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Les Ouvertures de Beethoven : Ouverture d’Egmont, op.84

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Sept ouvertures de Ludwig Van Beethoven sont mises à l’honneur dans ce dossier : l’ouverture d’Egmont op. 84, Créatures de Prométhée op. 43, le Roi Etienne op. 117, les Ruines d’Athènes op. 113, Pour un jour de fête op. 115, Coriolan op. 62 et Egmont op. 84. Pour accéder au dossier complet : Les ouvertures de Beethoven

 
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Dans son drame Egmont (1787), Gœthe retrace la lutte du comte d’Egmont (1522-1568), célèbre homme de guerre hollandais, contre l’envahisseur espagnol, personnifié par le despotique duc d’Albe. Menacé d’arrestation, Egmont refuse de fuir devant la menace et de renoncer à son idéal de liberté. Emprisonné, abandonné par la lâcheté de son peuple, il est condamné à mort malgré les efforts désespérés de son amante Klärchen, qui se suicide devant son échec. La pièce s’achève sur un dernier appel du héros à la lutte pour l’indépendance, faisant de sa mort en martyre une victoire sur l’oppression.

Manifeste politique, où la soif de justice et de liberté nationale d’Egmont s’oppose au despotisme autoritaire du duc d’Albe, Egmont est aussi un drame du destin, le noble flamand acceptant avec fatalisme les conséquences funestes de son naturel sincère et droit.

Lorsqu’en 1809 le Burgtheater de Vienne demanda à Beethoven, grand admirateur de Gœthe, de composer une musique de scène pour une reprise de la pièce, il accepta avec enthousiasme. Il y retrouvait des thèmes proches de ses préoccupations politiques, déjà exprimées dans son opéra Leonore (1806, version définitive Fidelio 1814) et dans son ouverture Coriolan (1807). Il écrivit, en plus de l’ouverture, neuf numéros d’une musique de scène riche mais un peu décousue, culminant dans la très belle Mort de Clärchen.

INTRODUCTION LENTE

3/2 Sostenueto ma non troppo (La prison)

Beethoven expose ici sous une forme très ramassée les thèmes qu’il utilisera dans son ouverture. Il installe d’emblée une atmosphère tragique par la tonalité très sombre de fa mineur, utilisée également pour la sonate « Appassionata ».

Après un accord à l’unisson de tout l’orchestre, une première phrase oppose les rudes accents des cordes forte (0’08) aux pianos implorants des bois (0’30). Elle est répétée à partir de 0’53, les accents des cordes étant appuyés par le reste de l’orchestre. Puis la mélodie des bois, allongée (1’13), aboutit tout doucement à une deuxième phrase de 6 notes (1’30), très lyrique, soutenue par le rythme insistant des cordes basses et des timbales, souvenir du premier thème.

Cette phrase, répétée 10 fois, descend par paliers avant de rester en suspens (2’07), seul le rythme obsédant des basses, repris par les violons II et le cor, se faisant entendre. Elle réapparaît aux violoncelles, d’abord seuls (2’13) puis doublés par les violons I en valeurs longues  (2’19).

EXPOSITION

3/4 Allegro (La lutte)

La partie centrale de l’œuvre est parcourue d’une énergie farouche, illustrant les combats du personnage principal.

Les cordes s’emballent en un tourbillon (2’24) débouchant sur la première phrase du premier thème (Aa) qui est une extension de la précédente (violoncelles à 2’27). À 2’37 un court motif de quatre notes répété trois fois capte l’attention, mais le vrai thème se prépare aux violoncelles et altos avant d’éclater à 2’41 (Ab). On voit très bien comment Beethoven assure le lien organique entre ses phrases, chacun découlant d’une cellule de la précédente. Cette phrase Ab, de structure rythmique identique au fameux thème de la 5° symphonie, est construite en un vaste crescendo qui conduit à la reprise grandiose et tragique des deux phrases précédentes par tout l’orchestre, fortissimo (2’58).

Une transition modulant du mineur au majeur apaise cette tension à 3’13 et aboutit à la première phrase du thème B (Ba : 3’21), reprise du premier thème de l’introduction sur le mode et dans un tempo rapide. On retrouve l’opposition entre la rudesse du rythme des cordes et la douceur des bois. À 3’32, la phrase des bois s’élargit en un crescendo (Bb) qui donne une nouvelle courte mélodie des cordes (Bc : 3’38) enchaînée à une petite coda (3’43), pleine du bouillonnement des gammes montantes des violons en un nouveau crescendo qui introduit le développement.

DÉVELOPPEMENT

À 3’57, reprise du thème Aa en majeur, dans une ambiance de plus en plus tendue. À 4’24, reprise en mineur des deux parties de A superposées (Aa aux violoncelles et contrebasses, Ab aux violons II puis I), mais sans le crescendo attendu. Le thème semble hésiter, tournant sur lui même (4’31), donnant le même sentiment d’attente qu’à la fin de l’introduction. À 4’35, un changement de tonalité fait attendre le retour à la tonalité de départ, c’est le signal de la reexposition.

REEXPOSITION.

Les phrases s’enchaînent dans un tourbillon, comme au début de l’exposition (4’38). Retour de Aa (4’40), de Ab plus développé (4’54), puis des deux phrases superposées (5’09). À 5’23, un changement de tonalité annonce une entorse aux règles classiques, qui voudraient que tous les thèmes soient réexposés dans la même tonalité. Le retour de la transition (5’33), de B (5’41) et enfin de la coda (6’03) se font dans une tonalité différente, Beethoven préférant ménager le suspens avant de retourner au ton initial. Un ajout à la coda (6’15) renoue avec l’atmosphère de l’exposition par l’opposition entre le rythme abrupt fortissimo de quatre cors et du basson et la phrase implorante des cordes. À 6’31, ce rythme est repris par tout l’orchestre, auquel répondent deux notes déchirantes des violons (6’34). Puis tout s’arrête (6’36). Un accord PPP (indication rare chez Beethoven) des bois (6’39) s’épaissit peu à peu et crée une atmosphère d’attente menaçante.

CODA

Allegro con brio 4/4 (La victoire)

De ce silence, sort un nouveau tourbillon des cordes (6’54), soutenu par le rythme trépidant des basses et un roulement de timbales. D’abord pianissimo il s’enfle en une mesure et devient une fanfare triomphale (7’05) (« symphonie de victoire », qui figure à la fin de la pièce au moment où Egmont sort affronter ses bourreaux). Un nouveau thème, découlant du précédent, se fait entendre aux altos et violoncelles (7’20) et donne naissance à son tour à un crescendo des violons (7’23) qui aboutit à une nouvelle sonnerie de trompettes (7’36). Enfin, éclate une fanfare plus solennelle (7’50) qui conclut l’œuvre sur des accords conquérants annonçant le triomphe final des idéaux du héros.

Beethoven a donné ici un équivalent musical des thèmes développés par Goethe, tout en respectant les impératifs purement musicaux de la forme-sonate, avec une maîtrise hors pair de l’art du suspense et de la transition. Mais il ne s’agit en aucun cas d’un résumé littéral de la pièce, certains entendant le thème de Clärchen là où d’autres voient celui de la liberté! Le compositeur a su dépasser l’anecdote de l’intrigue pour exprimer ses propres aspirations par la musique. Libre donc à chacun de laisser vagabonder son imagination!

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