungen médusés. Dommage que l'arrivée finale de deux enfants se tenant par la main surajoute à cette très belle scène un symbolisme forcé et quelque peu naïf.

Une dramaturgie forte n'est rien sans des acteurs engagés, et tout cet opéra est dominé par la stature imposante, la présence opaque et inquiétante du Hagen de . Vocalement impressionnant, Rydl campe un personnage sombre et tourmenté, faisant de Hagen une sorte de jumeau sombre de Brünnhilde, aussi fort mais plus humain et à qui l'humanité est une torture qui conduit à toutes les noirceurs. Face à lui, la Brünnhilde de est vocalement et dramatiquement impavide. Même si le timbre n'est pas le plus beau que l'on puisse imaginer, sa totale sûreté technique lui permet d'affronter sans ciller les passages les plus délicats comme les phrases les plus redoutables, et sa présence scénique pleine de feu est celle d'une véritable actrice. Le Siegfried très en retrait, Alan Woodrow, acteur coincé à la voix engorgée qui ne se libère que peu à peu, fait craindre l'accident à plusieurs reprises. brille davantage par son incarnation d'un Gunther très « fin de race » dégénérée, faible, cocaïnomane, que par ses moyens vocaux limités ; il forme avec sa sœur, l'excellente Nancy Weissbach, un couple ambigu tout droit sorti des Damnés de Visconti.

Mais le vrai triomphateur de la représentation est l'Orchestre National du Capitole dirigé par . Rarement on aura entendu direction plus mordante, pleine d'une énergie sèche et violente. Les passages purement orchestraux ont sonné avec une force expressive, une véhémence et une perfection orchestrale exceptionnelles. Steinberg défend une conception wagnérienne tout en nerfs et mouvement, puissante mais sans lourdeur, frémissante de vie. Il a été idéalement relayé par un orchestre que l'on a peu entendu sonner avec autant d'autorité, une telle richesse de timbres, ni, surtout de précision. Attaques nettes et homogénéité parfaite, puissance retenue et équilibre de tous les pupitres, ce Crépuscule des dieux a montré l'orchestre à son zénith !

Crédit photographique : © DR

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Toulouse. Théâtre du Capitole. 15.VI.2003. Richard Wagner : Le Crépuscule des dieux. Alan Woodrow (Siegfried), Janice Baird (Brünnhilde), Kurt Rydl (Hagen), Nancy Weissbach (Gutrune), Claudio Otelli (Gunther), Oskar Hillebrandt (Alberich), Chœurs et Orchestre National du Capitole de Toulouse. Direction : Pinchas Steinberg. Mise en scène : Nicolas Joel. Décors : Ezio Frigerio. Costumes : Franca Squarciapino.

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