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Anvers. Vlaanderen Opera. 30-IV-2016. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Idomeneo, dramma per musica en trois actes sur un livret de Giambattista Varesco. Mise en scène : David Bösch ; décors : Patrick Bannwart, Falko Herold ; costumes : Falko Herold ; Lumières : Michael Bauer. Avec : Roberto Saccà (Idomeneo) ; Renata Pokupic (Idamante) ; Serena Farnocchia (Elettra) ; Ana Quintans (Ilia) ; Anton Rositskiy (Arbace) ; Adam Smith (Grand-Prêtre) ; Leonard Bernad (Voix de l’oracle). Chœur du Théâtre des Flandres (chef de chœur : Jan Schweiger) ; Orchestre de l’Opéra des Flandres ; direction : Paul McCreesh.
Déjà mis en scène par David Bösch en 2013 à Bâle, la mise en scène de cet Idomeneo revient en terres flamandes sous la direction de son assistante Barbora Horáková Joly. Ce qui peut être une découverte pour les uns sera pour les autres l'occasion d'approfondir la connaissance d'une des scénographies les plus originales du moment.
Loin d'une exhaustivité conservatrice, on sait gré aux coupes d'usage de se fondre dans une vision très unitaire sans amoindrir ni le rythme ni les effets (qui se plaindrait aujourd'hui de la disparition de l'interminable ballet final ?). Ce travail autour de l'histoire rocambolesque du retour du roi de Crête dans sa patrie met en valeur plusieurs fils rouges, en particulier la réalité de la relation conflictuelle père-fils et le passage de l'enfant à l'adulte.
On entre dans cette mise en scène à la manière d'un imagier ou d'un recueil de contes pour enfants. L'omniprésence des projections dans les deux premiers actes enveloppe l'action d'une doublure débordante qui finit par étouffer les situations systématiquement. L'intrigue est prétexte à jouer, à se faire peur, avec apparition de monstres de papier (façon piñata garnie de bonbons) et projections inquiétantes – tant est si bien qu'il est impossible de distinguer la vision des images mentales des situations théâtrales. Il y a chez David Bösch un peu de cette distanciation narrative qui opère dans les formules au conditionnel qui précèdent un jeu de rôles (« Je serais… tu serais etc. »). On explore à tâtons un univers fait de peurs et d'insouciance, avec la symbolique des costumes pastel (couple Idamante-Ilia), perdus dans l'univers noir bitume des adultes (Idomeneo, Elettra et le chœur).
Dans un fond esthétique très proche de la Flûte enchantée, le couple adolescent saura surmonter d'infranchissables frontières politiques que la guerre de Troie aura dressée entre les deux peuples. Sur la plage, le cheval à bascule rappelle le jouet et le terrible stratagème des Grecs, tandis que la jeune Ilia pleure la disparition de ses proches matérialisée par les croix plantées dans le sable. Au III, c'est face à un chœur changé soudain en zombies sanguinolents et une arrière-scène hérissée de croix que l'impossible sacrifice se changera en happy end, au grand désespoir d'un grand prêtre de Neptune tout droit sorti d'un film de Dario Argento…
Le resserrement des options de la mise en scène permet à l'œuvre de se densifier progressivement. Le regard se concentre sur l'économie des gestes, comme cette couronne royale dont personne ne veut ; jetée à terre ou foulée aux pieds, elle finira sur la tête d'un Idamante dans une ultime scène très réussie qui le montre déchiré entre la joie du sacre et l'émotion de voir son père mort à ses pieds.
Éblouissante dans son « Padre, Germani, addio » et très démonstrative dans les broderies et les fins de phrases du « Se il padre perdei », l'Ilia d'Ana Quintans assume une vocalité pulpeuse et mozartienne à souhait. Renata Pokupic (Idamante) peine à trouver ses marques dans une émission qui mettra deux actes à s'épanouir dans un « No, la morte io non pavento » enfin à la hauteur du rôle. Une semblable aphasie semble frapper l'Elettra gothique et hystérique de Serena Farnocchia. Elle réussit scéniquement le pari risqué d'une scénographie qui souligne à l'envi les allusions à la malédiction des Atrides ; l'expression vocale n'a pas la température de la gestuelle, sauf en partie dans les arêtes et l'altitude du « D'Oreste, d'Ajace ho in seno i tormenti ». Roberto Saccà est un rôle-titre très engagé et d'une indéniable présence. Même si cela ne suffit pas à dominer les impossibles aigus d'un « Fuor del mar » décidément hors d'atteinte, on admire sans réserve la manière dont il module les douceurs du « Torna la pace ». Épargné par les coupes, l'Arbace de Anton Rositskiy peine un peu dans les rodomontades du « Se il tuo duol, se il mio desio ». Les rôles secondaires sont plutôt bien distribués, principalement l'abyssal Leonard Bernad dont l'oracle domine le Grand Prêtre assez court et rêche de Adam Smith.
La battue attentive d'un Paul McCreesh pourrait aisément passer pour pédante ou didactique tant elle fragmente le discours en plombant les accents et les nuances. On mettra sur le compte de la première les approximations et la prudence perceptibles, ce qui ne parviendra pas à ternir le plaisir d'une des productions majeures d'un ouvrage réputé difficile et rebelle.
Crédits photographiques : © Annemie Augustijns
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Anvers. Vlaanderen Opera. 30-IV-2016. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Idomeneo, dramma per musica en trois actes sur un livret de Giambattista Varesco. Mise en scène : David Bösch ; décors : Patrick Bannwart, Falko Herold ; costumes : Falko Herold ; Lumières : Michael Bauer. Avec : Roberto Saccà (Idomeneo) ; Renata Pokupic (Idamante) ; Serena Farnocchia (Elettra) ; Ana Quintans (Ilia) ; Anton Rositskiy (Arbace) ; Adam Smith (Grand-Prêtre) ; Leonard Bernad (Voix de l’oracle). Chœur du Théâtre des Flandres (chef de chœur : Jan Schweiger) ; Orchestre de l’Opéra des Flandres ; direction : Paul McCreesh.