XIX° Festival International d’Orgue, les bons tubes de l’été.
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Bordeaux. XIX° Festival International d’Orgue de Bordeaux : « Musica in Cathedra ». 17 Juillet 2001: Bruno Mathieu (Paris) – Langlais, Franck, Vierne, Dupré, Messiaen, Mathieu – Orgue Isnard-Henry-Wenner-Boisseau de la Primatiale Saint-André. 18 Juillet : François Delor (Genève) – Sweelinck, Guilain, F. Couperin, Muffat – Orgue Dom Bedos de Celles de l’Abbatiale Sainte-Croix. 19 Juillet : Laurent Jochum (Paris) – Bach, Mendelssohn, Dupré, Escaich – Orgue Micot-Wenner-Maille-Gonzalez de la Basilique Saint-Seurin.
Trois générations d'organistes se sont succédé en trois jours à Bordeaux, sur trois instruments différents, dans le cadre du XIX° festival international. Triptyque représentatif, par la variété de son répertoire, du large panorama que cette manifestation, moins connue sans doute que la rivale automnale toulousaine, dotée il est vrai de moyens plus conséquents, propose chaque été.
Avec Bruno Mathieu, nommé à Saint-Spire de Corbeil, un beau programme d'orgue symphonique allant du début à la toute fin du XX° siècle a été défendu dans la conviction et le brio. Le monumental et composite ensemble de St-André, à l'image de son écrin la cathédrale, se prête idéalement aux architectures de Franck, Vierne, Dupré… et Mathieu lui-même (Te Deum, créé à Notre-Dame de Paris le 31 Décembre 2000).
L'organiste a totalement refondu le programme initial pour rendre hommage à son maître Jean Langlais, et aux inspirateurs de celui-ci – et ce, totalement de mémoire. Si le positif donne à goûter des mélismes purs et nets (Franck, Langlais, Messiaen, Mathieu), le grand-orgue très sollicité (Langlais encore, Franck, Vierne, Dupré) pèche par excès de réverbération ; l'instrument, très large, étant trop contigu aux murs de la nef. Il est vrai aussi que l'artiste, malgré un sens sculptural poussé (le Carillon de Westminster de Vierne !) manie souvent sans retenue le grand plein jeu.
Tel n'est pas le cas de Laurent Jochum. A 25 ans, ce titulaire de Saint-Jean-Baptiste de Belleville est déjà un habitué des prestations hors de ses murs. Son très bref récital, de Bach à Escaich (né en 1965) offre un point de vue dense et difficile, en forme d'acte de contrition. Totalement possesseur de l'instrument mixte de St-Seurin (remanié dans le but assez risqué d'épouser tous les répertoires, mais doté de jeux de flûtes ébouriffants), ce Lorrain ne veut pas d'un Bach ostentatoire. La fugue qui couronne la Fantaisie en sol mineur BWV 542 conserve l'intériorité angoissée de son portique, n'envisageant pas même de rémission dans la strette.
Rien de plus logique que de poursuivre par le redécouvreur de Bach, Mendelssohn. Le chef d'œuvre qu'est la sixième Sonate, retable à trois vantaux (Choral et Variations, Fugue, Andante) est bien replacé par Jochum dans son ascèse luthérienne ; laquelle n'exclut ni d'admirables récits en duo, ni un jeu crémeux, tant cette fois-ci dans le grand-orgue que le positif. Un Dupré et un Escaich, aux grands pleins jeux piétistes, viennent conclure en recourant par trois fois à la même croissance dans la méditation.
Si l'abbatiale Ste-Croix est cantonnée à la périphérie bordelaise, c'est sans doute pour mieux réserver la surprise et le plaisir d'y découvrir un Dom Bedos¹ rénové en 1997, et en tous points exceptionnel. Au plaisir de l'œil (dorures élégantes sur buffet vert émeraude) s'adjoint celui de l'oreille, dès que François Delor fait sonner le plus modeste tuyau. Venu du Temple de la Fusterie à Genève, ce « vétéran » est aussi théoricien, transcripteur et compositeur. Son parcours du jour, couvrant tout le Grand Siècle français et saxon, fait profiter, par un toucher aussi orné que rigoureux, de tous les joyaux dont l'instrument n'est pas avare.
Parmi ceux-ci, des jeux d'anches – clairon, bombarde, trompette – sans doute parmi les plus beaux d'Europe, que la Suite du troisième ton de Guilain fait retentir avec générosité. Au trop rare Sweelinck (Fantaisie, Ballo del Granduca), Delor apporte la plastique encore sobre du premier Baroque, contenant de bout en bout le grand plein jeu, quand celui-ci anticipe sur Reincken ou Buxtehude. Le francophile Muffat, élève de Lully, est représenté par une Toccata des plus libres (troublant choral entre deux passages fugués très élaborés).
Mais la plus grande merveille échoit à François Couperin. Le Genevois a arrangé² cinq de ses pages vocales de la période versaillaise (La Chapelle Royale). L'orgue bénéficiant d'un clavier entier de bombarde, c'est un régal de l'entendre sous ses doigts briller de tous ses feux dans le Magnificat, alors que les Petits Motets nous font déguster un positif précis, souple et poétique. Finissant par un splendide Offertoire sur les grands jeux, François Delor crée ainsi pour notre joie une manière de troisième recueil organistique du maître de Saint-Gervais ; quand nous devions, jusqu'à présent, nous contenter des deux grandes Messes.
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Bordeaux. XIX° Festival International d’Orgue de Bordeaux : « Musica in Cathedra ». 17 Juillet 2001: Bruno Mathieu (Paris) – Langlais, Franck, Vierne, Dupré, Messiaen, Mathieu – Orgue Isnard-Henry-Wenner-Boisseau de la Primatiale Saint-André. 18 Juillet : François Delor (Genève) – Sweelinck, Guilain, F. Couperin, Muffat – Orgue Dom Bedos de Celles de l’Abbatiale Sainte-Croix. 19 Juillet : Laurent Jochum (Paris) – Bach, Mendelssohn, Dupré, Escaich – Orgue Micot-Wenner-Maille-Gonzalez de la Basilique Saint-Seurin.