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Cinq Pièces pour orchestre de Philippe Hersant (1948) Concerto n° 1 en ut majeur pour violoncelle et orchestre Hob. VIIb de Haydn, Frans Helmerson.
Orchestre national des Pays de la Loire
Fabuleux concert, en ce vendredi 29 mars à NANTES, où l'ONPL, dirigé par le petit mais svelte et tonique Pascal Verrot, nous a donné en fin de programme une Symphonie n° 39 de Mozart éblouissante. Une interprétation pétillante et pleine d'allant pour cette première symphonie du triptyque qui clôt le cursus symphonique de Mozart où l'on sent poindre la logique du développement et du propos des deux ultimes partitions du genre. Avec cette œuvre, le compositeur combine à la perfection son expression formelle avec le style classique. Le discours musical des Symphonies n° 36 « Linz » et n° 38 « Prague » est repris dans l'introduction adagio et la tonalité de mi bémol majeur que le compositeur n'avait plus utilisé depuis sa période maçonnique résonne fièrement comme un hommage rendu à ses idées. C'est pourtant bien un Mozart criblé de dettes qui termine cette œuvre quelques jours avant d'enterrer Thérèse, sa fille de six mois. Passion, fougue, cette partition est aussi empreinte d'une certaine nostalgie d'un bonheur enfoui qui rejaillit dans les teintes aériennes du thème du dernier mouvement. Pascal Verrot l'a bien compris et réalisé en distillant, tour à tour, les ingrédients nécessaires à l'épanouissement de cette œuvre à un orchestre qu'il a su transcender et inciter à approcher de la perfection. Les cuivres rendus un tantinet agressifs par l'emportement général ont, par moments, gêné la fluidité de l'interprétation sans gâcher toutefois la fête et le plaisir éprouvé par le public. Salves d'applaudissements, évidemment, et reprise du dernier mouvement afin de satisfaire tout le monde.
La soirée avait commencé sur les Cinq Pièces pour orchestre de Philippe Hersant (1948). Cette œuvre contemporaine, commande de Musique Nouvelle en Liberté, est un cycle de cinq pièces pour orchestre de formation « Mozart » et participe, de l'aveu même du compositeur, de la démarche suivante : « exploiter, en une durée réduite, et sans les développer, un motif, un rythme, une combinaison instrumentale. » Dans cet art de la réduction, Hersant semble atteindre son apogée avec un scherzo en forme de mouvement perpétuel qu'il place au centre de cette suite. Un très bref hommage aux Cinq Pièces pour orchestre op. 16 de Schönberg est rendu dans le deuxième morceau, le plus limpide de l'ensemble. L'impression laissée par cette œuvre est celle d'un dépouillement du matériau sonore, une sorte de minimalisme musical. Le compositeur utilise tour à tour des thèmes issus de genres ou styles musicaux les plus actuels, du jazz à la musique de péplum. Ainsi dans le premier mouvement, les cuivres donnent à la partition l'atmosphère très nostalgique et sombre de la musique d'un Charlie Parker en restant toutefois, hélas, dans la suggestion. Hersant est loin de produire les mêmes élans passionnés qu'un Jean-Louis Florentz, dont la musique est plus convaincante, ne serait-ce que par l'atmosphère et la profusion de ses effets sonores. La création d'Hersant se situe à des années lumières de l'expressivité artistique de compositeurs comme Bernard Cavanna ou Suzanne Giraud, qui ont su intégrer et donner tout leur sens aux multiples courants qui ont traversé la musique « savante » depuis le début du XXe siècle en composant des œuvres alliant les techniques les plus novatrices à une sensibilité, une force et un talent hors du commun. Alors que dire de ces Cinq Pièces sinon que la musique d'Hersant, présentée au public comme de la création d'aujourd'hui a étonné par sa simplicité, pour ne pas dire l'anémie de sa technique et de son expressivité qui engendre assurément une facilité d'écoute que les mélomanes les moins sensibles à la création contemporaine ont trouvée salutaire, mais qui, finalement, ne les a pas vraiment enthousiasmés ni, sans doute, incités à pousser plus avant leurs investigations. Le public a applaudi mollement cette œuvre, loin en tout cas de l'engouement qu'avait suscité, par exemple, L'Anneau de Salomon de Florentz donné à Nantes la saison dernière.
C'est donc avec plaisir que l'on retrouvait en seconde partie de programme le Concerto n° 1 en ut majeur pour violoncelle et orchestre Hob. VIIb de Haydn. Mais existe-t-il une œuvre de ce compositeur qui n'enchante totalement le public ? Ce concerto, dont une copie de la partition originale a été retrouvée en 1960 à la bibliothèque de Prague, se situe entre la tradition du concerto baroque italien et le nouveau style classique. Une phrase donnée en présentation de l'œuvre dans le programme trimestriel de l'ONPL, résume très bien ce concerto : « Ce qui charme avant tout l'auditeur c'est l'incomparable fraîcheur de l'harmonie, cette joie sans mélange, cette gaieté bon enfant, cet enthousiasme si communicatif qui traverse cette partition à la virtuosité pyrotechnique ». Fraîcheur, enthousiasme, virtuosité sont des termes que l'on peut aisément transposer au talent du violoncelliste suédois Frans Helmerson, à qui revenait le soin de nous transmettre toute la beauté de ce concerto. Ce qu'il a fort bien fait, en totale harmonie avec l'orchestre et le public, qu'il a régalé de sa virtuosité. Le géant scandinave se donne aussi en entier, jouant comme en état de transe, paupières closes, remuant sa crinière blonde comme pour aider l'archet bondissant à trouver son chemin sur les cordes que des doigts volubiles plaquent avec une vélocité et une justesse vertigineuse. Une superbe découverte pour le public nantais.
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Cinq Pièces pour orchestre de Philippe Hersant (1948) Concerto n° 1 en ut majeur pour violoncelle et orchestre Hob. VIIb de Haydn, Frans Helmerson.