Artistes, Compositeurs, Portraits

Adolphe Charles Adam [1803 – 1856], compositeur

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Né à Paris le 24 juillet 1803, décédé à Paris le 3 mai 1856.

Entre « Giselle » et Noël

Né la même année que Berlioz et passé par le même conservatoire, celui de Paris, s'adjugea de son vivant de plus avantageux succès mondains que ceux de son concurrent « sérieux » mais la postérité devait se montrer moins aimable avec lui, Berlioz en eut le juste de pressentiment, qu'il appelait « le faiseur de contredanses », et d'autres encore, qui le prenaient pour un bricoleur mélodique mâtiné d'un barbouilleur harmonique sommes toute assez vulgaire. De ses dizaines de de ballets, opéras et opérettes, on ne retient guère aujourd'hui que la gentille Giselle, devenu l'un des piliers de la chorégraphie romantique. Il est en outre l'auteur d'un chant rituel que sa popularité a rendu pratiquement anonyme, le Minuit chrétiens ! Cette œuvrette a beaucoup aidé, du côté de la critique sérieuse, à abîmer durablement sa réputation. Ainsi du compositeur et pianiste Robert Bernard, qui, dans sa très documentée Histoire de la musique, note à propos de l'art d'Adam qu'il « est l'incarnation même de la sottise et du mauvais goût (…). Le succès de Minuit chrétiens ! est, d'un certain point de vue, quelque chose de plus affligeant et de plus grave que le fait de l'avoir composé (…). Il semble qu'un minimum de décence devait s'opposer à ce qu'on honore un homme qui a positivement traîné la musique dans la boue, qui a fait pis que flatter le mauvais goût de la foule, car il l'a abaissé, avili, dégradé (…). Pour qui aime la musique, l'enfer, c'est peut-être de devoir écouter ses œuvres à perpétuité ».

On ne saurait se montrer plus radical dans un jugement sur une œuvre qui, en son temps, rencontra un large public. Celui-ci, il est vrai, venaient entendre les opérettes d'Adam comme on va, d'autres soirs, au théâtre de boulevard : pour s'y distraire. Le compositeur lui offrait des couplets coulés dans le monde du vaudeville ; il cherchait moins à servir la musique qu' à se servir d'elle pour faire passer les charades, jeux de mots, plaisanteries, frivolités, acidités ou amusements dont ses librettistes émaillaient leurs textes. Adam lui-même ne se berçait d'aucune illusion quant à la nature exacte de son habilité et de son talent, en écrivant dans le Constitutionnel du 4 janvier 1855 : « je n'ai guère d'autre ambition, dans ma musique de théâtre, que de faire claire, facile à comprendre et amusante pour le public. Je ne puis faire que la petite musique, c'est convenu. Je me contente donc de faire comme je puis, comme je sais, et j'attends que le public se lasse de moi pour cesser d'écrire. » Cette modestie n'est pas fin. Et, à tout prendre, il vaut mieux un amuseur qui ne manque pas sa cible plutôt qu'un cérébral qui échoue à définir la sienne.

Une enfance en musique

Adolphe Charles Adam naît à Paris le 24 juillet 1803. Il a dix mois lorsque commence l'Empire. Son père, le pianiste virtuose Jean-Louis Adam (1758-1848), Alsacien d'origine, professeur au conservatoire, en profite avec allégresse : formé à l'excellente école des clavecinistes français, racés, distingués, il devient faiseur de musique pour salon. Ayant traversé la Révolution en gardant sa tête, il sert maintenant en tout opportunisme la nouvelle aristocratie, celle qui a manié la guillotine : accords arpégés, poncifs mélodiques, virtuosité à effets, rien n'est oublié dans les partitions qu'il vend à ceux qu'attire son nom, jusque dans ses Variations sur « Le Roi Dagobert ». Ce qui ne l'empêche pas d'avoir étudié aussi le violon et la harpe, de s'être formé à l'étude de maîtres allemands aussi sévères que Fux ou Mattheson, de recommander à ses élèves de travailler le grand Bach (il est l'un des premiers en France à s'en faire l'apôtre), Mozart et même Beethoven, qui n'est alors guère apprécié. Pour couronner le tout, sa Méthode de doigté pour le piano-forte et sa Méthode de piano font l'unanimité par leur efficacité et leur subtilité.

