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Paris. Opéra de Paris Bastille. 2-IV-02. Gioachino Rossini: Il Barbiere di Siviglia. Roberto Saccà, Carlos Chausson, Joyce DiDonato, Dalibor Jenis, Kristinn Sigmundsson, etc. Orchestre et Chœurs de l’Opéra National de Paris. Direction : Bruno Campanella. Mise en scène : Coline Serreau. Décors : Jean-Marc Sthelé et Antoine Fontaine. Costumes : Elsa Pavanel. Lumières : Geneviève Soubirou
Pour sa seconde mise en scène lyrique, toutes deux présentées à l'Opéra Bastille, Coline Serreau, comédienne célébrée, cinéaste à succès, avec des films comme Trois hommes et un couffin (1984) et Chaos (2001), dramaturge de renom, avec notamment Quisaitout et Grobêta, Le Salon d'été, signe un réjouissant Barbier de Séville.
Réjouissant, à la fois sur le plan spirituel, pétillant de malice, et par son intelligence, car profond et vrai. Après une Chauve-Souris contestable présentée voilà deux ans dans cette même salle, la réalisatrice française devait impérativement convaincre. Or, cette fois, la réussite est au rendez-vous. Certes prévisible, l'actualisation du chef-d'œuvre de Rossini était périlleuse, mais la vision de Coline Serreau ne trahit rien du propos de cet opéra-bouffe inspiré de Beaumarchais. Coline Serreau replonge Séville l'Andalouse au temps de sa splendeur médiévale de capitale de province arabe, et, dans ce contexte islamique, avec burkas, turbans et barbes afghans, la cité devient le symbole de la claustration de la femme qui se libère du joug masculin, constitué d'êtres falots et calculateurs. Cette réflexion sociologique n'en exalte pas moins la dimension comique de l'ouvrage de Rossini. Le décor amovible de Jean-Marc Stehlé et Antoine Fontaine s'ouvre sur un désert planté de collines afghanes sur fond de ciel étoilé au milieu duquel est plantée une forteresse dans laquelle Bartolo tient captive sa pupille Rosine, qui apparaît à travers la jalousie d'un vieux moucharabieh de bois et d'une burka blueue. C'est à l'intérieur de la citadelle que se déroule la suite de l'action, jusqu'à ce que Rosine la détruise pour emporter Almaviva dans le désert qui se transforme en resplendissante oasis.
C'est dans ce cadre pivotant richement ornementé – le deuxième acte est un délire baroque avec son patio mauresque caricaturant l'Alhambra avec colonnettes et jet d'eau, le finale a le tour d'un commerce de tapis d'orient qui se transforme à vue pour laisser apparaître une terrasse avec tonnelle de jardin propice au quiproquo –, que se meut une distribution remarquablement dirigée. Ces authentiques comédiens-chanteurs bougent avec un naturel extraordinaire, jouant avec un plaisir communicatif, si bien que l'on se délecte de la farce qui se trame contre le brave barbon. Chaque personnage est riche en humanité et touche par son caractère polymorphe. Coline Serreau s'impose ainsi comme un directeur d'acteurs exceptionnel, qui a l'avantage, en outre, de connaître la musique de l'intérieur, offrant ainsi à ses chanteurs la possibilité de s'exprimer en toute sécurité. Brûlant les planches, Joyce DiDonato impose la rayonnante présence de Rosine, Jeannette Fischer, voix légère mais égale et sûre, est une Berta un rien allumée qui conclut son seul air sur un rap décoiffant. Roberto Saccà, voix solide, campe un Almaviva étincelant, Dalibor Jenis un Figaro complexe et peu sûr de lui. Mais ce sont le superbe baryton madrilène Carlos Chausson, infatigable Bartolo, et l'impressionnante basse finlandaise Kristinn Sigmundsson avec son air de la Calomnie trahissant un Basilio quelque peu désabusé, qui dominent l'escouade masculine. En dépit de décalages fosse / plateau – mais peut-il en être autrement dans cette salle qui n'est guère adaptée aux dimensions intimistes de l'opéra-bouffe de Rossini –, la direction de Bruno Campanella est sobre et nuancée, portée par des tempos judicieusement retenus que suit avec bonheur un orchestre irréprochable.
Crédit photographique : Opéra national de Paris Ch. Leiber
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Paris. Opéra de Paris Bastille. 2-IV-02. Gioachino Rossini: Il Barbiere di Siviglia. Roberto Saccà, Carlos Chausson, Joyce DiDonato, Dalibor Jenis, Kristinn Sigmundsson, etc. Orchestre et Chœurs de l’Opéra National de Paris. Direction : Bruno Campanella. Mise en scène : Coline Serreau. Décors : Jean-Marc Sthelé et Antoine Fontaine. Costumes : Elsa Pavanel. Lumières : Geneviève Soubirou