Alain Brunet, directeur du Festival d’Ambronay
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Outre les concerts d'artistes prestigieux, grands noms de la musique ancienne, Ambronay propose depuis une dizaine d'années une formation d'été à de jeunes musiciens pré-professionnels ou à des chanteurs amateurs dans le cadre de deux grands projets.
« Chaque année, quelques jeunes se font heureusement repérer par des directeurs de théâtre. C'est à cela que nous devons servir… »
Cette année, le premier prépare à un très haut niveau de jeunes artistes, constituant pour l'occasion les chœurs et orchestres de l'Académie baroque européenne, dans un répertoire sacré du baroque italien. Le second prépare le Chœur du Festival, ensemble d'amateurs de la région Rhône-Alpes, à donner un répertoire français plus moderne. Alain Brunet, directeur du Festival d'Ambronay, nous présente les activités pédagogiques de son festival à l'heure où est donné le coup d'envoi de sa vingt-troisième édition.
ResMusica : L'Académie baroque européenne est bien un atelier de formation, comment recrutez-vous ces jeunes musiciens ?
Alain Brunet : Depuis le milieu des années 1980, la création de la série de concerts « Les jeunes solistes » favorise l'insertion professionnelle des interprètes. A partir de 1993, nous avons formé l'Académie baroque européenne. Les jeunes artistes qui la composent sont recrutés dans tous les grands conservatoires européens. En France, on auditionne dans les Conservatoires nationaux supérieurs de Paris et de Lyon, bien évidemment, puis à Genève, à la Guildhall School de Londres, à La Haye, Milan, Prague. Bref, huit conservatoires partenaires nous permettent d'organiser ces auditions. C'est effectivement un vrai projet de formation mais aussi d'insertion professionnelle, puisque nous organisons une importante tournée des œuvres montées, après leur première dans le cadre du Festival, qui nous mène souvent en Suisse, en Belgique, parfois en Angleterre, puis aux Pays-Bas. Nous espérons bien poursuivre les tournées vers l'Europe du Sud en jouant au Portugal, surtout que, selon les années, les chœurs et orchestres de l'Académie regroupent vingt à vingt-quatre nationalités différentes, y compris des Japonais et des Américains qui suivent une formation dans les conservatoires d'Europe. Chaque année, quelques jeunes se font heureusement repérer par des directeurs de théâtre, auditionner et engager pour d'autres distributions. C'est à cela que nous devons servir…
RM : Le programme est-il toujours choisi en fonction du chef ?
AB : Le chef appelé à diriger cette formation est toujours une référence au niveau de l'interprétation de la musique qui est choisie. On a eu William Christie dans la musique française, Ton Koopman dans du Haendel, Jordi Savall pour des musiques française et espagnole…Donc cette année, nous invitons Rinaldo Alessandrini pour la Messa per il Santissimo Natale a nove voci de Scarlatti, la Missa Romana, à quatre chœurs et double orchestre de Pergolèse et le Beatus Vir pour double chœur et double orchestre. Un programme chantant la polychoralité dans toute sa splendeur, si l'on peut dire, ce qui était traditionnel dans ces églises de Rome, Naples et Florence.
RM : Les opéras au programme des autres années pour l'Académie étaient tous montés en version scénique ?
AB : Oui bien sûr, la plupart du temps, ces jeunes n'ont pas eu l'occasion de travailler avec un metteur en scène et un chorégraphe par exemple. En plus, on leur apprend à se maquiller, à se déplacer en costume. L'année dernière, on a donné Cadmus et Hermione de Lully avec Christophe Rousset, ce fut un très grand succès. Pour le dixième anniversaire de l'Académie, l'an prochain, nous présenterons Athalia de Haendel avec Paul Mc Creesh à la direction et une mise en scène de François Rancillac, directeur de la Comédie de Saint-Etienne.
RM : Vous avez pour coutume de faire participer les artistes de votre région. A ce propos, parlons un peu du Chœur du Festival, quelle est l'ambition pour cette formation régionale ?
AB : Il s'agit de monter un projet chaque année, là aussi avec un grand chef de chœur ou d'orchestre mais avec des amateurs, de bon niveau et de la région Rhône-Alpes. Cette année, soixante chanteurs de tous âges, qui ont déjà une pratique du chant choral, chanteront pour trois concerts. Nous avons opéré une sélection sur dossier et l'idée est de proposer un projet stimulant pour les chœurs de la région. Les chanteurs recrutés ont déjà travaillé sur le programme lors d'un week-end en mai, puis à l'occasion d'une journée fin juin et surtout du 24 au 30 août. En septembre, il reste deux semaines de travail à effectuer puis arriveront les générales et les concerts du 7, 9 et 10 octobre avec le Requiem de Duruflé, sous la direction de Michel Piquemal, puis la création, première commande du Festival d'Ambronay, de Lucien Guérinel et la Suite lyrique de Jolivet sous la direction d'Alain Goudard, chef assistant pour cet atelier et directeur artistique de Résonance contemporaine. Les chanteurs ont aussi la chance de travailler avec un très bon orchestre professionnel, l'orchestre des Pays de Savoie, puis de recevoir des cours de technique vocale.
RM. : Voulez-vous fidéliser les chanteurs de ce chœur ?
AB : Mon intention n'est pas de constituer un chœur avec, chaque année, les même chanteurs. J'aimerais que tout le monde ait la possibilité et la volonté d'y participer. Dans les chanteurs qu'on a malheureusement refusés parce qu'ils n'étaient pas bons lecteurs, certains, grâce à cette audition loupée, se sont inscrits dans les écoles de musique de la région pour suivre une formation musicale : c'est assez bon signe. Evidemment, il n'est pas non plus question de créer un chœur permanent, on ne veut pas déstabiliser les chœurs existants. Vous imaginez ce qui se passerait si l'on se mettait à recruter les meilleurs éléments des trente-cinq chœurs du département…