De son père, le petit Adolphe apprend très vite, à domicile, à promener sans gaucheries ses doigts sur un clavier. Cette habilité résulte plus de l'observation que de l'instruction proprement dite, le jeune garçon se montrant aussi rétif au solfège qu'il l'est au latin et à la grammaire. Il a simplement de la mémoire et de l'instinct ; son talent, dès l'enfance, tient en une prodigieuse faculté d'improvisation. Son père ne s'en inquiète pas ; il en est rassuré, plutôt, souhaitant ne jamais voir son fils embrasser la carrière musicale dans un monde aussi décadent que celui de la capitale française post révolutionnaire.

Devenu élève de l'ancien lycée Bonaparte, reconverti en collège Bourbon après 1815, Adam s'y exerce avait assiduité au séchage de cours en compagnie d'un cancre de la même envergure : Eugène Sue, le futur auteur de feuilletons populaires. Une fois passé le mur d'enceinte, il se réfugie selon les après-midi sur une tribune d'orgue pour y improviser ou dans l'atelier du cousette pour un exercice d'harmonie transposé. Son amour de la musique l'emporte finalement, et, sur son insistance inlassable, son père accepte en bougonnant de confier son instruction à quelques collègues du Conservatoire. Le jeune Halévy, rendu indisponible pour une semaine par les épreuves du concours de Rome, lui confie pour quelques jours le soin de sa classe de solfège ; cette bévue opportune permet au jeune homme de se décider à apprendre enfin cette matière, ne serait-ce que pour l'enseigner. Personne jusqu'alors ne se doutait qu'il fût ignorant dans cette science élémentaire. Ce bref galop d'essai fut à ce point concluant que, Halévy reçu aux concours et renvoyé à Rome, Adam héritera de sa classe ; il n' avouera qu'à la fin de sa vie avoir étudié ainsi la sténographie élémentaire de la musique. Pour leur reste, il suit les cours, sans plus. Dans la classe d'orgue, Benoist ne parviendra guère à lui faire travailler autre chose que l'improvisation. Quant à la composition, c'est avec. Boieldieu qu'il s'y essaie, apprenant sans éclat mais avec précision l'art de rester clair et de plaire, laissant a de plus savants et de plus courageux que lui l'envie d'arracher les prix de fugue de contrepoint, qui ne conviennent guère à son tempérament.

Tout en suivant le matin des cours du Conservatoire, en vendant l'après-midi des romances à trois sous aux petits éditeurs et en donnant quelques leçons payées à la va-vite, Adam s'arrange pour travailler le soir à l'orchestre du Gymnase, allant jusqu'à reverser ses cachets à ceux qui acceptent de se faire remplacer. Un seul objectif : être dans la place pour observer chanteurs, danseurs, orchestre, écriture, réactions du public et comment fonctionne le métier. Après avoir officié au triangle, il est nommé timbalier en second puis, à la suite du décès inopiné du titulaire se voit engagé en 1822, à dix neuf ans, comme chef de chœur et timbalier titulaire aux appointements de six cents francs : « C'était une fortune, assura-t-il. Je ne donnai plus de leçons à trente sous, et je suis un peu moins de musique de pacotille. »

La tactique déployée au Gymnase ayant fonctionné à merveille, Adam l'utilise à nouveau pour se faire connaître comme compositeur. Il est le tour des auteurs de vaudevilles pour placer gratuitement quelques romances dont la composition était habituellement confiée comme rémunération ou chef des orchestres de théâtre. Adam s'attire ainsi les bonnes grâces des auteurs pour les économies qui leur fait réaliser, mais aussi la haine des chefs qui perdent à cause de lui une petite source de revenus. Qu' importe, ses airs plaisent. Il devient vite indispensable, et hausse alors ses tarifs. Il participe ainsi au Bal champêtre, à la Haine d'une femme, à Monsieur Botte ou à la Clé du caveau, des pièces dont les affiches ont laissé plus de traces sur les murs que les noms des auteurs dans les manuels de littérature. Survient une rencontre inopinée avec Eugène Scribe, librettiste alors très en vogue, qui permet à Adam d'écrire, en quelques semaines, une musique pour le texte d'un opéra-comique en un acte. Ce sera, la Batelière de Brientz qui obtiendra un franc succès en décembre 1827. Entre le Vaudeville, le Gymnase, et les Nouveautés, va accumuler en quelques mois plus qu'en février 1829, date de son entrée à l'Opéra-Comique, dix sept ouvrages en un et trois actes dont les Comédiens par testament, la Reine de seize ans, le Barbier châtelain. Les titres résument par eux-mêmes le réalisme du livret et la qualité de la musique. Adam compose comme on cause quand on est conteur, avec faconde et fécondité. C'est là son métier, et le public en redemande.

