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Pesaro. Teatro Rossini. 15-VIII-2018. Gioachino Rossini (1792-1868) : Adina, farce en un acte de Gherardo Bevilacqua Aldobrandini. Édition critique de Fabrizio della Seta pour la Fondation Rossini avec la collaboration de Casa Ricordi. Mise en scène : Rosetta Cucchi ; décors : Tizianto Santi ; costumes : Claudia Pernigotti ; lumières : Daniele Naldi. Avec : Lisette Oropesa, Adina ; Vito Priante, Califo ; Levy Sekgapane, Selimo ; Matteo Macchioni, Ali ; Davide Giangregorio, Mustafa. Chœur du Teatro Della Fortuna M. Agostini (chef de chœur : Mirca Rosciani), Orchestra Sinfonica G. Rossini, direction : Diego Matheuz
Entourée d'une troupe de haut niveau, Lisette Oropesa incarne une Adina virtuose et émouvante, au cœur d'une mise en scène très et presque trop « buffa ».
Un léger tohu-bohu accueille les spectateurs qui s'installent, une cacophonie moyen-orientale créée par l'orchestre qui s'accorde un peu plus bruyamment que d'habitude et semble mimer phonétiquement de joyeux bruits de rue… Au centre du rideau de scène, un grand faire-part rose annonce à tous les noces d'Adina et du Calife. Le lever du rideau dévoile un énorme gâteau de mariage bleu, à trois étages, que des pâtissiers pourvus de grandes poches achèvent de décorer avec des boules de chantilly, et dans lequel une porte s'ouvre dévoilant la suite présidentielle du calife.
Le thème d'Adina, très exploité dans les opéras comiques ou semi-sérieux des XVIIIe et XIXe siècles, comme La rencontre imprévue de Gluck, L'Enlèvement au sérail de Mozart, L'Italienne à Alger ou Le Turc en Italie de Rossini lui-même, situe l'histoire à Bagdad, dans le harem du calife qui veut épouser son esclave Adina. Elle lui rappelle la femme jadis aimée. Adina a d'abord consenti, mais le hasard lui fait revoir son amour d'enfance, le jeune Selimo qu'elle croyait mort et qui lui propose de s'échapper avec lui. Finalement, après diverses vicissitudes, le calife découvre qu'Adina est en fait sa fille, d'où la ressemblance…
Dernière « farce » rossinienne en un acte, Adina semble un retour au modèle vénitien de la jeunesse de Rossini, avec un chœur en plus, mais l'œuvre est moins fascinante, peu structurée, inégale. Composée très rapidement en 1818 pour répondre à une mystérieuse commande (on ne sait toujours pas de qui), cet opéra était destiné à une cantatrice du San Carlo portugais. C'est un patchwork d'airs nouveaux et d'autres recyclés, comme sortis de l'atelier d'un peintre de la Renaissance : seuls les airs les plus importants ont été écrits par le maître qui en a emprunté d'autres à son opéra Sigismondo, et s'est reposé sur des collaborateurs habiles pour les moins importants et pour les récitatifs.
L'histoire n'est pas vraiment une farce, ce mot désignant en fait simplement une œuvre courte, et se fait même parfois presque dramatique, notamment à cause de l'ambiguïté de la relation entre l'héroïne et le calife, tour à tour fiancé amoureux, tyran et soudain père affectueux. D'où une partition perpétuellement en équilibre entre les genres, avec des frontières perméables. La direction guillerette de Diego Matheuz à la tête d'un orchestre pimpant suit de près les changements d'humeurs et d'émotions, en soulignant les subtilités d'écriture des airs principaux, avec une dynamique du chœur parfaite.
La mise en scène de Rosetta Cucchi s'installe dans le décor hyper coloré de Tiziano Santi, cour des miracles à l'esthétique très Disneyland, avec des costumes (de Claudia Pernigotti) qui sont autant de vignettes convenues : femmes du harem en jupettes rouges de pin-up girls comme sur les camions américains des sixties mais avec des jambes plus courtes, jardiniers portant des plate-bandes fleuries en guise de chapeaux, le tout dans un excès d'hétéroclisme qui pourrait porter à l'ennui.
Côté chanteurs, c'est un éblouissement, comme presque tout à Pesaro ! Lisette Oropesa, mi-vamp mi-fillette, domine les difficultés de ses airs avec une élégance et une diction parfaite. Sa voix légère explose en feux d'artifices d'aigus, et passe facilement du bouffe au pathos. L'eunuque Ali de Matteo Macchioni, moustaches à la Dali, bas à résilles et talons aiguilles argentés, chante d'une voix lumineuse son « aria di sorbetto », cet air qui dans tous les opéras de l'époque était prévu pour permettre aux spectateurs de déguster tranquillement leur sorbet. Vito Priante est un calife élégantissime. Le Selimo de Levy Sekgapane reste malheureusement un peu en deçà des attentes, peut-être parce qu'il ne maîtrise pas tout à fait encore la langue italienne, mais il chante avec une belle virtuosité.
Lorsque le rideau tombe, on peut y lire le faire-part corrigé, avec les noms des nouveaux heureux mariés, Adina et Selimo !
Crédit photographique : © Studio Amati Bacciardi
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