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Alexandre Lazarev, le grand !

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Nantes. Cité des Congrès. 25-V-2002. Moussorgsky, Une nuit sur le Mont chauve – Rachmaninov, Concerto pour piano n°4 – Tchaïkovsky, Symphonie n°6 Pathétique. Piano : Tatiana Lazareva. Orchestre National des Pays de la Loire. Direction : Alexandre Lazarev.

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Orchestre national des Pays de Loire

Ou étions-nous, le 25 mai dernier, lorsque les premières mesures de l'œuvre féerique de Moussorgsky, Une nuit sur le Mont Chauve, nous plongeaient facétieusement dans l'intrigue et les angoisses du rêve ? Au Théâtre du Bolchoï ? Là même où , quelques années plus tôt, exerça ses talents conjugués de directeur et de chef ? Non bien entendu, et les visages familiers des musiciens de l' de nous le rappeler ; Nantes avait simplement décidé, ce soir là, de faire honneur au grand répertoire Russe et à un de ses représentants les plus marquants du moment, l'imposant et prolifique chef .

C'est donc bien avec Une nuit sur le Mont Chauve, dont simplement quelques esquisses furent établies par Moussorgsky pour être vraiment composée par Rimsky-Korsakov, que la soirée débutait. Les mouvements amples et précis du chef permettait à l'orchestre imposant de donner à la scène de sabbat, qui se déroulait devant un public hypnotisé, tout son relief, ses couleurs sombres, ses rythmes diaboliques puis la délivrance, dans le tintement des cloches chassant les esprits maléfiques et l'arrivée de l'aube évacuant les fantasmes de la nuit. La fin de cette évocation fantastique n'a pas manqué d'être applaudie par un public déjà conquis et qui n'en demandait pas moins que cet irrésistible voyage pour débuter une soirée qui s'annonçait alors parfaite. L'effectif orchestral se réduisait alors et le piano approchait sous le regard bienveillant d'un père comblé s'apprêtant à diriger l'orchestre qui allait donner la réplique à sa propre fille, Tatiana Lazareva dans l'interprétation du concerto n°4 en sol mineur pour piano et orchestre op. 40 de Rachmaninov.

Mais l'on sait que ce concerto n°4 plusieurs fois remanié par le compositeur, requiert, notamment dans son troisième et dernier mouvement, Allegro vivace, d'un dynamisme et d'une énergie extraordinaire, une virtuosité quasi identique à celle du concerto n°3. Pour l'interprète il s'agit alors d'avoir su acquérir une maîtrise suffisante pour donner vie à cette œuvre en se libérant des contraintes techniques afin de donner libre cours à sa propre créativité. Ce ne fut malheureusement pas le cas de Tatiana Lazareva qui bien que techniquement très pointue n'aura à aucun moment su émouvoir, jamais elle n'aura donné un peu de son moi dans cette interprétation très mécanique, totalement dénuée de sensibilité, presque inutile. Tout juste si l'on arrivait parfois à entendre le piano étouffé par l'orchestre. Pourtant l'espoir avait failli naître dans ce mouvement central où le rythme moins soutenu lui avait permis de nous gratifier de quelque émotion furtive. Mais le constat accablant prenait tout son horrible sens dans le troisième mouvement et l'on se mettait alors à regretter que l'on eu l'audace de cette préférence familiale. Le déséquilibre, la personnalité du papa chef d'orchestre donnant une réplique trop écrasante à la pauvre petite fille pianiste n'était sans doute pas le bon mélange pour ce concerto de Maître ! Et les applaudissements du public de ne pouvoir arracher à la jeune artiste qu'un seul sourire, presque obligé ? La déception était grande après ce concerto et l'on avait hâte maintenant d'entendre cette symphonie dont le sous-titre, Pathétique, semblait bizarrement se référer à ce que l'on venait tout juste d'écouter.

Il est cependant des soirées où il est dit que l'émotion doit triompher et c'est ce que s'apprêtait à démontrer Lazarev lorsqu'il ordonnait, peu de temps après, à l'orchestre de nous donner les premières mesures de cette symphonie que Tchaïkovsky lui-même disait avoir composée en pleurant. L'imposant chef russe donnait alors, à un public attentif, une interprétation d'une dimension intérieure très grande. Les longues phrases se développaient lentement, avec humilité et élégance, jusqu'à amener la douleur à s'exprimer de manière très contrastée et malmenant nos esprits et nos âmes jusqu'à nous arracher parfois les larmes. L'utilisation des cuivres et des cordes était réalisée avec finesse de manière à ne pas alourdir la partition et laisser l'orchestre vivre et soupirer de lui même dans ce face à face terrible avec ses démons intérieurs. Puis le final du troisième mouvement éclatait en apothéose et la tension extrême et pesante se libérait totalement dans le fracas assourdissant des percussions. Le public qui en ressent extrêmement les effets se soulageait alors, comme cela arrive souvent à la fin de ce mouvement, dans un tonnerre d'applaudissements et de bravos qui mettait longtemps à se dissiper. Mais la symphonie ne s'arrête pas là et il fallait compter sur le talent de Lazarev pour nous donner un extraordinaire quatrième mouvement, Adagio lamentoso, où l'émotion, arrivée à son comble, nous laissait sans voix, comme pétrifiés. Cette sombre acceptation du destin, traitée de manière exceptionnelle par le chef russe, arrivait alors à unir dans la souffrance et le recueillement l'artiste, l'orchestre et son public qui allaient bientôt trouver le repos dans le silence pesant qui clos ce mouvement et que le chef allait faire durer longtemps encore comme pour marquer l'instant, figer le souvenir avant de se dire au revoir, dans les larmes, les bravos reconnaissants, le tumulte rassurant des applaudissements.

Puis il y eu de nouveau le silence malgré les multiples rappels. Il fallait évidemment en rester là, tant le moment fut inoubliable, tant fut grand !

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