Il ne commet, dans le moment, qu'une seule erreur : son mariage en 1829 avec Sarah Lescot, une choriste du vaudeville sortie du rang pour un rôle dans le Vieillard de Viroflay. Elle montrera une certaine propension à transformer bientôt la vie domestique en scénario de boulevard ; assez averti des choses du théâtre, le compositeur préférera écourter la comédie conjugale et renverra la dame à son célibat d'origine.

Vers la gloire

Rodé aux trucages les plus efficaces, Adam est salué par la critique « sérieuse » lors de son entrée à l'Opéra-Comique, le 9 février 1829 avec Pierre et Catherine. L'éditeur Pleyel se présente alors à la loge du compositeur et lui offre trois mille francs pour la partition, somme plus qu'importante par rapport à son salaire annuel de timbalier d'il y a six ans. C'était, de la part de Pleyel, une méthode sûre pour s'attacher un compositeur promettant de devenir fécond. Dans les mois qui suivirent, il ne fut pas contredit : Isature, Danilowa, Henry V, Raphaël s'attirent les faveurs du public tant à l'Opéra-Comique qu'aux Nouveautés. Adam n'hésite pas devant les vieilles techniques du pasticcio des beaux jours de l'opéra italien. Lorsqu'il n'a pas le temps de composer, il reprend la musique des autres, en le disant, et coud du Meyerbeer avec du Weber, du Spohr avec de l'Adam, du Bellini ou avec du Haydn. C'est à la fois insipide, plutôt bien orchestré, sans prétentions et ficelé pour la distraction du public.

Les journées de juillet 1830 embrument un peu l'horizon des affaires car, comme le constate ingénument Adam, « les révolutions ne sont pas favorables au théâtre ». Le compositeur tente toutefois de profiter à un peu de celle-ci en montant à la hâte Trois jours en une heure « tableau national mêlé de chants » (sic). Ils ne tiennent guère plus de trois jours à la fin. C'est la loi du genre, et ce d'autant plus qu'Adam, pour révolutionnaire qu'il se dit, commence sérieusement à s'épuiser et à se répéter. Neuf « opéras » en dix huit mois, même avec le talent, n'incite pas au renouvellement des formes lyriques. La coupe des ouvrages revient presque et à l'identique : début des airs en andante, longue phrase de transition à la Boieldieu, partie finale en allegro, applaudissements du public, relance du dialogue parlé, nouvel air, un duo ou un trio par acte, entracte, nouvel acte, point d'orgue, reprise du finale à trois ou à cinq voix en notes sautillantes sur fond de tambourin rehaussé d'un triangle, applaudissements, contentement des acteurs, entregent avec la presse spécialisée, mondanités, composition du nouvel ouvrage, répétitions d'icelui avec les chanteurs, début des airs en andante, transitions à la Boieldieu …

Un séjour au pays du brouillard

La peur de la contamination provoquée par une épidémie de choléra, la crise des théâtres induite par l'instabilité politique, tout cela entraîne la faillite puis la fermeture de l'Opéra-Comique, des Nouveautés et du Vaudeville. Comme les Italiens, un siècle plus tôt, le genre étant épuisé chez lui, Adam s'en va vendre ses œuvres en Angleterre. Covent Garden et le Théâtre Français de Londres lui ouvrent leurs portes. Ne connaissant pas un traître mot de l'idiome local, il se le fait rabâcher et compose quelques couplets. His First Campaign voit triompher miss Poole, « une toute jeune fille qui remplissait le rôle d'un tambour ». Covent Garden est en liesse. Aussitôt, Lady Blessington, « femme distinguée et poète », lui fait mettre en musique son chef-d'œuvre rimé, the Eolian Harp, qui, prestement imprimé, fait la joie des salons aristocratiques. Adam s'est lancé dans Londres en quelques mois, à moindre frais que partout ailleurs dans le monde.

