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André Jolivet : Cinq Danses rituelles, Mana (+ extraits d’entretiens avec le compositeur). Marie-Josèphe Jude, piano. CD Lyrinx LYR 221 – Enregistrement : 14-16.X.2002 – DDD – Notice très instructive signée par la fille du compositeur.
LyrinxEn 1995, le public découvre Marie-Josèphe Jude dans un programme pourtant peu « porteur » (Sonate de Dutilleux et Six Etudes d'interprétation d'Ohana, 1 CD Harmonia Mundi « Nouveaux interprètes ») qui lui vaut une Victoire de la Musique. Après des albums essentiellement consacrés à la musique romantique (dont une intégrale Brahms en cours chez Lyrinx, 4 CD parus à ce jour) en soliste, ou en duo avec Jean-François Heisser, cette élève d'Aldo Ciccolini revient au répertoire du siècle passé.
Les Cinq Danses rituelles sont à l'origine une musique de ballet (Le Cercle enchanté, argument de Claude Vermontel). L'œuvre, jouée pour la première fois en pleine Seconde Guerre mondiale par Lucette Descaves (créatrice, en 1951, du sulfureux Concerto pour piano), deux ans avant la version orchestrale (1944 par André Cluytens et la Société des Concerts du Conservatoire), a obtenu un certain succès critique. Le piège, brillamment évité par Marie-Josèphe Jude, est de transformer ce genre de partition exigeante à bien des points de vue en exercice de rythme ou d'intensité. La beauté sonore et les couleurs que la pianiste obtenait de son clavier dans ses précédents albums se trouve être ici encore l'une de ses principales qualités : le jeu, très rythmique, n'en devient jamais percussif et fait pleinement pénétrer l'auditeur dans l'univers incantatoire de Jolivet. Le tout est allié à une technique quasi parfaite qui fait de chacune de ces Cinq Danses un morceau clair et structuré qui jamais ne se noie dans un halo de pédale et de dissonances.
Mana est une forme d'hommage d'un jeune compositeur (trente ans à l'époque) à son maître Edgar Varèse. Ce dernier, à l'occasion de son retour aux Etats-Unis en 1933, laisse à son élève six objets « fétiches » qui furent la source d'inspiration de la première œuvre de maturité de Jolivet. Loin du courant néo-classique alors en vogue chez ses contemporains, il développe un langage personnel issu directement, par ses jeux de résonance et d'opposition des masses sonores, des dernières œuvres pianistiques de Debussy (Etudes, …). Les constantes stylistiques du compositeur du Chant de Linos se trouvent en germe dans ces six miniatures : refus de tout développement thématique au profit d'ostinatos changeants, basse mouvante de clusters engendrant une mélodie monodique, traits fulgurants parcourant tout le clavier, … Le jeu de Marie-Josèphe Jude ne s'appesantit jamais malgré la constante sollicitation d'accords dans l'extrême grave du piano. Son sens inné de la couleur rend justice à « l'animisme » de Jolivet, qui voyait les six objets de Mana emplis de « l'influx [du] champ magnétique de fort potentiel de Varèse ».
Ce nouvel album, qui offre à peine quarante-deux minutes de musique, contient en appendice plusieurs extraits d'entretiens radiophoniques du compositeur, tous hautement instructifs sur sa pensée, l'influence de Varèse et, surtout, sa conception de la création et du temps musical. Un complément « pédagogique » que l'on aimerait retrouver plus souvent. D'autant plus que les seuls albums récents consacrés à la musique pour piano de Jolivet (Jacqueline Méfano – Adda, Christiane Mathé – Koch-Swann) ont été supprimés du catalogue des ventes. Peut-être un premier pas vers une intégrale prévue pour le centenaire de la naissance du compositeur (2005) ?
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André Jolivet : Cinq Danses rituelles, Mana (+ extraits d’entretiens avec le compositeur). Marie-Josèphe Jude, piano. CD Lyrinx LYR 221 – Enregistrement : 14-16.X.2002 – DDD – Notice très instructive signée par la fille du compositeur.
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