Artistes, Compositeurs, Portraits

Ernest Moeran [1894 – 1950]

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En 1913 Ernest Moeran rejoignit le Royal College of Music où il étudia le piano et la composition sous la direction de Sir Charles Stanford. Son apprentissage fut stoppé net par l’arrivée abrupte de la guerre où il fut enrôlé en 1914 comme message motocycliste dans le sixième bataillon du Norfolk Regiment.

Le 3 mai 1917 à Bullecourt en France Moeran est sérieusement blessé à la tête par des éclats d’obus encastrés trop près du cerveau pour être enlevés. Il subit alors une opération médicale que l’on peut juger aujourd’hui assez primaire et qui impliqua pour Moeran la présence à vie d’une plaque de métal à l’intérieur du crâne. Il traîna cette blessure pour le restant de sa vie.

Après avoir quitté l’Armée avec une pension d’invalidité il rentra brièvement à Uppingham pour enseigner avant de retourner au Royal College reprendre ses cours de musique sous la direction de John Ireland. Cette période, la plus active de sa création, vit naître un grand nombre de ses premières œuvres significatives, incluant le quatuor à cordes en la mineur, la première rhapsodie pour orchestre, le trio avec piano, la sonate pour violon et de nombreuses pièces pour piano. À partir de cette époque Moeran a aussi commencé à collectionner les chansons populaires (folk songs). Il fréquentait régulièrement les pubs, tout particulièrement ceux de son Norfolk natal, et notait les vielles chansons que l’on pouvait encore entendre à cette époque.

Moeran arrangea certaines de ces chansons populaires et les rassembla tout le long de sa vie dans une grande variété de formations allant du solo au chœur vocal. Certaines d’entre elles pour voix et piano comme les Six Folksongs from Norfolk, les Six Suffolk Folksongs et les Songs from County Kry sont d’un intérêt tout particulier.

Au milieu des années 20 Moeran se lia d’une amitié profonde avec Philip Heseltime, compositeur mieux connu sous son nom appellation littéraire de Pet Warlock. En 1925, en compagnie de l’artiste Hal Collins, ils louèrent ensemble une maison à Eynsford dans le Kent où ils vécurent pendant trois ans d’une vie que l’on disait assez libre dans une ivresse d’anarchie qui leur apportait tout un bataillon de visiteurs musiciens et artistes et l’attention occasionnelle de la police locale. Cette période fut aussi un déclin incompréhensible dans la régularité de la production musicale de Moeran. On considère aussi que c’est à Eynsford que Moeran tomba vraiment dans l’alcoolisme qui le handicapa si souvent durant le reste de sa vie.

En quittant cette maison lorsque ses finances devinrent trop maigres, Moeran évolua vers un renouveau stylistique qu’il l’amena vers ses premières influences avec des compositeurs comme Delius et Ireland, en particulier dans son utilisation de l’harmonie. Les premières œuvres instrumentales qui témoignèrent de ce changement sont la sonate pour deux violons et le trio à cordes, partitions écrites durant une période de maladie persistante et pour la première fois élaborées directement sur le papier et non à travers des expérimentations sur le clavier, comme le fut le cas pour le cycle choral Songs of Springtime (Chansons du Printemps).

Ce fut aussi à cette époque que Moeran commença à montrer un intérêt grandissant pour les traditions irlandaises – son père était né à Dublin avant de rejoindre l’Angleterre, de plus Moeran a vécu quelques temps en Irlande lorsqu’il suivait dans l’Armée. Mais ce n’est pas avant les années 30 que Moeran commença à associer ses compositions non plus à la campagne du Norfolk mais à l’Irlande, en particulier la région du County Kry dans le lointain sud ouest du pays. Il devint surtout amoureux de la petite ville de Kenmare, et pour la plus grande partie du reste de sa vie ce fut ici qu’il retourna pour chercher son inspiration musicale.

L’œuvre qui l’occupa largement pendant les années 30 était en fait une commande qui avait été commencée dès 1924, c’était sa symphonie en sol mineur. Presque terminée à la fin des années 20, Moeran arrêta subitement de travailler dessus avant de ne la reprendre qu’en 1934 et de la terminer finalement le 24 janvier 1937 dans le Kry. Le succès de cette partition majeure augmenta la confiance de Moeran en lui-même et presque aussitôt il commença à travailler sur ce qui semble être pour certains le compagnon naturel à la symphonie : le concerto pour violon. Ce dernier, achevé en 1942 après cinq années, est imprégné de lyrisme et d’esprit irlandais. Alors que la symphonie plongeait souvent l’auditeur dans la mélancolie et le désespoir, le concerto pour violon semble offrir un espoir et un éclaircissement en réponse.

Cependant, une fois de plus le pays tomba dans la guerre. Alors que les années 40 s’écoulaient, il se maria avec la violoncelliste Pes Coetmore et écrivit pour elle son concerto pour violoncelle et sa sonate pour violoncelle. Les autres œuvres majeures de cette période comprennent la Sinfonietta, la troisième rhapsodie pour piano et orchestre créée aux Prom’s (à la dernière minute il fut tenté d’écrire un véritable concerto pour piano), la Fantasy Quartet pour hautbois et cordes et la sérénade en sol majeur.

Mais alors que la fin de la décennie approchait sa santé déclina. Moeran était en lutte avec une seconde symphonie qui semblait imminente à divers moments mais qui ne fut jamais achevée et dont le manuscrit disparut en fin de compte. Son mariage avec Pes, qui n’était pas destiné à être l’une de ces grandes romances, était plutôt instable et son alcoolisme persistait. En 1950 il vivait avec une santé très précaire à Kenmare, s’inquiétant que son instabilité ait pour résultat de le faire déclarer comme un malade mental incapable de se concentrer plus d’une seconde.

Le 1er décembre 1950 au cours d’une violente tempête on l’aperçut tomber à la mer depuis la digue de Kenmare, on le retrouva mort lorsque la mer le restitua. La cause de la mort semble être une hémorragie cérébrale consécutive à une attaque cardiaque. Il fut enterré peu de temps après à Kenmare.

Copyright Andrew Rose (2000).
Traduction Benjamin Viaud

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