Après un ballet sur Faust pour le King's Theatre, Adam revient à Paris. La critique l'attend au tournant. Le célèbre critique Fétis craint « qu'il ne soit pas né pour laisser des traces durables de son passage sur les scènes lyriques ». Prudent, le compositeur s'y reprend à deux fois avant de lancer son nouvel ouvrage, le Chalet, sur un livret de Scribe. Malgré les injonctions du librettiste, il ajoute, pour des raisons musicales, deux vers qui manquent à une mélodie. C'est à Scribe qu'ils devaient être longtemps reprochés :

Du vin, du rhum et puis du rac

ça fait du bien à l'estomac…

Après la première du 25 septembre 1834, Boieldieu lui écrivit : « Je voudrais que cette musique fût de moi. » Le public eut cette même opinion, qui accorda un succès sans précédent à la première représentation, et aux autres à l'avenant. Une partie de la critique, néanmoins, resta chagrine et surnomma l'ouvrage « l'opéra Pont-Neuf », car on y passe d'un thème à l'autre sans transition, comme la chaussée sur les arches multiples du célèbre pont parisien. Pour autant, l'ouvrage resta d'année en année au répertoire de l'Opéra- Comique, à la satisfaction de ses gestionnaires, atteignant la millième en 1873.

Après la Marquise et Micheline, toutes deux bien accueillies, Adam renoue avec le coup d'éclat du Chalet en donnant à l'Opéra-Comique en octobre 1836 le Postillon de Longjumeau, sur un livret de Brunswick et Leuven, précédé d'un ballet en première partie, la Fille du Danube, avec la ballerine Marie Taglioni. La carrière du Postillon failli mal débuter ; les deux chanteurs principaux, Chollet et Prévost, amants à la ville, venaient en effet de se séparer après l'intrusion dans leur ménage de la cantatrice Jenny Colon, et celle-ci assistait ostensiblement aux répétitions, ouvrant dans les yeux de sa rivale des abîmes de désespoir. Ce vaudeville dans le vaudeville s'apaisa heureusement à temps ; l'ouvrage qui devint l'un des préférés du public, est probablement le plus honni par la critique sérieuse (notamment la ronde du Postillon : « Oh ! oh oh oh ! qu'il était beau… », et le trio « syllabique » du troisième acte : « Pendu ! pendu ! pendu ! pendu ! »).

« Le succès dépassa mon attente, constate Adam. (…) Le chœur final, où l'on reprend l'air du Postillon, acheva le triomphe. Le mot n'est pas de trop, car ce n'était pas les claqueurs, c'était toute la salle, galeries, loges, stalles, qui applaudissait… »

Le succès du Postillon lui vaut des imitations à l'étranger, notamment un il Postiglione di Longjumeauqui, à Milan, fait un tel four qu'il faut le retirer dès le troisième soir ! En Allemagne, la version initiale traduite connaîtra une longue et brillante carrière, préparant là-bas le futur public de Flotow et de Stuppe. La recette du Postillon, comme, à des degrés divers, celle des autres succès d', tient en la sorte de position médiane qu'elle occupe entre le vaudeville grivois et le genre noble de l'opéra, l'un comme l'autre n'étant que suggérés, approchés, convoité en quelque sorte, mais jamais affirmés. C'est comme il a été dit, « l'alliance entre le village et la cour, le catogan et la coiffure à l'oiseau royal, la soupe aux choux et la poudre à la maréchale ».

