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Paris. Salle Cortot. 2.IV.2003. Œuvres d’Emanuele Casale, Beat Furrer, Brice Pauset/Isabel Mundry, Olga Neuwirth et Oscar Strasnoy. Mario Caroli (flûte), Pascal Gallois (basson), Lucas Fels (violoncelle).
Concert de créations Salle Cortot
Longtemps confiné à un rôle comique, grotesque et sautillant, alors que ses sonorités sont capables d'inspirer la plus vive et délicate émotion, selon la formule de la compositrice Suzanne Giraud dans la préface de son concerto Crier vers l'horizon, le basson attire de plus en plus de compositeurs, grâce notamment à des instrumentistes comme Pascal Gallois, qui vient de publier un disque remarquable consacré au basson contemporain*. Membre de l'Ensemble Intercontemporain, cet artiste boulimique n'a de cesse de demander à tous les créateurs qu'il rencontre de lui écrire une œuvre qu'il s'empresse de proposer aux organisateurs de concerts. Il va même jusqu'à produire lui-même ses propres concerts, qu'il inscrit au sein de diverses programmations.
Ainsi, en a-t-il été du concert donné le 2 avril Salle Cortot dans le cadre des activités de l'association Densité 93, dont il est l'un des animateurs et qui a pour objet la création contemporaine, sa diffusion par une série de concerts et la sensibilisation du public par des actions rencontres avec les compositeurs et les interprètes, actions menées principalement sur le département de la Seine-Saint-Denis. Pascal Gallois a proposé avec ses amis flûtiste italien Mario Caroli et violoncelliste suisse Lucas Fels, membre fondateur de l'Ensemble Recherche, quatre créations mondiales pour le basson.
Contrebassiste de formation ayant étudié la composition avec Salvatore Sciarrino, entre autres, le jeune Italien Emanuele Casale (1974) a offert à Pascal Gallois une pièce en deux volets. Le premier pour flûte en sol et basson, 3, le second pour basson et violoncelle, 4. Malgré quelques tunnels, la pièce pour violoncelle seul du Suisse Beat Furrer (1954), Cello, est d'une grande variété de jeu et de timbres. Elle tient du bruitisme cher aux compositeurs germaniques dans les années 1980-1990, et requiert une virtuosité prodigieuse de la part de l'instrumentiste, qui joue tous les jeux pizzicato possibles (à l'exception du « pizz. Bartok », trop bruyant) avec doigts, main et la totalité des éléments de l'archet, le tout dans des nuances variant entre mezzo-forte et pianissississimo. Ce qui exige de l'auditeur une écoute extraordinairement concentrée et de la salle aucun raclement de gorge…
Le Français Brice Pauset (1965) s'est associé à sa femme, l'Allemande Isabel Mundry, pour écrire à quatre mains Die Vorüberlaufenden pour basson, flûte et violoncelle, suite de pièces dense, riche en informations foisonnantes comme de coutume chez ce compositeur à l'imagination prolifique et que nous souhaiterions pouvoir réécouter à loisir.
Heureuse surprise de la part de l'Autrichienne Olga Neuwirth (1968) avec Torsion pour basson solo, émanation de son Concerto pour basson et ensemble, Torsion : transparent variation, dédiée à Pascal Gallois, œuvre qui avait déçu lors de sa création dans le cadre du Festival Présences 2002 de Radio France. Cette fois, la vélocité, la variété du jeu et de l'intonation, la longueur du souffle, l'engagement physique de l'instrumentiste captivent. Déception en revanche avec la page qui concluait ce concert. Naipes pour basson, flûte et violoncelle d'Oscar Strasnoy, comme son dernier spectacle musical Opérette créé en janvier dernier, laisse sur une impression mitigée d'inaccompli.
L'ensemble de ce programme a été servi à la perfection par trois artistes magnifiques. Pascal Gallois a une maîtrise phénoménale de son instrument, le fagott, qui semble être le prolongement de lui-même, dans son corps et dans son âme, et Lucas Fels est l'un des meilleurs violoncellistes au monde, se jouant avec un naturel incroyable des pires difficultés tout en préservant une musicalité inouïe. Mario Caroli, qui s'est imposé dans une somptueuse intégrale discographique de l'œuvre pour flûte de Sciarrino, joue avec une aisance extraordinaire qui n'a d'égal que son agilité et sa modestie. Son son est lumière pure, cela sur les trois flûtes, du piccolo à la flûte en sol.
* Dialogues, avec des œuvres de Pierre Boulez, György Kurtag et Philippe Schœller (1 CD Stradivarius)
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Paris. Salle Cortot. 2.IV.2003. Œuvres d’Emanuele Casale, Beat Furrer, Brice Pauset/Isabel Mundry, Olga Neuwirth et Oscar Strasnoy. Mario Caroli (flûte), Pascal Gallois (basson), Lucas Fels (violoncelle).