Mettant les bouchées doubles, et même triples, Adam travaille ensuite à trois ouvrages en même temps, un opéra-comique en trois actes, le Fidèle Berger, un ballet en deux actes, les Mohicans, et une Messe solennelle dédiée ou pape Grégoire XVI, probablement destinée à montrer son art dans la musique sérieuse,ce que personne pourtant ne lui demandait. Des trois ouvrages, totalement oubliés aujourd'hui, et même si les deux premiers furent des échecs, le troisième est probablement celui dont la reprise s'impose le moins. C'est ce que ses contemporains durent penser : bien qu'exécutée trois fois au cours de l'année 1837, la Messe acheva là sa carrière et n'existe toujours pas sous forme autographe. Tels sont les aléas de la mode lorsqu'on en fait profession ! Mais 1838 devait être une bonne année, avait le succès du Brasseur de Preston, dont Berlioz lui-même reconnu que, malgré ses « petits chants, le style de cette musique est admirablement adapté aux goûts de la plupart des habitués de l'Opéra-Comique ». L'année 1839 voit le succès de Régine, sur un livret de Scribe, avec la collaboration du ténor Roger et de la cantatrice Rossi, alors à ses débuts. Ce n'est qu'un prélude à ce qui va susciter une flambée dans le public, et de délire agressif chez les critiques : Reine d'un jour, sur trois acte de Saint-Georges et de Scribe. Adam ne se soucie guère de méchanceté qu'on profère. Il encaisse, dans les deux acceptations du terme. Et les scènes étrangères le réclament à un grands cris.

Une carrière internationale

Cette œuvre ayant été vantée plusieurs fois à la cour de Saint-Pétersbourg, le tsar demande qu'on lui monte le Brasseur au Théâtre impérial. Adam arrive dans la capitale le 13 octobre1839 ; il y est accueilli par son propre ballet la fille du Danube, dansé par la Taglioni.. L'empereur lui demande,outre une marche de cavalerie pour sa garde, un nouveau ballet : ce sera l'Écumeur des mers, appelé localement Morskoï Rasbonick auquel la Taglioni, ayant « excité d'unanimes transports », assure un triomphe. Quant au Brasseur, il fait pleuvoir invitations, égards, honneurs et cadeaux en tous genres. Adam est considéré comme le digne successeur de son maître Boieldieu, qui avait tenu un moment à Saint-Pétersbourg le poste de maître de chapelle. La même fonction est proposée à Adam, qui refuse poliment, ne s'habituant guère au froid polaire des coulisses et des loges, ni aux courants d'air des salles pétersbourgeoises.

Sur son trajet de retour vers la France, le compositeur s'arrête de mars à mai 1840 à Berlin, où le Théâtre royal souhaite sa collaboration. Un certain Pernot de Colombey lui fournit un livret intitulé les Hamadryades sur lequel il va bâtir en quelques jours une musique des plus convenues. Commencé le 26 mars, l'ouvrage est représenté tambour battant le 28 avril, et reçoit les marques d'intérêt de compositeurs comme meilleur Meyerbeer et Mendelssohn.

C'est un Adolphe Adam fêté et cajolé qui s'arrache à peine à Berlin, le 27 mai, on s'en aller rejoindre Paris après dix-huit mois d'absence, au cours desquels il a conquis de flatteurs enthousiastes. Paris, toutefois, le boude deux fois avec l'insuccès de la Rose de Pérone, où la cantatrice Damoreau se produit pour la dernière fois en public, et de la Main de fer, sur un mauvais livret de Scribe. Retour de balancier au mois de juillet 1841 à l'Opéra, avec le ballet Giselle, sur un argument tiré de Heine par . Le chef d'orchestre Habeneck, celui qui avait introduit Beethoven en France, tient à diriger lui-même et refuse de confier la baguette à son assistant, comme cela se fait d'habitude pour les ballets. La ballerine Carlotta Grisi se surpasse, et c'est un nouveau triomphe pour Adam. s'incline lui qui considérait jusqu'alors la musique comme « un bruit et, de tous les bruits, le plus coûteux et le plus désagréable ». Il reconnaît pour cette fois « une attention touchante pour les amateurs de musique difficile : une fugue très bien conduite ».

De ballet (la Jolie Fille de Gand) en opéra-comique (le Roi Yvetot), Adam va contenter au fil des mois son public habituel et donner du grain à moudre à ses critiques attitrés. Puis l'idée lui vient en 1844, après un différend avec le directeur de l'Opéra-Comique, d'ouvrir sa propre salle lyrique. L'affaire est longue à préparer. Il trouve un associé, s'endette lui-même pour plusieurs années, et achète finalement le cirque du Temple pour le transformer en Théâtre- National. L'inauguration a lieu 15 novembre 1847, avec, Gastibelza et les Premiers Pas. Le tout Paris s'y précipite et fait fête aux actionnaires. Les salles sont régulièrement remplies avec des pastiches recollés à la hâte ou des reprises d'ouvrages anciens. Les premiers remboursements ou vont bon train, mais les émeutes de 1848 provoquent la faillite de l'entreprise. Adam s'en trouve non seulement ruiné, mais pour longtemps endetté.

La mort de son père, vieillard affolé par la survenue d'une IIè République dont il avait connu une première version sanglante, voit Adolphe Adam incapable de régler ni les obsèques ni la tombe. Le Conservatoire s'en acquitte pour lui par souscription. Faute de gagner sa vie sur ses partitions, Adam se met aux travaux de plume et devient chroniqueur du Constitutionnel et de l'Assemblée nationale. Il a de l'esprit, de la mémoire, une rare faculté d'analyse musicale immédiate : « à ses chroniques seront souvent bonnes, parfois étincelantes, mais aussi aveugles lorsqu'il s'en prendra à Bach, à Berlioz, à Wagner ou à Liszt. En limitant l'usage ont de son intelligence au canon de ses propres critères esthétiques, Adam a manqué la carrière de critique qu'un Berlioz ou un Schumann ont parfaitement réussie.

Sa fortune ne change un peu, non en mieux mais en moins mal lorsque le Conservatoire lui propose de créer à son intention une quatrième chaire de composition. Cette offre heurtera quelques susceptibilités, non sans raison, mais lui permettra d'arrondir à quatre cents francs son pécule mensuel, Institut est chroniques compris. Pour se refaire quelques droits d'auteur destiné à libérer ses hypothèques, il arrive à placer à l'Opéra-Comique, qui a changé de directeur, un Toréador, puis une Giralda en 1850, sur un bon livret de Scribe. Les plus méchantes langues s'accordent à trouver des qualités musicales à cette Giralda, qui devait être reprise en 1862 et en 1873, mais ne fit l'objet que de quelques représentations après sa première. Enfin, c'est avec la Poupée de Nuremberg, le Farfadet, Si j'étais roi, la fête des arts, Orfa et la Faridondaine, six opérettes écrites en un an, qu'Adam parvient à se libérer définitivement de ses dettes en 1853.

Il commence à se refaire une santé financière avec le Bijou perdu (1853), le Dernier Bal, le Muletier de Tolède (1854), A Clichy (1855), Falstaff ou le ballet le Corsaire (1856). Mais il n'a guère le temps d'en profiter et meurt assez pauvre. Son père s'était épanoui dans les fastes du premier Empire ; le fils ne verra guère que les premiers feux du second. Les Pantins de Violette, créés le 29 avril 1856 par Mlles Schneider et Dalmont sur la scène des Bouffes-Parisiennes, n'auront pas de successeur. Adolphe Adam s'éteint dans son sommeil, au cours de la nuit du 2 au 3 mai, à son domicile parisien.

Les polémiques sur son art ne cessèrent pas après sa mort. La vague wagnérophile montante manifesta sa désapprobation lors de chaque reprise de l'un de ces ouvrages sur une scène nationale. En dehors de Giselle, régulièrement redonné à l'Opéra, les opérettes n'ont guère été remontées dans la seconde moitié du XXe siècle dans les théâtres subventionnés. La mode des théories musicales abstraites a fait déverser sur lui quelques tombereaux des injures tardives Le jugement le plus équilibré sur son œuvre a sans doute été porté par Jules Combarieu dans son Histoire de la musique (1939) : « Adam a été populaire en Allemagne autant qu'en France. C'est un compositeur aimable et facile, inégal, trop hâtif, parfois charmant. L'ensemble de son œuvre, livret et musique, est adapté à cet esprit vulgaire qui ne fût pas seulement celui de la bourgeoisie sous Louis-Philippe, mais qui, en tout temps et en tout pays, et celui de la majorité. »

 

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